Après l’épisode d’urgence sanitaire du Covid-19, la donne a encore changé pour la carrière des managers et des dirigeants ; ils doivent plus que jamais être et rester en mouvement. Cela peut être une excellente nouvelle si le manager sait gérer son propre business comme le font les entrepreneurs. Confiance en soi, rester libre, se différencier, cultiver sa curiosité et son réseau sont les nouvelles clés qui vont leur permettre d’affronter les formidables changements en cours.

La durée de vie d’un poste de dirigeant dans une entreprise n’est définitivement plus directement liée à la performance de celui ou celle qui l’occupe. En 2023, nous comprenons, plus que jamais, que chacun est condamné au mouvement perpétuel. Car tous les secteurs vont procéder à des ajustements de personnels. Pour certains, à leurs dépens. Pour d’autres, qui sont préparés, ce sera une excellente opportunité. Entreprendre, c’est être en mouvement. Et, paradoxalement, c’est l’entreprise qui nous a fait perdre cet esprit du mouvement. Il ne faut jamais oublier d’où nous venons. Nos ancêtres de la préhistoire habitaient dans les grottes et étaient « à leur compte ». Pas de chasse, pas de nourriture. Pas d’abris, pas de sécurité.

Cro-Magnon était le premier entrepreneur de l’humanité, forcé de prendre des risques pour avancer. Au Moyen Âge, l’entrepreneur conservait son sens premier: celui d’un individu qui assumait ses tâches, hardi, et qui savait prendre des risques autour d’actions pour vivre au quotidien. Certains créaient et fabriquaient, d’autres voyageaient et beaucoup, régulièrement, se battaient. Au XIXe siècle, les industriels se sont mis à rationaliser, à organiser, puis à s’occuper de leurs employés. Excellente chose, mais dans la volonté positive d’organisation et de sécurité accrue pour tous, on a finalement créé du désordre. La mise en œuvre progressive de sécurité et de confort professionnel nous a rendus paresseux. Poussées par l’entreprise elle-même, qui y voyait des gages de stabilité pour son développement, des générations entières se sont installées socialement en remettant leur avenir dans les mains d’autrui, celles de leur entreprise. Celle-ci le leur a bien rendu, entre la Seconde Guerre mondiale et l’arrivée d’Internet qui est venu bouleverser les codes. Depuis les années 2000, la dernière génération des actifs seniors (55-64 ans actuellement) fait face à un revers sans précédent : l’obligation de se remettre en question. Se libérer et redevenir l’entrepreneur de sa propre carrière. Pour eux, la solution existe pourtant. Pour survivre dans le monde d’aujourd’hui, en perpétuelle transformation, et pouvoir gérer leur carrière, il leur faut retrouver cet esprit entrepreneurial. Il ne s’agit pas ici de créer une entreprise, mais plutôt de devenir l’entrepreneur de sa propre carrière. Et les réflexes sont fortement similaires. Pour cela, trois clés  majeures à cultiver et surtout à mettre en œuvre :

L'enjeu est de devenir "l'entrepreneur de sa propre carrière"


Regagner sa liberté et reprendre confiance 

Remettre sa carrière entre les seules mains d’autrui, c’est fini car c’est trop dangereux. Il faut désormais
réapprendre à être « libre ». Plus on se confronte au risque, moins on risque de se retrouver dans une situation compliquée à gérer. En somme, soit je décide d’anticiper les choses en m’y préparant de manière proactive, soit je subirai et réagirai. Le fait de l’anticiper permet aussi de reprendre confiance. Je rencontre tant de cadres supérieurs et de dirigeants qui appliquent à merveille cette recette dans le cadre de leurs responsabilités professionnelles avec audace, courage et créativité. Ce sont les mêmes qui s’oublient personnellement et ne pensent pas à agir de la même manière pour leurs propres enjeux. Bien souvent cependant, le point sous-jacent le plus difficile à gérer pour eux est la « perte de leur statut social ». Qu’ils se rassurent et reprennent confiance ; ceux de leurs proches qui les jugent trop rapidement se disent forcément que le feu du canon leur est passé juste à côté cette fois-ci ; leur temps va aussi venir, fort probablement. D’ailleurs, aujourd’hui, avoir vécu au moins une rupture de contrat de travail devrait être prescrit !

J’en ai pour ma part vécu deux. À chaque fois, elles ont été sources d’amélioration, tant dans ma vie personnelle que dans ma vie professionnelle. La première fois en 2007, après dix ans de bons et loyaux services auprès de mon employeur, j’ai découvert qu’il ne faisait "pas si froid dehors". La deuxième fois, un peu plus tard, après une période de loyauté et d’investissement similaires, j’ai compris que je ne remettrais plus mon avenir à quiconque d’autre qu’à moi-même et j’ai créé WAYDEN "dans le dur".

Trouver sa vraie différenciation

En matière d’emploi, pour un poste donné, nous vendons à peu près tous la même chose ; nos compétences, notre capacité à raisonner et notre dynamisme pour faire avancer les choses. L’entreprise qui ouvre un poste a donc toujours le choix entre vous et vos concurrents. Pour se démarquer, chacun doit chercher et trouver sa vraie différenciation. La question à laquelle répondre est : Pourquoi moi pour ce travail plutôt qu’un autre ? Pourquoi suis-je le meilleur dans mon domaine ? Pourquoi suis-je unique sur ce point à cet instant ou sur tel périmètre géographique ou professionnel ? Développer votre différenciation propre est la meilleure garantie pour passer devant les autres. Rien ne sert d’être le meilleur en tout. Mieux vaut avoir un ou deux aspects très spécialisés qui créent une réelle différence à mettre en avant, et éviter ainsi de finir en "éternel second".

Rencontrer des clones ne sert à rien

Cultiver votre curiosité et votre groupe

Pour aller vite, il faut y aller seul, pour aller loin, il faut y aller à plusieurs. La vraie force de votre capacité à rebondir, une fois confiant et libre, est celle de votre groupe. Mais le réseau n’existe pas en soi, il ne se décrète jamais. Le réseau résulte d’une activité constante, curieuse, persistante et surtout généreuse et désintéressée à priori. Autrement dit, votre réseau doit être cultivé en permanence, et pas seulement quand vous avez besoin de quelque chose. L’important est de rencontrer des personnes qui évoluent dans des écosystèmes différents du sien car rencontrer ses clones ne sert à rien. Pour évoluer, la compétence compte moins que les relations. Vous avez besoin d’être visible et, plus important encore, trouvable.

Pour se préparer aux accidents de carrière, rien de tel que de rester alerte et en mouvement en cultivant des rencontres généreuses, gratuites, sans jamais s’accrocher à des certitudes ni rechercher la perfection. Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, parle de "vivre en état de permanent beta". C’est déjà une réalité pour la plupart des actifs nés avec Internet après 2000… et, qu’on le veuille ou non, ce sont eux qui ont raison et qui arrivent en force sur le marché du travail, bientôt aux postes de direction des entreprises. Comme le disait Jeff Bezos: il faut "Toujours agir comme si l’on était toujours au premier jour". 

Les cinq événements auxquels chacun devrait se préparer : Je vais me faire licencier et ce n’est pas ma faute, soit je continue à remettre mon avenir à autrui, soit je me prends en main, je dois redevenir entrepreneur de ma propre carrière, je dois reprendre confiance, je dois rencontrer du monde et être généreux.

Sur l'auteur

En 2012, fort d’une expérience opérationnelle solide de dirigeant au sein de grands groupes de services en tant que salarié et sur des missions, Benoît Durand-Tisnès fait pivoter son activité de manager de transition pour créer WAYDEN. L’entreprise est devenue une référence dans le monde du management de transition en France. Benoît est également président de France Transition, la fédération des acteurs du management de transition. En septembre 2022, il publie un livre intitulé Savoir rebondir après 45 ans aux éditions Ideo. L’idée est de partager de manière pragmatique des clés pour ne plus subir sa carrière.