« La vente du Sony building témoigne de la vivacité du marché »
Entretien avec Benoit Pous-Bertran de Balanda, président, Black Tulip Organization et Broker, Douglas Elliman Real Estate

Décideurs. Quel regard portez-vous sur la vente par Sony de son siège à New York pour 1,1 milliard de dollars ?
Benoit Pous-Bertran de Balanda.
Le Sony building était auparavant le siège social de la compagnie américaine de télécommunication AT&T, sur la prestigieuse Madison Avenue au 550, entre la 55e et 56e rue. Il s’agit de l’un des premiers building commerciaux new-yorkais à posséder un atrium public ; sa construction remonte à 1984 et comprend trente-sept étages, pour 137 mètres de hauteur et regroupant 79 000 mètres carrés de bureaux. L'intérêt de cette vente pour Sony réside dans la possibilité pour le groupe de générer des liquidités dans la période délicate qu'il traverse (685 millions de dollars de profits pour Sony). La vente d'un important bien immobilier détenu au Japon serait d'ailleurs à l'étude.
Cette opération témoigne de la vivacité du marché. Elle est exceptionnelle en ce qu'elle a permis de battre le record du prix de vente au pied carré en atteignant 1 287 dollars, soit plus de 400 dollars de plus par pied carré que lors de la précédente vente de cette ampleur il y a quatre ans, au 510 Madison Avenue.

Décideurs. Qu'est-ce qui explique un tel écart ?
B. P. B. de B. Cet écart s'explique tout d'abord par la dimension symbolique du lieu. Enfin, le fait que le bien ait été vendu occupé contribue à davantage le valoriser. Sony s'est engagé à rester dans les locaux pour les trois prochaines années. Ainsi, le nouveau propriétaire n'est pas obligé d'entamer les démarches nécessaires et parfois fastidieuses pour trouver de nouveaux locataires et rentabiliser la vente. L'exploitation du building a pu se faire immédiatement. D'ici la fin de l'occupation par le groupe japonais, le nouveau propriétaire pourra librement envisager la future occupation des lieux, voire, si la ville le lui permet, de modifier la structure du building, avec, par exemple la possibilité de créer des logements dans les étages supérieurs.

Décideurs. Quels types d’investisseurs récupèrent ces biens très onéreux ?
B. P. B. de B.
Traditionnellement, les public REIT’s (real estate investment trusts) et les fonds d’investissements immobilier se montrent intéressés par ces biens. Forts d’un statut fiscal particulièrement avantageux, disposant de liquidités et bénéficiant de taux d’intérêt historiquement bas, ils peuvent mener à bien ces acquisitions. D’autres acteurs privés, plus discrets, se partagent le reste du marché à New York, à l’image du groupe de Donald Trump ou du Chetrit Group, le futur propriétaire du Sony Building.
Les stratégies de ces grands players diffèrent peu : certains se concentrent sur le résidentiel pur quand leurs concurrents se positionnent sur le commercial, l’hôtellerie ou le secteur médical.

Décideurs. Quels sont les français qui investissent aux États-Unis ? Quels types de biens recherchent-ils ?
B. P. B. de B.
Le marché de Manhattan, qui a été le plus robuste pendant la crise des subprimes, est complexe et disparate. Certains étrangers venus d’Asie et d’Amérique latine investissent massivement leurs liquidités dans la pierre sur le territoire américain, tablant sur une revente de leurs investissements sous quatre ou cinq années. Ces particuliers voient dans ces placements un moyen sûr de diversifier leur patrimoine en dollars américains, dans un marché en progression depuis deux ans.
Les investisseurs européens, et français en particulier, ont une culture d’investissement plus délicate à concilier avec celle propre aux États-Unis. Ils représentent par conséquent une part moins importante des acquéreurs de New York et ont besoin de l'assistance d'un expert immobilier local.
Il en va autrement pour les investisseurs professionnels et pour les investissements européens qui perçoivent l’opportunité que représentent ces taux d’intérêt extrêmement bas pour faire l’acquisition de buildings de grande taille. Ils décident généralement de les restructurer pour y apporter une plus value ou peuvent opter pour la construction de nouveaux immeubles en plein cœur de Manhattan. Le marché s’est considérablement assaini depuis la crise, les prêts et les crédits ne sont plus aussi facilement accordés. Ces professionnels comptent en profiter pleinement, que ce soit à Manhattan ou ailleurs aux États-Unis.