Ayant déjà vécu plusieurs crises économiques et financières, Laurent Camilli est sur le pied de guerre pour aider ses clients à traverser la tempête. Le managing partner de la banque d'affaires Clearwater International dévoile à Décideurs son analyse de la situation.

Décideurs. La solidarité est le leitmotiv des professionnels de la fabrique de la ville depuis le début du confinement. Comment cela se matérialise-t-il au niveau de l'activité immobilière de Clearwater International ?

Laurent Camilli. Tous les acteurs économiques ont adopté une posture pragmatique et responsable dans cette situation exceptionnelle pour éviter les faillites en chaîne. Dans les dossiers qui mettent en relation les locataires et les bailleurs, nous avons cherché à engager le dialogue pour trouver les mesures adaptées à la situation. Cela se matérialise notamment par des reports d’échéances pour sauvegarder la trésorerie des utilisateurs. Un de nos clients est également passé de terme à échoir à terme échu, ce qui permet de constituer un trimestre de trésorerie. Nous avons également imaginé des contreparties. Sur des sites stratégiques, nous avons conclu des allongements de la durée de baux en compensation du report des échéances. Nous sommes ainsi dans un accord gagnant-gagnant. Concernant les dossiers de financement immobilier, nous avons aménagé les échéanciers. Nous avons également imaginé des comités de suivi pour entretenir les échanges entre les emprunteurs et les prêteurs, en particulier les fonds de dette, pour adapter les positions en fonction de la visibilité des acteurs économiques. Ayant vécu plusieurs crises économiques et financières au cours des dernières décennies, je constate avec satisfaction que ce dialogue inédit a été mis en place rapidement et de manière pragmatique.

En interne, nous disposions déjà d’un plan de continuité de l’activité. Il faisait l’objet d’une révision chaque année et a été activé deux jours avant l’annonce par le Président de la République du confinement. Tout fonctionne bien et nous avons pu réaliser deux signatures et trois closing de manière dématérialisée. Je suis convaincu que le cadre réglementaire va évoluer dans les mois qui suivront le confinement pour favoriser la digitalisation des actes et des processus.

Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement dans cette situation de crise sanitaire ?

La réaction du gouvernement sur l’aspect financier a été rapide et efficace car elle a permis de préserver la trésorerie des entreprises. En mettant en place des prêts aidés et en incitant fortement les banques à se montrer solidaires, le gouvernement nous a permis d’obtenir plus facilement des réaménagements de dette, des reports, des nouveaux covenants, voire même des reconfigurations de la structure des financements. A moyen terme, certaines industries souffriront plus que d’autres, en particulier le commerce qui a déjà connu des difficultés ces derniers mois avec les gilets jaunes et les grèves. Les pouvoirs publics, collectivités territoriales en tête, vont devoir réfléchir à la mise en place de nouveaux mécanismes pour sauver le commerce de proximité au lendemain du confinement.

Quelles sont vos propositions pour solutionner les problèmes liés à cette situation en matière de financement immobilier ?

Les fonds de garantie thématiques sont une solution intéressante. Ils viendront en complément des prêteurs seniors et permettront à un certain nombre d’entreprises, notamment dans les domaines du commerce et de l’hôtellerie, de survivre à cette période difficile. Dans la mesure où les capitaux octroyés seront quasiment des fonds propres, il serait logique que ces véhicules bénéficient à terme d’une rémunération à la hauteur des risques importants qu’ils auront pris.  

Dans quelle mesure cette crise sanitaire pourrait faire évoluer à moyen terme votre stratégie et les grands principes de fonctionnement des domaines du M&A et du financement immobiliers ?

La question des valorisations, suite à l’effondrement des places boursières, va se poser. Je suis convaincu que trois grands segments sortiront grandis de cette crise. Le logement constitue évidemment le premier puisque nous sommes en train de nous rendre compte que cet espace peut aussi servir à travailler et à avoir accès aux loisirs. Viennent ensuite la logistique dont le rôle est vital dans cette période et la santé avec l’exemple de la foncière spécialisée Aedifica, une des rares REIT à être cotée au-dessus de son ANR. En revanche, le retail continuera à être challengé et les valeurs locatives de bureaux pourraient reculer. Dans ces conditions, notre rôle sera de rapprocher acheteur et vendeur pour trouver des points d’équilibre. Nous devrons imaginer des mécanismes d’ajustement des prix sur la durée au-delà du montant déboursé le jour de la signature de la transaction. Nous serons également très occupés dans les 6 à 12 prochains mois pour aider nos clients dans la gestion de leurs financements existants et dans la mise en place des nouveaux prêts.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)