La hausse des taux directeurs est lourde de conséquences pour les entreprises comme pour les investisseurs. Néanmoins, cela reste un contexte très intéressant quant aux réflexions liées aux possibilités d’investissements. Zoom sur la gestion long-short avec Thierry Dupont, associé fondateur de BDL CM. 
 
DÉCIDEURS. Pouvez-vous nous parler des marchés ?
Thierry Dupont. Actuellement, les marchés sont dirigés par une forte inflation et une hausse des taux avec une crainte de récession. Les entreprises vont sûrement devoir faire face à une baisse des marges. À cela viennent s’ajouter les risques géopolitiques qui bloquent les prises de décisions des sociétés et des gouvernements. Nous voyons émerger un phénomène qui n’est pas arrivé depuis longtemps, à savoir la compression des multiples. Nous sommes dans un marché où les taux d’intérêt réels recommencent à monter. Ils sont certes toujours négatifs, mais aujourd’hui nous sommes dans une phase beaucoup plus "saine" puisque nous ne sommes plus dans un contexte où l’argent est gratuit et où finalement la valorisation des entreprises n’était plus regardée. Nous revenons à une économie où le marché connaît un repricing. C’est très important car, pour nous qui regardons avec attention les valorisations, cela crée de nouvelles opportunités, d’autant plus que la dispersion des valorisations des actifs n’a jamais été aussi importante en Europe.
 
Avez-vous su capter ces opportunités ?
Après la compression des marchés, la dislocation des valorisations a été le deuxième point marquant de 2022. Si nous regardons plus en détail, nous constatons une forte disparité entre ce qui est peu cher et ce qui l’est trop. Notre terrain de jeu était très favorable et nous avons pu acheter des titres à un prix raisonnable et en vendre à découvert des plus onéreux. Pour illustrer cela, notre fonds Rempart est à + 12.6 % contre - 0.3 % pour l’€STR, son indice de référence au 8 novembre 2022.
 
Quelles stratégies privilégier pour rester performant tout en limitant le risque ?
La gestion long-short a toute sa place dans cet environnement inflationniste car c’est une stratégie qui fonctionne à deux moteurs : l’achat (poche "long") et la vente à découvert (poche "short"). L’intérêt de cette solution au sein d’une allocation globale est la performance absolue.
 
C’est d’ailleurs votre stratégie d’investissement chez BDL CM…
Tout à fait ! Nos fonds investissent sur des sociétés cotées européennes ayant au minimum un milliard d’euros de capitalisation boursière. Sur la partie « long », les sociétés que nous recherchons doivent être de bonne qualité, avoir un bon management et une valorisation attractive. Sur la partie "short", nous ciblons des entreprises que nous trouvons trop chères et/ ou un modèle en déclin.
 
Intégrez-vous les critères ESG à cette gestion ?
Nous sommes très attachés à la gouvernance des entreprises car nous partons du postulat qu’une société bien gérée répond au moins au G des critères ESG. Au-delà, tous nos fonds sont classés article 8 selon la réglementation SFDR et un l’est article 9. Nous achetons des notations extérieures qui viennent en complément de notre modèle propriétaire, visant à poser une série de questions au management des sociétés qui nous intéressent, donnant lieu à une note minimale de 10 à 12/20 pour être investissable. Nous avons une démarche pragmatique de l’ESG, en accompagnant les entreprises plutôt qu’en les "punissant". 
 
Propos recueillis par Marine Fleury