Spécialiste en fiscalité et stratégie financière, le cabinet d’avocats Jeantet a élargi son champ d’expertises avec la nomination d’Olivier Lyon Lynch et l’arrivée d’Alexae Fournier-de Faÿ, tous deux en tant qu’associés. L’occasion de les interroger avec les autres associés de l’équipe, dont Christophe Jacomin, Cyril Deniaud et Jean-François Adelle, sur leur rôle dans l’accompagnement de leurs clients lors de la mise en place de la CSRD. Focus sur ce cabinet full-service.
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Décideurs. Alexae Fournier-de Faÿ, vous venez d’intégrer le cabinet Jeantet. Quelles sont vos expertises et qu’apportez-vous à l’équipe corporate ?
 
Alexae Fournier-de Faÿ. J’interviens de manière générale en financement structuré, tant du côté prêteur qu’emprunteur. En matière de financement immobilier, je conseille principalement une clientèle de développeurs, d’investisseurs, de foncières, d’établissements de crédit ainsi que des fonds d’investissement français mais aussi étrangers pour la structuration et la négociation de leurs transactions. Je dispose également d’une expérience particulièrement reconnue en financement vert. Celle-ci s’étend à tous types d’actifs et d’opérations, notamment le financement de projets de transitions énergétiques et écologiques ou de construction/rénovation immobilière. Autant de compétences qui sont sources de synergie avec la clientèle et donc l’équipe M&A/corporate de Jeantet.
 
Olivier Lyon Lynch, vous venez d’être nommé associé. Quelle dynamique votre nomination apporte-t-elle à Jeantet ?
 
OLIVIER.LYON.LYNCHPORTRAIT.D.TOUR3Olivier Lyon Lynch. Tout d’abord, rappelons que j’assiste les institutions financières dans le cadre de leurs contentieux devant les juridictions judiciaires et les autorités de régulation (AMF, ACPR). Je les conseille également en matière de réglementation dans le domaine bancaire, financier et assurantiel. Ma nomination s’inscrit dans la continuité de l’activité développée par Martine Samuelian depuis de nombreuses années au sein du pôle Institutions et Services Financiers de Jeantet. Elle vise également à renforcer notre offre à un moment où les besoins de nos clients en matière de conseil et d’assistance s’accroissent en raison notamment d’un nombre croissant d’obligations qui pèsent sur les entités régulées. Ma nomination contribue par ailleurs à poursuivre le développement de notre offre en droit des assurances, tant en conseil qu’en contentieux, domaine dans lequel j’interviens depuis près de quinze ans.
 
La CSRD (directive sur la transparence extra-financière des entreprises) apporte une avancée considérable dans la prise en compte des critères RSE particulièrement auprès des investisseurs (banques, fonds d’investissement), notamment avec la mise en place d’indicateurs RSE de la part des fonds ou le financement à travers les crédits à impact auprès des banques. En tant qu’avocats, que pouvez-vous apporter  vos clients face à cette problématique ?
 
A. F.-de F. De notre côté, en matière de transition énergétique, nous n’avons pas attendu la mise en place de la directive pour commencer à réfléchir à cette problématique. Le mouvement était déjà en marche sur ce sujet relatif à la finance verte, notamment dans le secteur de l’immobilier, l’un des plus pollueurs. À cet égard, nous avons aidé nos clients à structurer une documentation de crédit verte, par exemple avec la traçabilité des fonds. Quant aux banques, elles proposent des obligations de reporting en augmentant leurs marges dans
le cas où celles-ci ne sont pas respectées. En ce sens, nous les avons aidés à mettre en place tous ces mécanismes contractuels. Notre expertise reconnue en fi nancement de projet d’énergie renouvelable nous permet de construire des passerelles avec notre clientèle corporate et immobilier.
 

"Les investissements continuent mais avec une connotation verte très prononcée" Cyril Deniaud 

CHRISTOPHE.JACOMINPORTRAIT.D.TOUR1Christophe Jacomin. Je rejoins Alexae. Ce mouvement en faveur de la transition énergétique est présent depuis déjà plusieurs années, principalement en Europe du Nord. Nous avons ainsi été amenés à réfléchir sur les financements à impact et donc sur l’obligation de reporting extra-financier. Nous rédigeons ces documents et conseillons nos clients sur ces obligations de reporting. Avec une réglementation de plus en plus précise, les établissements régulés se sont emparés du sujet.
 
 
 
 
 
 
 
CYRIL.DENIAUDPORTRAIT.DCyril Deniaud. Nous accompagnons depuis plusieurs années nos clients, des sociétés cotées qui s’interrogent sur toutes ces nouvelles normes. En se demandant ce que disent leurs pairs, ce que leurs investisseurs ont envie d’entendre (sans tomber pour autant dans le greenwashing). Le secteur de la décarbonation est mis en évidence sur les dernières introductions en Bourse. Trois ans après Hoffmann Green Cement Technologies (producteur de ciments bas carbone), nous avons ainsi accompagné cette année Florentaise, le pionnier des terreaux bas carbone, dans le cadre de son introduction en Bourse sur le marché Euronext Growth Paris. Dans un contexte de marchés financiers très compliqué cette année, on peut noter que les investissements continuent mais avec une connotation verte très prononcée. Un grand nombre de fonds ont désormais des exigences en termes d’ESG et investissent prioritairement dans ces sociétés « vertes ». La CSRD accélère un mouvement déjà bien engagé. Indubitablement, ce mouvement touchera progressivement de plus en plus d’acteurs économiques, notamment les fonds à impact et les sociétés cotées. Enfin, nous alertons nos clients sur le fait qu’à partir de l’exercice 2024, il faudra avoir mis en place tous les éléments pour collecter ces informations. Notre mission est ainsi d’assister nos clients qui se demandent comment organiser la remontée des informations pertinentes en 2024 pour qu’en 2025, leur documentation publique puisse être conforme à la réglementation.
 
Pensez-vous que les avocats doivent jouer un rôle dans la certification obligatoire à venir des rapports de durabilité ?
 
C. J. Je demeure assez sceptique. Il me semble difficile d’être à la fois le conseil et celui qui certifie ces rapports de durabilité.
 
C. D. Il surviendrait une sorte de conflit d’intérêts, sans oublier un problème lié aux compétences dans le domaine de la certification des rapports de durabilité. Il faudrait songer à ce moment-là, le cas échéant, à des partenariats entre cabinets d’avocats et « hommes du chiffre » afin d’obtenir une approche juridique, financière et économique.
 
Portrait.Jean.Fran.ois.Adelle.d.tour1Jean-François Adelle. La transparence organisée par la norme européenne CSRD est un élément très important du financement de la transition énergétique et de l’accompagnement de l’économie vers une meilleure durabilité. Elle favorise en particulier une meilleure maîtrise du risque de crédit et de défaut, des décisions d’investissement dans la dette, de gestion des conditions tarifaires des financements et de couverture des risques. Elle crédibilise la labellisation. Nous accompagnons nos clients, banques, fonds, assureurs crédit, contreparties financières, emprunteurs et émetteurs, institutions de fiducie-gestion, dans la négociation de leurs opérations de finance structurée au regard de ces paramètres, notamment des indicateurs clé, et de l’effet de ces normes sur le collatéral. Il faut noter un foisonnement de textes français et européens et des taxonomies encore floues. Dans certains cas, l’excès de transparence complique les opérations, comme le montrent les difficultés de la titrisation en Europe. De plus, il n’y a pas de risque zéro, il faut en réalité au-delà des normes, bien définir la tolérance au risque.
 
En matière de certification des données liées au reporting, quel rôle peut jouer l’avocat ?
 
J.F.A. J’y répondrai avec une certaine prudence. Il s’agit d’un métier très spécifique qui requiert des compétences qui ne sont pas de nature juridique. Et ce, sans oublier un risque de conflit d’intérêts, puisque l’avocat serait en même temps le fournisseur et le certificateur de ces données en plus d’être le conseil qui assiste le client qui les exploitent. En tout état de cause, si nous délivrons des certifications, nous perdrons en indépendance en tant que conseil dans la négociation des opérations.
 
Propos recueillis par Laura Guetta