Administratrice judiciaire depuis trente ans, Carole Martinez, cofondatrice de 2M&Associés, lutte pour la survie des entreprises. Sa pratique du métier repose pour beaucoup sur les procédures amiables. Une stratégie qui s’explique aussi par son parcours.

Décideurs. Qu’est-ce qui caractérise votre pratique du métier d’administrateur ?

Carole Martinez. Avant tout, je suis pro-entreprises, ce qui m’intéresse c’est l’activité économique et aider à ce qu’elle perdure dans les meilleures conditions. J’essaie toujours de pousser l’intérêt des entreprises plus que celui des créanciers. Ce point de vue est issu de ma formation d’origine, car j’ai appris le métier aux côtés d’un ancien " administrateur provisoire" qui prenait la place du dirigeant avant la réforme de 1985. Aujourd’hui, notre cabinet réalise beaucoup de procédures préventives, en croissance sur le marché.

Qu’est-ce qui vous a poussé vers la fonction d’administrateur judiciaire ?

J’ai toujours fait ce métier. J’y suis arrivée par hasard il y a trente ans, ce qui m’a permis de voir la profession évoluer. J’étais à l’époque stagiaire, puis collaboratrice dans une étude, qui datant d’avant la réforme de 1985, n’a jamais été  "syndic de faillite". À l’époque, il existait un autre corps de métier, très confidentiel, composé d’"administrateurs provisoires", ils étaient sept en France et ne géraient quasiment que des structures in bonis. J’ai appris le métier par le prisme des entreprises hors procédures collectives et c’est en raison de cette culture que 2M&Associés est très tournée vers l’amiable.

Vous avez été rejoint par deux associés, quelles sont les qualités indispensables à transmettre pour être un bon administrateur judiciaire ?

Nous sommes en première ligne. Il faut supporter la pression, et accepter de voir sa responsabilité mise en cause. Ensuite, il faut apprécier être un chef d’orchestre, donc aimer diriger, mais aussi savoir fédérer, travailler en équipe et s’intéresser aux gens. Enfi n, et c’est de plus en plus vrai au- jourd’hui, il est nécessaire d’avoir des compétences juridiques et fi nancières. Cela était moins le cas il y a une trentaine d’années ; à l’époque le métier était très juridique. À présent, les administrateurs judiciaires doivent avoir une double formation, juridique, toujours indispensable, mais aussi des aptitudes financières et une aisance à manier les chiffres sur le plan comptable pour bien comprendre le métier.

Comment est apparue cette nécessité d’une double formation juridique et fi nan cière pour un administrateur judiciaire ?

Historiquement, les administrateurs soustraitaient les aspects comptables et fi nanciers, qui étaient le pré carré des auditeurs. Petit à petit, ces compétences se sont rapprochées car de plus en plus de jeunes issus de formations financières se sont intéressés au métier d’administrateur judiciaire. Malgré une profession très juridique, confi dentielle, voire quasi inexistante, le mélange du droit et de l’économie a plu à une population moins juridique et le métier a aussi été reconnu par les étudiants des grandes écoles de commerce. D’ailleurs, aujourd’hui les stars de l’administration judiciaire viennent souvent de ces écoles.

Quel dossier vous a le plus marqué en trente ans de carrière ?

Impossible pour moi de n’en choisir qu’un, en revanche, ce qui m’a le plus marqué dans mon parcours professionnel, c’est la réussite de certaines entreprises. Celles qui sont sorties défi nitivement des difficultés. Même si ce n’est pas nous qui sauvons, nous sommes le maillon d’une chaîne où notre intervention est ponctuelle. Alors, quand le chef d’entreprise et son environnement réussissent à mettre en place une stratégie qui permet à la société de se stabiliser et de se développer à nouveau, cela fait particulièrement plaisir. Ce sont d’ailleurs ces types de dossiers qui sont récompensés par le prix Ulysse, et ils sont rares.

Parcours 

  • 1993 : obtient un DEA en droit des affaires et droit économique - Paris II.
  • 2000 : devient administrateur judiciaire. o 2007-2014 : associée au cabinet Éric Bauland et Vincent Gladel.
  • 2014-2017 : associée à BCM avec Éric Bauland et Charles-Henri Carboni.
  • 2017 : fonde 2M&Associés, avec Marine Pace et François Mercier.
  • 2017 : titulaire du CAPA.
  • 2020 : 2M&Associés lie un partenariat avec Sophie Gautier, administrateur judiciaire à Rennes.

Propos recueillis par Céline Toni