Ce n’est un secret pour personne, l’empire de Jean-Charles Naouri s’est effondré. Avec une dette de plus de 6 milliards d’euros, dont 4,5 milliards pour la France, le groupe de distribution sombre peu à peu. C’était sans compter sur l’aide des milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière qui sont parvenus à convaincre la justice de valider le plan de sauvegarde accéléré de l’entreprise. Retour sur les péripéties du géant de la distribution.

Tout commence en mai 2019. Lourdement endettée avec une dette globale de 3,3 milliards d'euros, la société Rallye, holding de contrôle de Casino et Go Sport, est placée sous la protection du tribunal de commerce de Paris et obtient l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

En mars 2020, cessions à gogo. Le groupe Casino annonce la signature avec Aldi France d’une promesse unilatérale d’achat en vue de la cession de 3 entrepôts et de 567 magasins du périmètre Leader Price en France métropolitaine, pour une valeur d’entreprise de 735 millions d’euros. Les magasins Leader Price se développeront désormais sous l’enseigne Aldi.

Endetté jusqu’au cou en 2021. Malgré les cessions, l’endettement repart à la hausse, passant de 3,9 milliards d'euros à 5,9 milliards. À la suite de cette communication, le cours de l'action Casino dégringole et atteint son niveau historique le plus bas. L’action perd près de 50 % de sa valeur sur trois ans.

À mauvais élève, mauvaise note en octobre 2022. L’agence de notation Standard & Poor's dégrade la note de la dette du groupe Casino et la fait passer de B à CCC+, au vu de conditions de marché moins favorables que prévues pour l'entreprise. Ce qui entraîne une chute spectaculaire de plus de 8 % à la Bourse de Paris dès les premiers jours suivant l'annonce. L’action s’échange alors à moins de 9 euros alors qu’elle atteignait près de 100 euros en 2014.

Début 2023, la dette du groupe se creuse encore. Elle atteint 6,4 milliards d'euros. La direction de Casino est contrainte de chercher de nouveaux investisseurs.

En juin-juillet 2023. Justice League. Le trio d’hommes d’affaires constitué de Xavier Niel, Moez-Alexandre Zouari et Matthieu Pigasse annonce que leur alliance, intitulée 3F, « a décidé de ne pas déposer d’offre pour la reprise du Groupe Casino ». Le trio formé par Daniel Kretinsky, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds britannique Attestor reste seul candidat. Le plan prévoit d'injecter 1,2 milliard d’euros pour renflouer le groupe. En contrepartie du plus important abandon de créances jamais négocié en France, leur consortium détiendra 53 % du groupe.

Juin 2023. Contrôle de police. Le PDG de Casino Jean-Charles Naouri est placé en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire parisienne dans le cadre d'une enquête pour « manipulation de cours » et « délit d'initié ». Casino annonce la vente de 119 magasins à Intermarché, 57 magasins devant être cédés dans l'année et 62 dans les trois prochaines années ; cession qui touche 4 000 salariés. Un premier transfert de 61 magasins d'une valeur de 203 millions d'euros est officialisé le 2 octobre 2023. Le consortium s'est fixé comme objectif d'atteindre 920 millions d'euros d'Ebitda en 2028.

Début janvier 2024, des repreneurs aux dents acérées. Après d’intenses et âpres négociations dans le cadre de la restructuration de dettes, 190 magasins Casino passent sous l’enseigne Intermarché, qui devra en céder 26 à Carrefour, et 98 dans le giron d’Auchan.

Février 2024, coup de théâtre : un plan de sauvegarde accéléré est validé par la justice. Le tribunal de commerce de Paris a validé le 26 février dernier le plan de sauvegarde accéléré par les milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, adossés au fonds d'investissement Attestor. Casino va également céder 288 magasins qui seront vendus à Auchan, Intermarché et Carrefour. L’opération doit rapporter 1,3 milliard d'euros. Les cessions vont se faire progressivement jusqu'à cet été, en trois vagues, avec une première vague prévue le 30 avril. Environ 16 000 salariés vont ainsi changer d'enseigne. La restructuration de la dette, qui s'élevait au 31 décembre 2023 à 6,2 milliards d'euros, prévoit d'écraser près de 5 milliards d'euros de créances.

Laura Guetta