Alors que la route est encore longue avant d’atteindre les objectifs de neutralité carbone, le gouvernement Castex souhaite se donner les moyens de ses ambitions et fait de la transition écologique l’un des piliers de son plan de relance. Décryptage.

L’ONG I4CE estimait qu’il fallait que les secteurs publics et privés français investissent entre 15 et 18 milliards d’euros de plus par an pour atteindre l’objectif d’une neutralité carbone d’ici 2050. Le message semble avoir été entendu par l’État français : le plan de relance post-Covid consacrera 30 milliards d’euros aux investissements verts. Cette part, qui peut sembler relativement faible par rapport au montant total du plan, est considérée par le gouvernement comme “historique”. À titre de comparaison, le plan de relance de 2008, de 30 milliards d’euros, portait sur l’économie dans son ensemble et non pas uniquement sur les investissements verts. Sans compter le reste du plan, soit 70 milliards d’euros, comprenant des mesures allant également dans le sens de la décarbonation progressive de l’économie. Parmi ces dernières, la rénovation des hôpitaux dans le volet cohésion sociale et territoriale, ainsi que l’aide au tourisme durable et le financement de formations aux “métiers verts” sont des exemples de mesures à l’impact environnemental positif, bien que présentes dans d’autres volets du plan “France relance”.

Les transports, priorité des priorités 

Sur les 11 milliards d’euros alloués au secteur des transports, 40 % seront consacrés au ferroviaire. Ainsi, il est prévu que le rail se substitue à une partie du fret routier et participe au désenclavement des territoires. Objectif annoncé :  passer de 9 % de part de ferroviaire à 18 % dans le transport de marchandise, et revitaliser le réseau dans son entièreté grâce à une politique de renforcement des petites lignes. D’autre part, même si le ferroviaire absorbe une part significative de l’enveloppe destinée aux transports, les ambassadeurs gouvernementaux précisent que ce n’est pas une “enveloppe tampon” ayant pour objectif de réparer les pots cassés après la pandémie du Coronavirus, une part importante de la somme étant allouée aux investissements verts dans ce secteur. Toujours dans les transports, un soutien à la recherche est prévu pour “l’avion vert”, alors que la conversion du parc automobile se poursuit grâce aux 2 milliards débloqués par le plan “France relance”, avec comme ligne d’horizon l’objectif du président de la République d’1 million de véhicules “propres” avant la fin du quinquennat. Par ailleurs, le transport en agglomération pourra bénéficier d’un fragment des ressources mobilisées. Ainsi, 700 millions d’euros iront ainsi à la région Île-de-France, avec pour objectif d’accélérer les projets de transports en commun en cours et prévus. En complément de la mobilité collective, le budget alloué au vélo et aux infrastructures lui étant dédiées sera multiplié par trois ces deux prochaines années. 8 % des 11 milliards d’euros étant destinés aux infrastructures de transport, l’objectif des 100 000 bornes de recharge pour véhicules électriques se rapproche, tandis que la rénovation des canaux et voies fluviales progresse. 

Énergie et bâtiment au cœur du problème 

Du côté du bâtiment, le fer de lance de l’engagement gouvernemental est la rénovation énergétique massive des bâtiments. Ainsi, le plan de relance consacre 6,7 milliards d’euros à la rénovation énergétique des logements privés, des locaux de TPE/PME, des bâtiments publics de l’État et des logements sociaux. Réalisable rapidement et étant fortement créateur d’emplois, la rénovation énergétique des bâtiments s’est rapidement imposée comme une priorité dans la course à la décarbonation des pays européens. Directement liée au poste des transports, une part des investissements sera dirigée vers les gares, afin de soutenir l’effort national dans la filière ferroviaire. Enfin, 1,2 milliards d’euros seront consacrés à la décarbonation de l’industrie, argent qui servira à l’achat d’équipements plus performants. 

Entre conservatisme et innovations, l’énergie fait la part belle aux mix énergétique varié. Emmanuel Macron déclarait à ce propos qu’“arrêter le nucléaire n’est pas un choix d’avenir. Ce n’est pas conforme à nos objectifs en matière de réduction des émissions de CO2, à la World Nuclear Exhibition, le 28 juin 2016. Depuis, il maintient son engagement dans un pays où l’opinion publique y est fortement défavorable. Le plan de relance le prouve une fois de plus avec une allocation de 470 millions d’euros d’aides à la filière nucléaire. Cette somme servira notamment à investir dans les formations pour les métiers du nucléaire et à relancer des simulations. De plus, une partie de cette enveloppe se concrétisera sous la forme d’un soutien en fonds propres à la filière et à ses sous-traitants. En dehors du nucléaire, la France s’intéresse tout particulièrement à l’hydrogène vert et aux nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie, qui bénéficieront également de “France relance”. 

Agriculture et biodiversité indissociables  

Moins bien dotée que les trois secteurs précédents, l’agriculture n’en reste pas moins un poste stratégique. Conscientes de son importance, les autorités françaises comptent y investir 1,2 milliard d’euros en accompagnant le secteur. L’aide à la labellisation pour les agriculteurs par l’intermédiaire d’un crédit d’impôt et l’aide financière à la création de circuits courts incarnent une première vague de mesures agricoles directement associées au plan de relance. En outre, deux enveloppes de 250 millions d’euros chacune seront respectivement destinées au renouvellement du matériel agricole, pour diminuer l’utilisation d’engrais et de pesticides et à l’augmentation du bien-être animal. Les ressources restantes seront focalisées sur le développement de cultures, notamment celles du soja, pour éviter l’importation massive de protéines végétales, et ainsi atténuer le phénomène de déforestation importée. 

Par ailleurs, une partie des 30 milliards d’euros de départ, bien que réduite, sera dirigée vers les problématiques liées à la biodiversité. La lutte contre la bétonisation et l’étalement urbain fera également partie du programme. Ainsi, les maires pourront bénéficier de soutien et seront en échange incités à construire plus concentré et plus durable.

Si le plan de relance “France relance” est certes historique de par son ampleur, il n’est pas dit qu’il contentera tous les secteurs, tant la tâche est ardue. 

 

Par Thomas Gutperle