Créé en 2012, le cabinet Betto Seraglini est reconnu comme un acteur de premier plan dans le domaine de la résolution des différends à l’international. Forts de leur vision globale et entrepreneuriale, les avocats du cabinet nous livrent leur retour d’expérience sur le continent africain.

DÉCIDEURS. Comment le cabinet Betto Seraglini a-t-il été amené à exercer des activités en lien avec le continent africain ?

Jean-Georges Betto. Ce sont les clients qui nous ont naturellement orientés. De manière générale, nous constatons une multiplication des contentieux sur le continent africain. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle, cela signifie que les différends se règlent davantage par le droit. De plus, il y a une forte dimension culturelle dans la résolution d’un litige. L’enjeu pour les clients est de savoir qui va comprendre le mieux le problème juridique qui les concerne tout en tenant compte des particularités locales faites aussi de coutumes, d’usages, de dits et de non-dits. Une partie de l’Afrique reste profondément ancrée dans la tradition civiliste, ce qui nous positionne comme un interlocuteur privilégié et nous permet notamment de plaider devant les juridictions locales.

Quels sont, selon vous, les défis liés à l’arbitrage en Afrique ?

Julien Fouret. Le premier défi se situe en amont de la résolution des différends. Il s’agit de faire respecter par les autorités étatiques locales leur engagement de recourir à l’arbitrage plutôt qu’aux juridictions d’État. Le deuxième défi, peut-être plus important encore, est relatif à l’exécution des sentences. La capacité des parties à recouvrer les sommes demandées après qu’une sentence arbitrale soit rendue, reste un enjeu décisif pour enclencher une procédure arbitrale liée au continent africain.

Considérez-vous que l’arbitrage soit un instrument susceptible d’accompagner le développement du continent ?

Alexandre Reynaud. En Afrique comme ailleurs, la clause compromissoire devient un élément incontournable des contrats complexes. Elle participe à rendre un projet viable aux yeux des investisseurs étrangers et bailleurs internationaux. C’est une étape obligatoire des grands projets de développement du continent.

J. F. Les acteurs du continent s’emparent peu à peu du phénomène de l’arbitrage, forment des arbitragistes, promeuvent le respect des clauses d’arbitrage dans la magistrature et favorisent l’émergence d’un corps d’arbitres locaux. Tout ceci peut être extrêmement positif pour l’avenir de l’arbitrage sur le continent.

L’Ohada a procédé à la révision de sa législation relative à l’arbitrage, apportant davantage de célérité aux procédures arbitrales. Est-ce une solution efficace pour améliorer le déroulement des procédures ?

Christophe Seraglini. La célérité peut en effet contribuer au bon déroulement des procédures mais l’efficacité d’une institution tient davantage à sa maturité. Ce point n’est pas spécifique à l’Ohada ni même à l’Afrique, il concerne certaines institutions dont le fonctionnement reste trop proche des États et disposant de faibles moyens de fonctionnement.

A. R. Effectivement, les problématiques ne se situent pas tellement du côté du droit Ohada mais plutôt de son application. De manière globale, la diminution des délais de procédure est une bonne chose car c’est une caractéristique d’un bon arbitrage comme le sont la neutralité, la qualité des explications et l’adaptabilité au litige.

Que pensez-vous de l’introduction de la médiation ?

Gaëlle Filhol. La médiation, comme tous les modes alternatifs de résolution des différends, doit toujours être envisagée. Avec nos clients, nous cherchons systématiquement l’issue qui détruira le moins de valeur, surtout dans des secteurs où la préservation des relations commerciales est déterminante comme dans les domaines de la défense, de l’aéronautique ou de la construction. L’Afrique dispose d’une véritable culture de la résolution des conflits par voie alternative. À titre d’exemple, les « Gacaca », juridictions populaires développées notamment à la suite du génocide rwandais, ont permis de statuer sur le sort de milliers de prévenus jugés pour des faits criminels internationaux en tenant compte de leur volonté de se réconcilier avec la communauté.

Quid de l’impact des nouvelles technologies sur la pratique de l’arbitrage pour les années à venir (justice prédictive, Online Dispute Resolution...) ?

Gaëlle Le Quillec. L’arbitrage en ligne semble aujourd’hui concerner des litiges de faible montant dont les problématiques juridiques sont sans grande complexité. Les legaltech vont certainement impacter le rôle de l’avocat mais ne le supplanteront pas en arbitrage international. Il conviendra de trouver un point d’équilibre et une coexistence entre les deux. Dans ce domaine, les nouvelles technologies au service des parties permettent de faire baisser les coûts de procédure notamment en facilitant l’échange de documents ou en sécurisant les transactions par le biais d’innovations liées à la blockchain ou aux smart contracts.