Le spécialiste américain des bureaux flexibles Knotel a finalisé cet été une levée de fonds de 400 millions de dollars. Une opération qui devrait notamment permettre d’accélérer le développement de sa filiale française Deskeo. Benjamin Teboul, co-fondateur de cette dernière, fait le point sur son activité et nous dévoile ses ambitions.

Décideurs. Quelle est la genèse de Deskeo ?

Benjamin Teboul. Frank Zorn et moi-même avons fondé Deskeo en 2016. Frank a présidé Groupon pendant six ans, ce qui l’a amené à être confronté aux problématiques immobilières d’une entreprise en croissance. Pour ma part, j’ai travaillé sur la création de valeur en partant d’actifs immobiliers vacants, j’ai réalisé une trentaine d’opérations sur du retail et j’ai transformé des immeubles de bureaux en hôtels. Notre constat initial était d'accompagner et de mettre en phase les besoins en immobilier tertiaire des sociétés de zéro à dix salariés et les propriétaires dont l’offre était assez éloignée du besoin de cette catégorie d’entreprise. Résultat : nous avons commencé par proposer aux propriétaires de mettre à disposition leurs espaces de bureaux vacants. De notre côté, nous nous chargions de les aménager et de la commercialiser à travers une offre flexible avec les services nécessaires. A la mi-2017, nous nous sommes engagés sur 1 000 m² dans un immeuble situé au sein du quartier Opéra à Paris. Il était initialement prévu de l’opérer à la division par plateau ou demi-plateau. La République en Marche nous a alors sollicités. Ce nouveau parti politique venait de remporter les élections présidentielles et n’avait pas les équipes en interne pour traiter le sujet immobilier. Il ne voulait pas non plus s’engager sur un bail commercial de six ans ferme. Ils ont donc fait appel à nos services pour aménager leurs locaux et s’installer. Ce dossier nous a permis de prendre conscience qu’un certain nombre d’acteurs de taille intermédiaire avaient besoin de flexibilité et d’être bien accompagnés dans l’aménagement de leurs bureaux comme dans la gestion de leurs problématiques immobilières au quotidien. Au gré des surfaces signées par Deskeo par la suite, des entreprises de plus en plus importantes nous ont fait confiance. Aujourd’hui, nous nous adressons à des sociétés cherchant de vingt à plusieurs centaines de postes.

Pourquoi avez-vous décidé de cibler ce segment ?

Les entreprises dont les effectifs dépassent une vingtaine de collaborateurs ont, entre autres, des contraintes de confidentialité et de sécurité qui ne sont pas compatibles avec le coworking. De plus, la productivité de leurs salariés peut se retrouver altérée si la densité au sein de l’espace de travail est trop élevée. Ces entreprises ont également besoin de promouvoir leur image et leur culture à travers un branding qui leur est propre. Le sentiment d’appartenance à partir d’une certaine taille est primordial.

"Notre métier sera encore plus pertinent dans des cycles de décroissance"

Quelle est votre offre de services ?

Nous proposons un modèle hybride entre le coworking et le bail traditionnel qui consiste à créer des sièges sociaux pour des entreprises en croissance ou stabilisées. Nos clients s’engagent en moyenne sur une durée de 12 à 36 mois. Notre offre inclut l’accompagnement dans le design et l’aménagement des espaces intérieurs, ainsi que le le branding de l’espace aux couleurs du client. Une fois les travaux réalisés, nous leur dédions un contact opérationnel pour l’entretien quotidien. Notre relation est donc axée sur le service. Nous souhaitons faciliter la vie des entreprises qui nous font confiance pour leur permettre de se focaliser sur le cœur d’activité, souvent très éloigné des problématiques immobilières. Nos clients signent un contrat de prestations de services de cinq pages et paient une facture mensuelle comprenant tous les investissements et coûts que Deskeo prend en charge pour eux. Les entreprises peuvent ainsi conserver leur trésorerie pour investir et développer leur activité.

Quels sont vos résultats financiers ?

Deskeo est profitable depuis ses débuts car nous avons toujours eu une gestion d’entreprise rigoureuse. Nous avons des délais d’écoulement rapide. En moyenne, il se passe entre dix et vingt jours pour distribuer un actif qui vient d’être signé. Le taux de vacance sur le patrimoine exploité par Deskeo est structurel, il est de l’ordre de 5 %. Dans ces conditions, notre chiffre d’affaires a progressé de 400 % entre la première et la deuxième année d’exploitation. Et nous devrions atteindre 350 % de croissance entre 2018 et 2019. Pour réussir ce tour de force, nous mutualisons nos ressources et réalisons des économies d’échelle. Une partie nous permet de dégager notre marge et l’autre de proposer une solution plus économique au client. Quand une entreprise signe un bail 3-6-9 classique, le coefficient entre le loyer facial et le coût total de son implantation (ndlr : en prenant en compte les charges, la fiscalité, l’amortissement, la maintenance…) s’élève à deux. Deskeo lui permet de ramener cet indicateur à 1,9 voire 1,8.

Des investisseurs s’inquiètent de la pérennité du business model des opérateurs d’espaces de travail flexibles en cas de retournement du marché. Que leur répondez-vous ?

Nous pensons que notre métier sera encore plus pertinent dans des cycles de décroissance. Nous commençons à l’observer à Londres où notre groupe Knotel est présent. A cause des incertitudes autour du Brexit, les entreprises dont les baux arrivent à échéance préfèrent venir dans nos locaux plutôt que de se réengager dans une formule classique. D’autre part, notre typologie de clients offre plus de garanties que celle des coworkers. Ce sont les mêmes clients que les propriétaires institutionnels mais nous avons une agilité nous permettant de répondre à des besoins de mobilité dans un contexte baissier avec une offre qui totalisera 70 000 m² d’ici quelques semaines.
 

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Quelle sont vos relations avec les propriétaires et les brokers ?

Elles sont bonnes car nous répondons à leurs besoins respectifs. Nous nous engageons en effet sur des baux longs termes et avons un business model solide qui rassure les propriétaires. En parallèle, nous sollicitons les brokers pour trouver des locaux à louer, puis pour commercialiser ces espaces.

Où sont situés vos espaces ?

Nous sommes implantés à Paris, en première couronne et à Lyon. Notre développement continuera à se concentrer sur le centre de Paris dans les prochains mois, mais nous avons également prévu plusieurs ouvertures à Lyon où nous souhaitons nous développer. Nous n’avons pas vocation à attaquer d’autres marchés en France, à l’exception peut-être de Lille. Au niveau mondial, notre groupe sera présent à terme dans une cinquantaine de très grandes villes seulement.

"Knotel est d’ores et déjà le troisième opérateur mondial d’espaces de travail flexibles derrière IWG et WeWork"

Deskeo est devenue une filiale du géant américain du travail flexible Knotel en début d’année. Pourquoi ?

Nous avons commencé à nous interroger sur notre stratégie de développement en 2018. Nous avions une offre de 30 000 m² à l’époque et voulions devenir un leader à l’échelle nationale. Nous avons donc entamé des discussions avec des fonds de private equity. Dans le cadre de ce processus, nous avons été mis en relation avec les fondateurs de Knotel. Nous avons des concepts similaires et partageons la même vision de notre activité. De plus, le groupe a tiré des enseignements de son lancement à Londres où il lui a fallu 18 mois avant de conclure son premier deal avec sa structure créée ad-hoc, ainsi que de son implantation à Berlin où il a investi dans un opérateur n’ayant pas une taille critique à l’époque. Notre structure répondait donc en tous points aux attentes de Knotel pour pénétrer le marché français. Le groupe sera bientôt l’actionnaire majoritaire de Deskeo mais nous avons gardé une forme d’indépendance dans la gestion quotidienne. Nous bénéficions de son support sur certains pans de notre activité comme le design et l’aménagement des espaces de travail. La récente levée de fonds de 400 M$ bouclée par le groupe nous permettra par ailleurs d’accélérer notre déploiement. Nous sommes d’ores et déjà le troisième opérateur mondial d’espaces de travail flexibles derrière IWG et WeWork.

Quelles sont vos ambitions à court et moyen termes en France ?

Nous avons pour objectif de doubler notre surface de bureaux en 2020.Et nous n’avons pas encore identifié les limites de notre business à moyen terme. Les espaces de travail flexibles représentent à l’heure actuelle 2 % des surfaces louées en région parisienne. Les brokers estiment la part de marché à 20 % dans les années à venir. Le potentiel de croissance est donc gigantesque.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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