Les banques exploitent des risques qui nécessitent une efficacité de bout en bout, de la souscription jusqu’à la livraison des services sur des durées très longues (crédits ou placements à plus de 20 ans). Compte tenu des durées, elles sont exposées à de nombreux aléas qui ne sont gérables que par une efficacité de tous les instants. Olivier Cuisinier, Lead Partner Business Transformation et Xavier Landreau, Partner Banques, chez Sopra Steria Next livrent leur point de vue.

La banque gère de multiples leviers d’efficacité pour assurer ses ventes et sa production. Au total, le résultat n’est pas complètement satisfaisant :

- les banques ont mené des plans d’économies récurrents mais les ratios de performance calculés sur la base de fonds propres accrus se dégradent mécaniquement ;

- les banques doivent intégrer une grande variété de leviers pour s’optimiser : réduction des coûts, mutualisations, digital… recentrages et priorités business.

Trouver de nouveaux leviers d’efficacité permettra aux banques à l’avenir en matière de green, de souveraineté, d’économie circulaire…

Autant de sujets qui sont à la fois majeurs et coûteux : décupler l’efficacité des pratiques représente donc la dernière étape pour que les banques aient les moyens de se choisir des destins économiques supportables et surtout différenciés par rapport à la concurrence.

Les banques se doivent d’être efficaces à plusieurs titres :

- le service client, dans des délais acceptables et avec une qualité suffisante ;

- la conformité des produits : mitiger un service normé avec un risque supportable sachant que des pénalités ou amendes peuvent obérer le résultat ;

- la capacité à choisir un niveau de risques cohérent par rapport à la facturation et la marge obtenue.

L’efficacité est donc à définir comme un équilibre entre la banque et ses clients sur plusieurs activités. Les exigences croissantes de conformité ont provoqué une implication d’un nombre croissant de collaborateurs pour finaliser le "bon niveau de service au bon client". Enfin, la mesure des risques pour les IFRS, pour Bâle 2 puis 3 ou pour les provisions comptables ont conduit à un renforcement de la vigilance amont qui est elle aussi challengée.

Les banques ont-elles vraiment besoin d’améliorer leur efficacité ?

On aurait pu croire que les vigilances existantes sécurisaient la situation des banques. Or l’équilibre est toujours difficile à atteindre. Nous proposons de retracer les évolutions qui appellent aujourd’hui à un renforcement de l’efficacité opérationnelle. Nous compléterons avec quelques pistes pour en baliser ce resserrement qui doit appeler une nouvelle prise de conscience.

Tout d’abord, la banque repose sur un écosystème varié qui combine plusieurs prestations avant de délivrer un service approprié qui, de surcroît génère des feedbacks désormais recueillis et traçables.

Répondre correctement à une attente client requiert de bien communiquer avec lui (en entrée comme en sortie), de trouver une bonne solution ou a minima de relancer l’échange en vue d’une compréhension affinée, de mettre en oeuvre la solution dans des délais compréhensibles, pour enfin permettre le SAV. Le meilleur marketing résulte d’un service qui répond aux promesses. Ce premier niveau de réponse est déjà complexe.

Or, il faut aussi prendre en compte des contraintes réglementaires croissantes mais aussi intégrer l’extension de l’offre de services, ce qui nécessite de croiser beaucoup plus d’informations. La souplesse requise pour croître de façon conforme mobilise un nombre croissant d’acteurs internes mais aussi de plus en plus externes. La solution conduit d’ailleurs à valoriser des écosystèmes externes grâce à une Open Banking prometteuse mais apportant ses propres risques. Au total, ce deuxième niveau de réponse est tout aussi coûteux à assumer que le premier.

Or depuis une vingtaine d’années, les banques se sont donné des priorités autres que l’efficacité :

- 2000 – 2010, environ, priorité à la conquête et à la proximité client grâce à des portails qui ne favorisent pas l’efficacité car orientés multicanal plutôt qu’omnicanal. Le foisonnement assure d’attraper le client mais pas de lui simplifier la vie.

- 2010 – 2020, environ, priorité à la sécurisation à la suite de la crise de 2008. Les capitaux propres ont été sensiblement augmentés. Toutefois, les conditions de rentabilité n’ont pas suivi et ont provoqué une dévalorisation des titres bancaires.

- 2020 – 2022, le Covid a fait perdre les repères mais a au moins figé l’activité alors que l’on craignait une chute des PNB.

Le réveil semble difficile. D’une part les banques n’ont pas résolu leur moindre performance par rapport aux nouveaux capitaux mobilisés. D’autre part les difficultés conjoncturelles conjuguées à des besoins d’investissements massifs remettent les banques face à leur contradiction de devoir poursuivre la conquête clients sous contrainte réglementaire et de risques tout en réduisant leurs coûts. Nous prendrons deux illustrations pour asseoir notre démonstration :

- les coefficients d’exploitation sont, depuis 30 ans, progressivement passés sous la barre des 70 % sans que l’étape suivante des 60 % ne se soit enclenchée ;

- les banques sont trop sensibles à une réduction du PNB comme on le constate avec la réduction de la production des crédits.

Nous estimons donc que les banques françaises doivent résolument s’atteler à leur efficacité.

Après s’être préoccupées en priorité de la conquête client dans les années 2000, puis de la stabilisation de leurs risques dans les années 2010, les banques doivent maintenant accélérer l’amélioration de leur performance

Les banques ont-elles les moyens d’améliorer leur efficacité ?

Paradoxalement, les banques ont pu avoir le sentiment d’avoir développé de nouveaux services plus efficaces grâce au "Design to Cost" et au "Produit Minimum Viable". Dans le même temps, elles ont adopté des règles strictes de non-renouvellement d’effectifs. Tous ces efforts consentis au risque de perdre en expertise ont plus limité ou fragilisé la qualité de réponse aux clients. C’est pourquoi il convient de réinventer une nouvelle approche d’efficacité et imaginer une "super- efficacité" pour des procédures et processus qui ont tout de même été pensés avec un souci d’efficacité.

Que risquent-elles à ne pas le faire ?

Nous identifions plusieurs manières d’apporter ce surcroît de performance pour décupler l’excellence opérationnelle :

1. Refonder le pilotage

Le pilotage est aujourd’hui une activité de constat. Les ROI ne sont pas conçus pour être suivis en phase de RUN mais seulement pour amortir des investissements. Il est souhaitable de réaligner les objectifs en les complétant d’une vision exhaustive (coûts / bénéfice ; clients / collaborateurs).

2. Généraliser l’automatisation

Chaque banque a lancé des bancs d’automatisation soit trop adhérents à des SI existants soit plus autonomes mais alors au risque de créer de nouveaux sous- SI générant leurs propres entropies / risques. Qui n’a pas entendu parler des difficultés à anticiper les changements de contextes de la RPA ? Il est souhaitable de gagner plus de temps et de délais de traitement en automatisant toutes les tâches réplicables.

3. Instaurer une conversation digitale client/banque

Les banques disposent de données de suivi à ne plus quoi savoir en faire. Leur exploitation est encore faible. L’accélération de l’IA assurera l’enrichissement de l’échange qui sera d’autant plus fructueux dans une vision opérante des processus de bout en bout. Le Process Mining pourra avantageusement compléter la maîtrise des parcours à l’avantage de tous les intervenants.

4. Finaliser les parcours digitaux afin que les nouveaux apports de l’IA, de la sécurité (cyber), ou de la data enrichissent spontanément les processus établis.

5. Se concentrer sur les activités différenciantes car facturables

Lorsque les banques auront satisfait aux exigences des points ci-dessus, elles pourront se concentrer sur ce qu’elles savent faire le mieux. Il sera alors souhaitable qu’elles se spécialisent mais aussi qu’elles sous-traitent certaines activités.

Nous estimons qu’après deux décennies durant lesquelles l’efficacité fut plus subie que recherchée, les banques disposent des moyens pour se mettre à l’efficacité "au carré" jusqu’à faire bénéficier toute l’économie de leur nouvelle performance. On constate déjà de telles évolutions dans les domaines traditionnels comme la gestion des DAB ou la gestion des espèces / chèques. Ce ne sont que des prémices. Ce qui est rassurant c’est que désormais les Banques ont les moyens de réussir, même sur des processus historiques, complexes et agiles. La responsabilisation des middle et back-offices dans la réponse apportée aux clients constitue une condition du succès de cette super efficacité.

SUR LES AUTEURS

Olivier Cuisinier, Lead Partner Business Transformation, intervient sur l’ensemble de la chaîne de valeur financière, du cadrage à l’alignement des enjeux stratégiques, métiers et fonctions corporate, dans le cadre de grands programmes à fortes complexités humaine et réglementaire.

Xavier Landreau, Partner Banques, gère de grands programmes de transformation et de stratégie pour le compte de grands clients. Il a contribué à la publication de trois ouvrages sur la vision et l’évolution du secteur bancaire.