Impliquée et passionnée mais aussi médiatique par l’aura de ses dossiers et sa personnalité charismatique, on ne présente plus Hélène Bourbouloux. Outre son métier d’administrateur judiciaire, c’est aussi à travers la pédagogie et l’entrepreneuriat qu’elle s’épanouit. Rencontre.

Décideurs. Pourquoi ce métier, comment êtes-vous arrivée au restructuring ?

Hélène Bourbouloux. J’ai découvert l’administration judiciaire durant mes études à HEC. Je voulais un métier d’action et j’aimais beaucoup le droit. J’ai donc fait le choix de travailler à temps partiel, pendant mes études de droit après HEC, dans une étude. Cela m’a permis de trouver ma voie.

Mon parcours s’exprime à travers trois vocations : administrateur judiciaire, enseignant et entrepreneur. Sans oublier mon équilibre personnel que je trouve en partageant ma vie entre la région parisienne et la Corrèze.

Quelles sont les qualités à avoir ?

Comme pour un médecin, une grande résistance au stress ainsi qu’une aptitude à prendre des décisions sont primordiales. Dans ce métier, aucune certitude, il faut donc ne pas craindre le risque. En arbitrant avec bienveillance, à la recherche du juste et de l’équilibre, on se trompera peut-être, mais la mesure pourra toujours être justifiée. Nous ne cherchons pas la meilleure des solutions mais la "moins pire" pour un maximum de personnes, dans l’ordre des parties prenantes défini par la loi. Agilité, écoute et technique sont donc les maîtres mots. Le tout saupoudré parfois d’un petit côté théâtral, qui ne nuit jamais.

Il faut aussi avoir le goût de la complexité et un rapport sain à l’argent. Ce métier demande beaucoup de travail et d’engagement et de prise de risque, on peut donc comprendre qu’il ait une contrepartie matérielle mais, celle-ci ne doit en aucune manière être une fin en soi.

"Agilité, écoute et technique sont les maîtres mots. Le tout saupoudré d’un petit côté théâtral, qui ne nuit jamais"

Quel a été le dossier le plus marquant de votre carrière ?

Il y a des dossiers financiers sur lesquels on « s’éclate » car on innove dans la pratique et ceux qui marquent par leurs enjeux humains. Je ne peux pas passer sous silence celui de Geoxia, propriétaire de Maisons Phénix, qui m’a beaucoup touchée cette année et que je considère comme mon plus gros échec professionnel. Cette société aurait dû s’en sortir mais elle a été exclue des dispositifs PGE car débancarisée depuis longtemps. L’État n’a pas voulu apporter de solution alternative laissant sur le carreau 1 600 primo-accédants avec des chantiers inachevés, un savoir-faire développé depuis 70 ans et des collaborateurs hyper impliqués.

J’ai aussi été marquée il y a douze ans par les Fonderies du Poitou, un dossier que je cite car nous avons permis de faire redémarrer une usine. Les salariés avaient des revendications auxquelles je n’adhérais pas : la réintégration dans les usines Renault - fondateur du site -, ne me paraissait pas réaliste. Mais leur combat était légitime : celui de ne pas être sacrifiés sur l’autel de la surcapacité de la culasse. Nous avons mené la bataille ensemble avec de beaux résultats.

Je garde aussi le souvenir de mon premier dossier, celui de La Maison de l’agriculteur en Corrèze. Le syndicat des agriculteurs qui m’avait convoqué s’est mis à hurler en me voyant entrer dans la salle : "C’est un scandale, l’administrateur judiciaire nous a envoyé sa secrétaire !" J’étais une femme, j’avais 27 ans et par définition je ne pouvais pas être l’administrateur judiciaire. C’était un dossier complexe avec de forts enjeux locaux mais nous avons trouvé un repreneur qui a racheté les créances des agriculteurs et qui est aujourd’hui dans le giron de la coopérative InVivo.

Quelle est votre vision du marché ?

Aujourd’hui, en France, le marché de l’emploi étant plutôt favorable nous sommes moins confrontés à des enjeux sociaux durs. En général, nous avons plus de candidats au départ que de postes à supprimer, ce qui facilite grandement les restructurations.

Depuis le Covid, FHBX a eu énormément de travail en matière de procédures amiables. Leur recours se développe plus que jamais, notamment pour les PME, en partie grâce à la restructuration des PGE qui, en conciliation, permet de faire sauter le verrou des six ans.

L’harmonisation des procédures conduit à développer un langage et une compréhension commune partout en Europe et le grand enjeu à 10 ans est d’exercer notre métier au-delà de nos frontières avec la force de notre statut.

Par ailleurs, j’espère que nous allons voir se multiplier le recours aux procédures de traitement de sortie de crise réservées aux petites sociétés, qui facilitent des procédures de réaménagement de dette relativement indolores pour l’entreprise.

Enfin, la loi Pacte, qui a favorisé l’opposabilité du plan de redressement à la caution du dirigeant, incite celui-ci à aller en redressement judiciaire plus tôt afin de préserver sa caution. Anticiper, c’est se donner plus de chance de succès.

Parcours

  • 1992 : intègre HEC et réalise la majeure Entrepreneur.
  • 1997 : obtient une licence de droit à la Sorbonne.
  • 1998 : création d’une étude à Nanterre avec Laurent Bachelier.
  • 2001 : obtient son examen professionnel et s’associe en 2002.
  • 2007 : création de FHB aux côtés de Denis Facques et Emmanuel Hess.
  • 2015 : décorée de l’Ordre national du Mérite.
  • 2020 : HEC de l’Année 2020.
  • 2021 : nommée présidente d’HEC au féminin.

Propos recueillis par Béatrice Constans