L’action de l’OMS se fonde sur le Règlement sanitaire international. Remis à jour en 2005, ce texte à caractère obligatoire sert, en réalité, plutôt de guide. Ni les États ni l’organisation n’encourent de sanction sur la base de ce texte.

Le règlement sanitaire international (RSI) est le document de référence pour l’OMS et ses 196 États signataires. En raison de la mondialisation et du développement des voyages au cours des années 1990, une nouvelle version, adoptée en 2005, est entrée en vigueur deux ans plus tard.

L’objectif global de ce texte est le suivant : "Prévenir la propagation internationale des maladies, s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux". Pour cela, le RSI comprend un ensemble de principes et de mesures à appliquer. Cet instrument juridique a "force obligatoire". Il détaille notamment les dispositions à instaurer dans les lieux de passage comme les aéroports.

L’OMS émet des recommandations

Contrairement aux versions précédentes qui visaient spécifiquement certaines maladies telles que la fièvre jaune ou la peste, ce dernier couvre "toute pathologie humaine". Il instaure des obligations pour les États parties, dont celle « de notifier les événements susceptibles de constituer une urgence de santé publique de portée internationale ». C’est à ce titre que la Chine a notifié à l’OMS le 31 décembre 2019 l’existence d’une pneumonie provenant d’une source inconnue. Un mois plus tard, son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, déclarait l’urgence de santé publique internationale vis-à-vis du Covid-19 en se basant sur un avis du comité d’urgence.

Dans les faits, les pouvoirs de l’OMS sont limités. Ainsi, dans le cadre de la pandémie actuelle, l’institution émet des recommandations que les États parties ne sont pas obligés de suivre. Pour Anne Sénéquier, co-directrice de l’observatoire de la santé au sein de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), le constat est sans appel : "Si l’OMS, à travers cette urgence de santé, formule des recommandations, il revient aux pays de les appliquer, ou non. Tout le problème est là. On l’a vu, ce n’est pas l’OMS qui a restreint les autorisations de voyages et de commerce, mais bien les États, en fonction de l’importance qu’ils ont accordée à ce nouveau virus venu de Chine."

"Si l’OMS, à travers cette urgence de santé, formule des recommandations, il revient aux pays de les appliquer, ou non."

Aucune sanction prévue

Or, la validité et la qualité des informations en provenance de l’Empire du milieu sont sujettes à controverse. Le RSI comprend pourtant une série d’articles sur les conditions de transmission des informations. L’avocat associé chez Winston & Strawn, Gilles Bigot, cabinet spécialisé dans le droit de la santé, souligne que le RSI "ne prévoit ni sanction ni les moyens coercitifs en cas de son non-respect" et ajoute : "À l’heure actuelle, nous n’avons jamais vu un État sanctionné par l’OMS." En cas de manquement, les risques semblent a priori inexistants.

À l’échelle nationale, les citoyens qui déposent des plaintes contre des membres du gouvernement pourraient, en théorie, s’appuyer sur le RSI. Comme l’explique Gilles Bigot : "La responsabilité peut être mise en cause en raison des obligations d’assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, dans le but de réparer l’ensemble des préjudices qui résultent d’une méconnaissance des engagements internationaux de la France. La responsabilité de l’État pourrait être retenue pour “carence fautive”."

"La responsabilité de l’État pourrait être retenue pour “carence fautive"

Une immunité juridique

Outre les États, l’OMS est aussi mise en cause dans la gestion de cette crise. Des habitants du comté de Westchester dans l’État de New York ont décidé d’intenter un procès contre l’organisation pour dissimulation de la dangerosité du virus. La probabilité que ce procès aboutisse est cependant proche de zéro. En effet, "l'OMS et certains membres de son personnel, sous certaines conditions, disposent d'une immunité de juridiction", rappelle l’avocat, à l’instar du personnel diplomatique. Une immunité reconnue par les États-Unis. Le directeur général de l’agence supranationale ne risque donc pas la prison.

Victor Noiret

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