Bastion du numérique en santé, PariSanté Campus  accueille tous les acteurs de l’innovation en la matière. Le professeur Antoine Tesnière, directeur général de PariSanté Campus, détaille les éléments concrets de cette digitalisation de la santé.

Décideurs. Quelle tendance majeure identifiez-vous aujourd’hui dans le secteur de la santé ?  

Antoine Tesnière. Les dernières années ont confirmé l’accélération de la santé numérique. Plateformes de télémédecine, systèmes d’information et bases de données, dont celles du SI-DEP, ou encore la mise en place de « Mon espace santé », abondent. Côté patient, on constate une intermédiation encore plus importante aussi bien avec les professionnels, que concernant les informations de santé. Un nombre croissant de patients ont recours à des plateformes d’échanges, afin de partager leur ressenti, en complément de cet arsenal d’outils.

En plus des élément visibles, des éléments de fonds émergent. La capacité d’analyse, par le biais d’algorithmes et de machine learning, accompagne désormais la plupart des processus industriels ou de recherches. La création des vaccins anti-Covid et de médicaments, pour ne citer qu’eux, dépend de ces outils numériques. Ce développement rapide a été soutenu par la politique publique et la stratégie gouvernementale mises en place : de nombreux plans et financements portent cette accélération numérique inédite. 

Cette transformation digitale en santé ne peut que s’accélérer. À la lumière de celle s’opérant dans d’autres secteurs, tels que les transports, la musique ou les médias, l’attente des citoyens vis-à-vis de ces outils grandit. La facilité d’utilisation devra caractériser ces nouveaux systèmes. À nous d’insuffler au mieux la valeur et l’usage à chaque citoyen, ainsi que les retombées positives au global pour le domaine de la santé.

"De nombreux plans et financements portent cette accélération numérique inédite"

Dans ces enjeux relatifs à l’essor du numérique, qu’en est-il de l’accès aux soins ? 

Il faut dix ans pour former un médecin, cinq pour une infirmière. Dès lors, la seule formation des professionnels de santé ne peut pas répondre à la problématique d’accès aux soins. En revanche, on peut trouver des pistes de solutions afin de rationaliser l’offre et la demande par le biais de plateformes numériques. Des initiatives vont redonner du temps médical aux patients : l’accès simplifié à l’information à travers des outils numériques, avec des cabines médicales connectées par exemple, ou encore la mise en place de nouveaux métiers, dont celui d’infirmière de pratique avancée. 

Ces solutions numériques amélioreront d’une part nos réponses aux enjeux du système de santé mais aussi les transitions vers des stratégies de prévention où le numérique est un levier. Désormais, les patients ont un accès simple à l’évolution de paramètres, comme le poids, la taille, mais aussi des modifications morphologiques avec l’analyse d’image. En découlent des stratégies de prévention et de dépistage plus simples, puisqu’elles sont dématérialisées et renforcées. En l’occurrence, cela permet de contourner le frein à la consultation, et par là-même celui de l’accès aux soins.

Comment s’assurer du caractère concret des solutions numériques proposées ? 

Qu’il s’agisse de parcours de soins, d’outils de télésurveillance, de gestion de base de données, des solutions peuvent être mises en place afin d’assurer un lien continu entre prise en charge des patients par la médecine de ville ou hospitalière. C’est pourquoi il faut maintenir un niveau d’exigence et d’évaluation fort. Nous devons nous assurer que les solutions numériques amènent un service rendu, une qualité, une amélioration certains. Faute de quoi, une proposition non évaluée peut relever du « gadget ». Pour les médicaments et les dispositifs médicaux, nos stratégies d’évaluation sont aussi importantes que rigoureuses. Il s’agit d’adapter au secteur de la santé numérique des d’exigences fluides, pour ralentir le moins possible, au patient, l’accès à ces solutions digitales. Si ces modes de remise en question existent déjà, il nous incombe de continuer à les renforcer.

"Nous avons également positionné des spécificités d’interopérabilité, de stratégies d’utilisation et d’enjeux éthiques, pour orienter les exigences européennes vers la vision française du numérique en santé"

Enfin, le caractère concret des solutions menées en France se reflète dans notre volonté de les transposer à l’international. Lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, la France a montré sa volonté de jouer un rôle moteur dans cette dynamique globale. Parmi nos initiatives, on retient celle d’une coordination stratégique européenne autour des données de santé.  Nous avons également positionné des spécificités d’interopérabilité, de stratégies d’utilisation et d’enjeux éthiques, pour orienter les exigences européennes vers la vision française du numérique en santé

Comment PariSanté Campus s’inscrit-il dans cette dynamique ? 

Nous rassemblons des acteurs privés, start-up, groupes, fédérations d’industriels, et des acteurs académiques, de la recherche, ou encore de la formation, au sein du même écosystème qui intègre les institutions. Cet ensemble inédit est rassemblé de façon active sur PariSanté Campus, dans l’optique de faciliter les activités de chacun, mais surtout de promouvoir les synergies et les collaborations. L’objectif reste d’accélérer les innovations, pour que le numérique soit une réponse pertinente et adaptée aux problématiques actuelles du système de santé, ainsi qu’à ses grandes évolutions.

Prochainement, nous aurons le plaisir d’annoncer la première promotion des start-up qui rejoignent PariSanté Campus. Au fil de l’année, nous avons mis au point une dizaine de formats d’animation et d’accélération pour faire en sorte qu’elles deviennent des champions de la santé. Lors de nos Campus Shakers, par exemple, où tous les profils se réunissent pour discuter lors d’une conférence, d’ateliers thématiques sur les enjeux numériques, ou encore l’interopérabilité. 

PariSanté Campus incarne un rôle de catalyseur de ces solutions. Dans le sillage du plan de relance France 2030 et des ambitions de la French Care, nous avons à cœur de faire émerger les leaders de la santé et du numérique. À terme, ces pépites en santé deviendront des champions français internationaux.

Propos recueillis par Alexandra Bui