Vacillante après la catastrophe de Fukushima, la flamme du nucléaire reprend ces derniers mois de la vigueur. Résultat du lobbying idéologique d’une industrie en déclin selon les uns, seule énergie capable d’accompagner la sortie du gaz et du pétrole de manière décarbonée pour les autres : le nucléaire revient au cœur des débats. Et les partisans de l’atome semblent avoir pris la main.

Quand François Hollande annonçait la fermeture de la centrale de Fessenheim afin d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé de ramener la part du nucléaire à 50 % de la production énergétique du pays, on pensait que l’histoire était écrite ; la fin progressive du nucléaire, tracée. Un sentiment confirmé par la sortie à marche forcée de l’atome engagée par le voisin allemand, quitte à revenir au charbon le temps que les renouvelables montent en puissance. Dans ce contexte, les retards et la dérive budgétaire mirobolante de l’EPR de Flamanville avaient des airs de coup de grâce.

Croisée des chemins

Mais voilà. Le confort du bon vieux nucléaire se rappelle à nos dirigeants, teinté du doux reflet d’une souveraineté énergétique aussi séduisante qu’illusoire. La plupart de nos réacteurs arrivent en fin de vie. Il faut choisir : prolonger leur activité pour se laisser le temps de mieux en sortir… ou repartir de plus belle, les milliards au vent et les déchets radioactifs sous le tapis. Si l’on peut taxer de conservatisme les partisans du nucléaire, nombreux à y voir le symbole d’une grandeur industrielle passée, fantasmée, il n’en demeure pas moins une réalité : nous ne disposons pas, à ce jour, de technologie permettant de produire de l’énergie décarbonée à une telle échelle et de manière aussi constante. Or, la part de l’électricité dans la consommation énergétique mondiale est appelée à tripler si nous voulons atteindre nos objectifs de neutralité carbone à l’horizon de 2050. CQFD.

Phenix

Revoilà donc le programme EPR qui renaît de ses cendres, malgré ses inquiétantes dérives. Cet "échec opérationnel" comme le constatait, laconique, la Cour des comptes en 2020, n’a pas refroidi les ardeurs des partisans de l’atome qui semble compter dans le président de la République, un nouveau converti. "J'aurai l'occasion de revenir dans les semaines qui viennent sur l'opportunité de construire de nouveaux réacteurs et sur la stratégie", a pudiquement déclaré Emmanuel Macron lors de la présentation de son plan France 2030. Avant de laisser peu de place au doute : "Mais il faut bien le dire, le rappeler, les 200 000 Françaises et Français qui travaillent dans le secteur du nucléaire, c'est une chance parce que c'est ce qui nous permet d'être le pays en Europe qui est parmi ceux qui émettent le moins de tonnes de CO2 par électricité produite. Nous devons réinvestir pour être à la pointe de l'innovation de rupture dans ce secteur."

Petit is the new sexy

Macron ne serait pas Macron s’il se contentait de réanimer le dragon industriel endormi sur le tas de milliards des contribuables. Il faut du neuf, du peps, de la machine à faire rêver la start-up nation. Ainsi le président annonce-t-il vouloir s’engager résolument dans les Small Modular Reactors (SMR), des petits réacteurs nouvelle génération plus sûrs et générant moins de déchets. EDF y travaille déjà avec son programme Nuward (pour Nuclear Forward). Le gouvernement veut l’accélérer, même si la technologie doit encore faire la preuve de sa rentabilité : "Quand on fait le bilan des SMR en regardant quelles sont les réalisations, les durées de construction et les coûts, il est catastrophique", se désolait en mai dernier le consultant en énergie Mycle Schneider au site Reporterre.

Nuke Tech

Quelques start-up commencent également à se développer dans le secteur, que ce soit dans la construction de nouvelles centrales, la maintenance, le démantèlement ou le traitement des déchets. Un écosystème naissant qu’Emmanuel Macron veut encourager : "Nous devons absolument nous préparer à des technologies de rupture et des transformations profondes sur le nucléaire". Et il n’est pas le seul à le penser : la Chine investit massivement et a même annoncé avoir achevé la construction du premier réacteur propre au monde, promettant une commercialisation dès 2030. Bill Gates, quant à lui, à travers sa start-up TerraPower, développe un réacteur de quatrième génération qui allierait puissance, compacité et réduction des déchets. D’autres encore veulent croire en la fusion, promesse du feu éternel d’une énergie propre et inépuisable. Le nucléaire n’a jamais manqué d’aspirants Prométhées.

Antoine Morlighem