Michel Maire est CRO au sein de Dirigeants et Investisseurs depuis plus de transition, il plaide pour une meilleure compréhension du métier, qui en fait un spécialiste des situations complexes et non d’un secteur donné.

Décideurs. Comment êtes-vous devenu CRO ?

Michel Maire. Il faut d’abord être chef d’entreprise avant de comprendre le métier de CRO. En tant que Chief Restructuring Officer, nous sautons d’une activité à une autre, ce qui correspondait à ma carrière. J’étais intervenu pour des barrages, des entreprises de textile, des équipementiers automobiles, c’est pour cette diversité que j’ai choisi de rejoindre Dirigeants & Investisseurs en 2001. Créé en 1988, le cabinet était précurseur en management de transition avec la particularité de faire intervenir exclusivement les associés lors des missions.

Quelles sont les qualités indispensables au métier de CRO ?
Il faut une bonne forme physique et savoir absorber le stress. Nous arrivons toujours dans des situations tendues entre les actionnaires, les banquiers et le corps social. Il faut alors réussir à pacifi er l’ensemble de ces parties et penser au plan à dérouler, davantage qu’à la crise en cours, pour ne pas ajouter du stress à la complexité de la situation. Ensuite, il faut être rapide et savoir choisir ses priorités, au risque de frustrer les perfectionnistes car aller vite c’est faire des choix et accepter de ne pas aller au bout de certaines tâches pour bénéficier de l’essentiel en abandonnant le superflu. Le management de transition suppose aussi d’être à l’aise dans tous les environnements. Nous ne sommes jamais dans notre zone de confort. Il faut donc savoir manoeuvrer dans cette grande diversité, et pour cela, il est indispensable d’écouter les gens.

Les défaillances d’entreprises repartent à la hausse, comment appréhendent-elles leurs difficultés ?

Depuis plusieurs années, nous constatons que les entreprises qui viennent frapper à notre porte sont de plus en plus exsangues. Alors que tout le monde alerte sur l’impor- tance de venir consulter des spécialistes dès les premiers problèmes, elles continuent d’arriver quand il n’y a plus de levier, et que tout a été consommé. Des actions d’améliorations du BFR ont déjà été déployées en faisant du factoring, en gageant des stocks, en faisant du lease-back sur les actifs. Lorsqu’elles nous consultent, la structure est vide, il ne reste que de la dette, ce qui est compliqué pour rebondir. Les problèmes de management persistent. En outre, les entreprises en diffi culté disposent fréquemment d’un management inadapté.

"Il faut comprendre que dans une situation complexe, le problème n’est pas le secteur, mais la situation"

Comment apparaissent ces problèmes de management ?

Souvent, à la suite d’une période faste pour la société, un dirigeant qui a l’habitude du succès ou une personnalité imposante, s’entoure de personnes qui ne sont pas capables de s’opposer à lui ou qu’il n’écoute pas. Il y a aussi des problèmes de recrutement des dirigeants, notamment dans les LBO où les actionnaires ont commis une erreur de sélection et mettent trop de temps à s’en rendre compte. Sans compter les disputes dans les entreprises familiales qui mettent en péril l’entreprise. Tout ce qui touche au management est essentiel pour choisir la direction que doit prendre une entreprise.

Quel message souhaitez-vous faire passer aux entreprises pour changer leur perception des CRO ?

Il est important de faire une différence entre le spécialiste métier et celui des situations. Souvent lorsqu’une société est malade, il est nécessaire que quelqu’un vienne aider le dirigeant, quelqu’un qui connaisse son métier. Mais de quel métier parle-t-on ? Du spécialiste du transport ferroviaire s’il s’agit d’une entreprise oeuvrant dans ce secteur ou de celui en matière de retournement d’entreprises ? Il faut comprendre que dans une situation complexe, le problème n’est pas le secteur, mais la situation. D’ailleurs, les sociétés disposent souvent d’un plan d’action viable, ce qui leur manque est la vision des priorités et la capacité à les déployer. Le manager de transition sait écouter l’équipe pour redévelopper l’entreprise et mettre en oeuvre ce rebond.

Parcours 

  • 1982 : sort diplômé ingénieur de l’Ecam Lyon puis de l’INP Grenoble, en ingénierie spécialisée dans l’énergie.
  • 1990-1994 : devient directeur général d’une PME, Le Feutre, après un passage chez un équipementier automobile.
  • 1994-2000 : rejoint le groupe Billion Frères dont il devient président du directoire puis participe à son introduction en Bourse.
  • 2001 : associé de Dirigeants & investisseurs.

Propos recueillis par Céline Toni