Directrice du développement durable au sein du groupe hôtelier Accor et présidente du jury du Prix de la Finance verte 2022, Brune Poirson évoque la manière dont les entreprises et les acteurs publics doivent s’emparer du sujet climatique. Elle voit notamment dans la taxonomie verte européenne un véritable outil anti-greenwashing. Entretien.

Décideurs. La Commission européenne a œuvré à la création d’une taxonomie verte. Quel regard portez-vous sur ce nouveau référentiel ? 

Brune Poirson. Nous faisons face à un immense défi. Il a fallu près de deux-cent-cinquante ans pour bâtir notre système économique. Et nous avons seulement trente ans pour le repenser totalement et atteindre la neutralité carbone. Nous accueillons donc très positivement la création d’une taxonomie verte européenne. Elle est, en effet, le signe d’un nouveau degré de maturité des différents acteurs publics et privés sur les questions environnementales. Cette maturité se perçoit à plusieurs niveaux. D’une part, auprès des responsables politiques. Pendant des années, nous étions malheureusement cantonnés à de grandes annonces en faveur de la transition climatique, sans jamais aborder la question de sa mise en œuvre.

" La taxonomie est, à ce titre, un véritable outil anti-greenwashing"

La taxonomie européenne apporte un vrai changement sur ce point. D’autre part, cette maturité se remarque auprès des acteurs économiques, comme les entreprises ou les investisseurs. La taxonomie est, à ce titre, un véritable outil anti-greenwashing car elle façonne un langage commun entre toutes les parties prenantes. Chacun va pouvoir avancer de façon plus résolue et coordonnée en faveur de la transition écologique. Enfin, la taxonomie verte planifie l’avenir et nous donne la possibilité d’identifier le chemin qui reste à parcourir. 

Le principe du "Say on Climate" a le vent en poupe. De plus en plus d’entreprises comme Vinci, ou Total font, en effet, voter leurs résolutions climatiques aux assemblées générales d’actionnaires. Est-ce, à votre sens, pertinent ? 

Si nous souhaitons avancer en matière de développement durable et nous assurer que les engagements deviennent très concrets, les entreprises se doivent d’adopter la même ligne de conduite que sur les questions financières. Rigueur, dialogue et transparence sont indispensables pour proposer une politique environnementale crédible et alignée sur les objectifs financiers. Le "Say on Climate" est l’un des moyens pour y parvenir. Celui-ci permet de construire un dialogue régulier et d’établir une relation de confiance entre l’entreprise et ses actionnaires. Ces initiatives sont amenées à se développer dans les années à venir, j’en suis convaincue. Nous regardons nous-mêmes ce dispositif avec intérêt. 

Accor fait partie du CAC 40 ESG. Les titres boursiers du groupe sont également très présents dans les portefeuilles de sociétés de gestion appliquant une politique d’investissement responsable. Les gérants d’actifs sont-ils, par leur dialogue et leur expérience, un élément moteur dans la transformation de votre groupe ? 

Leur engagement est très positif. Le dialogue avec les gestionnaires d’actifs est crucial. Les sociétés de gestion aident les entreprises à placer les questions environnementales au cœur de leur réflexion stratégique. Mais leur marge de progression est encore importante. J’aimerais que les engagements pris en faveur de la transition climatique soient plus prononcés. Certains gestionnaires d’actifs vont devoir renforcer leurs expertises s’ils souhaitent avoir les moyens de challenger les entreprises sur leurs engagements. 

Percevez-vous une différence de maturité entre les sociétés de gestion étrangères et les sociétés de gestion françaises/européennes sur ces questions ? 

Les gestionnaires d’actifs européens ont un temps d’avance sur les questions environnementales. Ce constat est particulièrement vrai pour les sociétés de gestion françaises. Celles-ci jouent un rôle moteur et entraînent dans leur sillage les autres gestionnaires d’actifs internationaux.