Oriane Durvye, à 39 ans, est l’une des plus jeunes banquières de ce dossier. Du stage au grade de managing partner, son parcours est une aventure dans le M&A. Une route parcourue avec le goût du risque, de bonnes intuitions et une volonté d’accompagner au mieux les entrepreneurs à écrire l’histoire de leurs sociétés.

Décideurs. Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Oriane Durvye. J’ai été diplômée de l’EM Lyon en 2006 après 6 mois d’échange à la Stockholm School of Economics où j’ai découvert le M&A. J’ai donc postulé depuis la Suède pour un stage à Paris. Je suis rentrée chez goetzpartners et suis restée au bureau de Paris de cette banque allemande jusqu’en 2014.J’y ai fait mes armes d’abord en tant que stagiaire, puis analyste, associate, VP et enfin directeur. J’ai eu la chance de pouvoir originer rapidement (i.e. générer mes propres deals). Par exemple, ayant accompagné Monoprix lors de l’acquisition de Naturalia et le marché du bio étant très fragmenté, j’ai pris l’initiative d’explorer ce secteur qui se prêtait au M&A et j’ai obtenu mon premier mandat de vente en 2010. En 2014, je suis partie de goetzpartners. Je souhaitais un nouveau projet, être associée et avoir une exposition capitalistique. J’ai rejoint Franck Portais, qui m’avait recrutée en 2006, et nous avons ouvert le bureau français de la banque d’affaires internationale Alantra. A présent nous sommes plus de 50 à Paris avec 5 managing partners et plus de 500 professionnels dans le monde.

Au cours de votre carrière quelle a été l’opération qui vous a le plus marquée ? pour quelles raisons ?

Celle qui m’a le plus marquée est la première que j’ai originée et exécutée seule, c’était une grosse prise de risque. J’avais 27 ans à l’époque et j’ai décidé de faire le tour de France des sociétés bio pour évaluer voire susciter leurs aspirations de vente ou d’achat dans un marché en pleine consolidation. De fil en aiguille, j’ai rencontré le management de Nutrition &Santé au moment de la cession à Otsuka et, après quelques mois, les dirigeants m’ont recontactée pour le mandat de vente d’une activité de nutrition infantile espagnole qu’Otsuka ne souhaitait pas conserver. La confiance du client et celle de mon patron m’ont marquée à vie. Cette opération a façonné mon parcours, je n’ai plus jamais eu envie de rejoindre une structure hiérarchique ou politique. J’ai choisi de privilégier des maisons agiles, des projets entrepreneuriaux dans lesquels chacun peut progresser aussi rapidement que ses capacités le lui permettent. L’ambition, la performance et le mérite sont au cœur de la culture d’Alantra.

"Confier un mandat de vente à une banque d’affaires, c’est s’en remettre à une équipe qui va monétiser parfois 30 ans de travail, être responsable de la cristallisation d’une valeur très importante pour son client."

Le meilleur et le pire souvenir professionnel ?

Mes meilleurs souvenirs sont principalement les quelques heures qui précèdent les signing, lorsque tout s’accélère et qu’on s’enferme dans une salle pour finaliser le deal.  Outre les aspects de négociation, pour moi qui travaille beaucoup avec des entrepreneurs et des familles, c’est souvent dans cette toute dernière ligne droite que les clients se demandent s’ils font le bon choix. Ce sont des moments marquants, où les entrepreneurs et fondateurs se confient de manière sincère sur leurs motivations et leurs craintes vis-à-vis du deal imminent, sur l’impact que cela représente pour leur patrimoine, leur vie quotidienne, leurs salariés. Confier un mandat de vente à une banque d’affaires, c’est s’en remettre à une équipe qui va monétiser parfois 30 ans de travail, être responsable de la cristallisation d’une valeur très importante pour son client. Nos clients nous confient des responsabilités importantes pour eux, c’est ce que je préfère dans mon métier. Le pire souvenir : un pitch en rase campagne néerlandaise pour un producteur de viande. Nous nous étions mal compris sur l’horaire et j’ai passé une heure en plein hiver à attendre sous la pluie à l’entrée du site d’abattage, à observer le ballet déprimant des camions qui arrivaient chargés de veaux et repartaient vides, au milieu des cris des animaux…

Qui était votre mentor ?

Franck Portais, qui m’a recrutée en stage de fin d’études et m'a donné le goût du métier ! C’est lui qui m’a fait confiance sur mon premier mandat alors qu’il était patron du bureau de Paris de goetzpartners. En 2015, après près de 10 ans à travailler ensemble, nous nous sommes associés et avons lancé Alantra. Je tiens à citer également Alain Cayzac, fondateur de l’agence de publicité RSCG et ancien président du PSG, que je connais depuis plus de quinze ans et qui continue d’accompagner avec sagesse et intelligence le développement d’Alantra.

En dehors de votre métier, avez-vous des passions en particulier ?

Ma famille avant tout : mon mari bien sûr, et mes 4 enfants de 11, 9, 4 et 2 ans, qui sont à la fois ma principale passion et ma principale activité sportive ! Ils sont un facteur d’équilibre essentiel pour moi, mon rôle de maman me permet de prendre du recul sur mon travail. J’adore l’équitation ; mon mari et mes aînés montent aussi à cheval, ce qui nous ouvre de belles perspectives. Je lis également beaucoup de polars.

Quelle musique écoutez-vous avant de closer un deal ?

Je ne travaille jamais en musique mais chez Alantra quand nous clôturons une opération, nous avons l’habitude de sonner une cloche, comme pour la fin du match. Nous écoutons plutôt la musique après le closing, quand nous faisons la fête en équipe.

Pacours:

  • 2006 : sort diplômée de l’EM Lyon après un échange à la Stockholm School of Economics
  • 2007 : intègre Goetzpartners en stage
  • 2012 : prend la direction du bureau de Paris de Goetzpartners après avoir gravi tous les échelons de la banque d’affaires
  • 2014 : co-fonde la branche française d’Alantra
  • 2022 : désormais Managing partner d’Alantra

Propos recueillis par Céline Toni