À la mesure d’un cadre juridique en évolution constante en matière de santé, le métier d’avocat n’est pas en reste. Pour la pratique Sciences de la vie d’Hogan Lovells, protéger les intérêts des clients inclut jusqu’au lobbying. Associés et spécialistes de la santé, Charlotte Damiano, Mikael Salmela et Patrice Navarro présentent ce choix.

Décideurs. Pouvez-vous nous parler de l’évolution des mesures d’accès au marché des produits de santé en 2022 ?

Charlotte Damiano. Chaque année, la loi de financement de la Sécurité sociale subit des modifications. L’accès au marché des thérapies géniques et des dispositifs médicaux, mais également les critères de négociation des prix dans le contexte post Covid, font partie des réformes les plus considérables.

Plus spécifiquement, le gouvernement a envoyé un signal fort en favorisant les laboratoires qui garantissent une sécurité d’approvisionnement sur le territoire français. Mesure phare au sein de l’industrie pharmaceutique, la nouvelle clause de sauvegarde propre à la régulation du marché du médicament nous conduit par ailleurs à nous investir dans de nombreux contentieux.

Dans quelle mesure ces tendances influent- elles sur vos pratiques ?

C.D. À l’occasion de l’entrée en vigueur du projet de loi de financement de la loi de Sécurité sociale (PLFSS), nous organisons un séminaire à destination de nos clients afin de présenter un état des lieux du sujet. Adossés à cette pratique de diffusion des actualités législatives, nous menons une activité de lobbying aux côtés de notre clientèle. Et ce, notamment afin de faire évoluer les textes de loi qui ont trait au domaine de l’oncologie, des maladies rares ainsi que des thérapies géniques.

Eu égard au PLFSS, ce lobbying est d’autant plus important qu’il nous conduit à assister dans la durée nos clients dans leurs dépôts d’amendements initiaux ou rectificatifs. De même, nous les appuyons dans l’organisation d’événements à l’Élysée et dans le cabinet des ministres pour bénéficier de leur soutien. Ces rencontres visent à soutenir les nouvelles molécules qui arrivent sur le marché ainsi qu’à mettre en lumière la connaissance et la réputation des laboratoires. Alors qu’auparavant il était d’usage de ne pas assister à ces rendez- vous, notre présence fait désormais évoluer l’image de l’avocat-conseil, qui ne se cantonne pas dans une optique contentieuse.

De fait, les fabricants sont confrontés à l’évolution de cadres réglementaires applicables aux dispositifs médicaux. Comment les accompagnez-vous en la matière ?

Mikael Salmela. Au sein de notre plateforme Sciences de la vie et santé, nous accompagnons une clientèle de toute taille, des associations professionnelles à l’industrie pharmaceutique, ainsi que des dispositifs médicaux en passant par les entreprises de la tech qui souhaitent intégrer le secteur.

"Beaucoup d’acteurs du secteur de la Medtech connaissent des difficultés dans leur chaîne d’approvisionnement"

Le nouveau cadre réglementaire relatif aux dispositifs médicaux (DM) a apporté de nouvelles contraintes pour un grand nombre de fabricants en raison des exigences supérieures pour la certification de leurs produits. À cela s’ajoute une difficulté pratique d’accès au marché en raison du nombre insuffisant d’organismes notifiés, ce qui peut retarder la certification des produits. Enfin, beaucoup d’acteurs du secteur de la Medtech connaissent des difficultés particulières dans leur chaîne d’approvisionnement et en matière de gestion de la logistique au vu du contexte international. Nos équipes assistent nos clients sur tous ces sujets, afin d’anticiper la préparation des dossiers relatifs à la mise sur le marché des produits, leurs relations avec les organismes notifiés, en France et à l’étranger, l’analyse réglementaire et le pilotage contractuel des problématiques liées à la supply chain.

En outre, l’organisation interne et externe des pratiques en matière d’information et de promotion des produits est en train d’être modifiée en raison de l’adoption de la nouvelle charte sur la qualité des pratiques professionnelles. Nous travaillons avec de nombreux acteurs sur l’évaluation des modifications engendrées par cette charte et la manière d’y répondre.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’expertise "global regulatory" du cabinet ?

M.S. Le "global regulatory", qui est une pratique historique du cabinet au niveau mondial, regroupe différentes spécialités et industries, dont celle de la santé. Axée autour des enjeux réglementaires et des problématiques de données et de PI, elle s’adresse à l’ensemble des acteurs de l’industrie de la santé.

Notre pratique s’articule autour de quatre principaux volets : un travail d’anticipation auprès des autorités sur la réglementation à venir, une veille réglementaire locale et internationale, un accompagnement dans la mise en oeuvre des textes, et la défense de nos clients en précontentieux et contentieux face aux autorités.

Le contexte international montre que l’intervention des États dans l’économie par la régulation est en croissance constante, et sera nécessaire afin de faire face aux défis actuels. Depuis de nombreuses années, notre cabinet, qui a intégré cette dimension dans son offre aux entreprises, fait en sorte d’assurer une assistance full service à nos clients dans le cadre de leurs problématiques juridiques. Notre plateforme en sciences de la vie en est une illustration, avec des pratiques très fortes en matière réglementaire, d’accès au marché, en propriété intellectuelle ou sur les problèmes de données de santé. Nous anticipons également une forte augmentation de la demande sur des questions ESG qui vont toucher plus particulièrement l’industrie de la santé.

"Le contexte international montre que l’intervention des États dans l’économie par la régulation est en croissance constante"

Quels sont les bénéfices de la pratique data au sein de Hogan Lovells ?

Patrice Navarro. Tant en pharma qu’en matière de DM, les données sont omniprésentes dans le secteur de la santé. Tandis que leurs possibilités de réutilisation se multiplient, les autorités insistent pour un élargissement de leur collecte de façon très encadrée afin de fixer de façon optimum le prix de remboursement des médicaments. Celui-ci dérive ainsi directement de la donnée. Cette réalité influe sur nos pratiques d’accompagnement. De fait, les essais cliniques se font davantage à distance à l’aide d’outils de suivi pour désencombrer les hôpitaux et de plus en plus de dispositifs médicaux sont connectés.

En matière de e-santé, rares sont les cabinets qui ont la capacité de s’adresser à un marché international avec une connaissance pointue des spécificités réglementaires et des pratiques de marché. Aujourd’hui, l’accompagnement en matière de données de santé est devenu une véritable affaire de spécialistes. Chez Hogan Lovells, nous offrons cette connaissance, non seulement en France, mais également au-delà des frontières grâce à nos bureaux à l’étranger et notre assise mondiale.

Quelles tendances voyez-vous émerger dans l’industrie de santé, notamment concernant les produits de thérapies géniques et cellulaires ?

P.N. Les nouveaux traitements innovants tels que les thérapies géniques, sur mesure et one shot impliquent un changement de paradigme du fait de leur adaptation à chaque patient. À ce titre, les laboratoires doivent mieux connaître les patients, ce qui les conduit à aborder les données d’une façon complètement différente. Afin d’assurer l’efficacité de ces traitements, une chaîne de sécurité et d’identification doit être maintenue. De plus, avec le développement des soins à domicile, de la télémédecine et des outils connectés, de plus en plus de liens concrets sont établis entre le laboratoire, le fabricant de DM et le patient. En ce sens, un écosystème de prestataires se déploie activement pour fournir des solutions de gestion et de protection des données.