Comment tendre vers un monde davantage hybride ? Comment la langue évolue-t-elle en temps de crise ? La société fonctionne-t-elle davantage en vase clos ? Pourquoi construire un nouveau projet européen ? Ce mois-ci, Décideurs est allé à la rencontre de personnalités inspirantes afin de nourrir nos réflexions sur divers sujets civilisationnels passionnants.

Ils sont philosophe, linguiste, scientifique ou encore entrepreneur. Une chose frappe quand on les interroge ou quand on lit leur prose sur des sujets aussi divers que la mort, l’Europe, le respect ou le travail : le pouvoir du langage, l’importance du bon emploi des mots. Albert Camus affirmait que mal nommer les choses, c’était ajouter au malheur du monde. Désigner correctement les enjeux, les problématiques, les challenges s’impose comme une nécessité.

La philosophe Gabrielle Halpern développe dans nos colonnes le principe d’un monde hybride. Une hybridation qu’elle s’attache à définir. Celle-ci "n’est ni de l’alternance ni de la juxtaposition ; c’est un entrecroisement, un mariage improbable d’activités, de compétences, d’identités, d’individus, de métiers…". Bien comprendre ce concept est le premier pas vers une appropriation au quotidien de cette notion afin de créer davantage de ponts sans idées préconçues et de mieux accepter l’altérité.

Sur un tout autre sujet, la rabbin Delphine Horvilleur rapporte la difficulté, même pour elle, à trouver les mots justes lorsqu’il s’agit d’accompagner des mourants ou leurs proches. La mort reste un mystère, elle « échappe aux mots, car elle signe précisément la fin de la parole ». L’écrivain convoque les textes religieux et les contes qu’elle propose comme supports dans ces moments où le sol se dérobe sous les pieds des endeuillés.

Dans une veine différente, le philosophe spécialiste de l’Europe Jean-Marc Ferry pointe le besoin pour les gouvernants de l’UE de débattre publiquement de leurs oppositions, de laisser place à la confrontation démocratique, pour construire un espace européen plus en phase avec les aspirations de ses citoyens.

Les mots se révèlent précieux. Surtout en temps de crise, comme nous l’explique le linguiste Bernard Cerquiglini qui note la remarquable adaptation du français depuis un an et demi. "On s’est doté très vite de mots, et de mots français, en redonnant vie à des termes anciens qui étaient en sommeil ou en en créant de toute pièce. Il y a eu une appropriation collective de la langue." Si on l’avait oublié, les personnalités de ce dossier rappellent une évidence trop souvent oubliée : la civilisation est liée à la richesse du langage.

Olivia Vignaud

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