Arrivé dans l’univers du restructuring en 2017, Cédric Dugardin fait figure de petit jeune dans l’écosystème. Ce CRO, rompu aux situations complexes et à l’exercice du commandement, s’épanouit dans le redressement d'entreprises au bord du gouffre.

Décideurs. Pourquoi ce métier, comment êtes-vous arrivé au restructuring ?

Cédric Dugardin. Après mon expérience à la présidence de Quick, j’ai cherché un nouveau challenge. À l’occasion d’un petit-déjeuner avec un célèbre avocat en restructuring en 2017, celui-ci m’a proposé : "Viens faire du restructuring. Tu vas voir, c’est passionnant." Deux mois plus tard, j’ai été appelé par le groupe Bourbon où j’ai remplacé la directrice générale déléguée, alors en congé maternité. Puis j’ai travaillé à ses côtés dans le contexte de la deuxième restructuration de la dette du groupe.

Ensuite, les missions se sont enchaînées. J’ai accompagné Bain Capital dans le cadre du dossier Consolis avec l’élaboration d’un plan social et la restructuration de leurs activités en France. Puis j’ai pris la direction de Conforama quand les créanciers ont repris les clefs à la famille Steinhoff avec le lancement d’un PSE. Ensuite, à la demande du CIRI, j’ai accepté la présidence de Presstalis, que j’ai quittée début 2021 pour rejoindre l’APST (Association professionnelle de solidarité du tourisme), là aussi sur l’impulsion de Bercy. Déjà fragilisée par la faillite de Thomas Cook, elle devait faire face aux remboursements des avoirs Covid. En 2022, j’ai travaillé pour le groupe de tourisme Salaün et réalisé une mission de conseil stratégique pour les actionnaires d’un groupe de distribution spécialisé. J’ai aussi pris la tête d’une fiducie-sûreté qui a été exercée cette année. Enfin, début septembre, j’ai pris la direction générale d’Eugène Perma, un groupe familial qui m’a demandé de l’accompagner dans sa transformation.

Quelles sont les qualités à avoir ?

Il ne manque pas de volontaires pour diriger une entreprise qui va bien. À l’inverse, les candidats sont moins nombreux quand une société est en difficulté. Pourtant, c’est dans ces situations de crise que je m’épanouis.

C’est passionnant de changer de secteur et de problématiques régulièrement. Pour cela, il faut avant tout avoir un esprit de décision couplé à une grande réactivité. En restructuring, le plus important n’est pas de savoir si une décision est bonne ou mauvaise mais de la prendre immédiatement. Un mauvais choix adopté rapidement peut s’avérer meilleur qu’un excellent pris trop tard. Pour ce qui est des idées, je ne les sors pas de mon chapeau, elles se trouvent toutes en interne. Mon rôle est de les mettre en musique et de les prioriser. Un bon manager de crise doit cristalliser les décisions et pousser à l’action. C’est un métier où les gens peuvent être contents de vous voir partir mais plus rarement de vous voir arriver...

"En restructuring, le plus important n’est pas de savoir si une décision est bonne ou mauvaise mais de la prendre immédiatement"

Quel a été le dossier le plus marquant de votre carrière ?

Il s’agit du dossier Presstalis, car nous étions donnés perdants dès le départ. J’ai pris la présidence de la société juste avant le confinement à la demande du CIRI. La restructuration a été particulièrement intense, avec trois reports de dépôt de bilan, des subventions de l’État et des négociations quotidiennes avec la CGT pendant le confinement. Finalement l’entreprise a été liquidée en juillet 2020 et un tiers des salariés a été repris dans la nouvelle entité, France Messagerie.

La CGT a signé le plan de restructuration et paradoxalement le confinement a été un atout car nous avons été qualifiés du jour au lendemain de secteur stratégique. Le résultat est là car la structure de reprise existe toujours et elle est devenue rentable. C’est en partie grâce à ce dossier qu’on parle de moi pour des situations difficiles.

Quelle est votre vision du marché ?

L’année 2023 va être mouvementée et les dossiers vont se multiplier. Entre la baisse de la consommation et l’inflation des coûts, l’effet ciseau est violent pour les entreprises qui vont aussi devoir faire face à une hausse des salaires. Celles qui étaient fragilisées à la sortie du Covid et qui rencontraient des difficultés à rembourser leur PGE vont se retrouver dans des situations compliquées.

Parcours

  •  1987 : sort diplômé de Sciences Po, section économique et Financière, Finance et Fiscalité.
  • 1989 : obtient sa maîtrise en droit des affaires à la Sorbonne ainsi qu’un DESS Finance d’entreprise à Sciences Po puis réalise un master Accounting & Finance à la LSE.
  • 1990 : entame son service militaire. Major de promo à Saumur, il choisit le 2e régiment de hussards et devient chef de peloton blindé. Il fera ensuite dix ans de réserve.
  • 1993 : commence sa carrière chez Coopers & Lybrand.
  • 1999 : intègre la Seita (ex Altadis) en qualité de directeur de projet M&A puis promu, en 2002, VP finance de la division cigarette.
  • 2007 : rejoint Quick en tant que directeur financier.
  • 2013 : nommé PDG de Quick alors que l’entreprise était au bord de l’effondrement financier.
  • à partir de 2017 : enchaîne les missions de CRO (groupe Bourbon, Consolis, Conforama, Presstalis, APST, Salaün, Eugène Perma).

Propos recueillis par Béatrice Constans