Les sanctions européennes envers la Russie ne touchent pas pour le moment les livraisons de gaz vers le continent. Signe d’une dépendance dangereuse dans cette période de fortes tensions. Pourrions-nous nous en passer ? Réponse en cinq questions.

Peut-on se passer du gaz Russe à court terme ?

Non. C’est en tout cas ce que souligne Patrick Pouyanné, PDG de Total Energies : "Pour alimenter l'Europe en gaz, soit on a des tuyaux soit on a des terminaux de regazéification où on amène du gaz naturel liquéfié (GNL). Or ils sont tous pleins en ce moment, et on n'a pas assez de terminaux en Europe pour regazéifier le gaz liquéfié afin de remplacer les 40% de gaz russe." Et de conclure : "Quand on me dit : comment vous faites si les 40% de gaz russe disparaissent, alors là je peux vous dire que je ne sais pas faire." Du moins pas en l’état. Les experts estiment cependant que si l’Europe devait se passer du gaz russe, elle devrait être en mesure de reconstituer ses stocks pour passer l’hiver prochain sans trop d'encombres. À condition réduire sa demande de 10 à 15%. 

Quels relais sont envisageables ?

Il faudra d’abord construire les infrastructures nécessaires pour augmenter nos importations de GNL en provenance du Qatar, d’Australie, ou des Etats-Unis et diversifier notre approvisionnement dans un contexte de forte demande. Cela devrait prendre au moins deux ans et n’ira pas sans une nette hausse des coûts d’approvisionnement. L’Allemagne pourrait également repousser sa sortie définitive du nucléaire, prévue initialement pour cette année. Mais pas de solution miracle à l’horizon.

Ces relais sont-ils compatibles avec la transition énergétique ? 

Si la taxonomie européenne a récemment attribué une forme de "label vert" au gaz, en tant qu'énergie de transition vers la neutralité carbone, tous les "crus" ne se valent pas. Ainsi, non seulement l'extraction du gaz de schiste américain se fait à un prix environnemental élevé mais selon une analyse comparative menée par Carbone 4 (voir infographie ci-dessous), le GNL est jusqu'à deux fois et demi plus émetteur que le gaz naturel transporté par gazoduc.

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Comment construire l’indépendance énergétique ?

L’avenir d’une Europe énergétiquement souveraine passe par une électrification massive de sa consommation d’énergie, combinée à un effort soutenu de sobriété, passant notamment par une meilleure performance énergétique des bâtiments. Dans un tel contexte, le recours au nucléaire et un développement rapide des énergies renouvelables semblent plus que jamais indispensables, mais cette transition s’inscrira dans un temps long.

La Russie peut-elle se passer du marché européen ? 

Cela semble très compliqué, tant il représente une manne importante pour le Kremlin qui réalise 70 % de ses recettes à l’exportation en gaz auprès de ses clients européens. D'autant plus que la Russie ne dispose pas aujourd'hui des infrastructures suffisantes pour reporter ce manque à gagner sur l'Asie. Une interdépendance bienvenue pour l'Europe mais qui se heurte déjà à une question éthique : est-il encore possible de mener une "guerre économique" à un régime que l'argent européen contribue au fond à maintenir ? 

AM