Enthousiasmé par l’univers de la pharma, Thomas Gidoin découvre après quelques années d’expérience celui de la biotech, un univers qu’il ne quittera plus. Aujourd’hui, directeur financier de GenSight Biologics, il revient sur les enjeux d’un secteur en plein essor.

 Décideurs. Comment vous êtes-vous tourné vers l’univers de la biotech ?

Thomas Gidoin. Lors de mes études, j’avais réalisé un stage au sein du groupe biopharmaceutique Ipsen et eu un coup de cœur pour le secteur. J’ai pourtant fait le choix d’emprunter la voie royale de l’époque en commençant ma carrière par une expérience en audit chez EY. Cela n’a pas été une révélation et je n’y suis resté qu’un an pour retourner chez Ipsen. Au bout de deux ans, on m’a proposé le poste de directeur financier de la filiale commerciale UK, basée à Londres. J’avais alors 27 ans et cela a été un défi absolument génial. J’ai rejoint un general manager très charismatique qui m’a pris sous son aile et m’a permis de faire mes preuves. Fort de cette expérience, je suis rentré à Paris pour rejoindre une biotech, DBV Technologies. Depuis, je n’ai plus quitté cet univers. DBV venait de s’introduire en Bourse sur Euronext et tout restait à faire. L’apothéose de cette aventure a été la cotation au Nasdaq en 2014. À mon arrivée, la société, alors valorisée 100 millions d’euros, comptait environ 25 collaborateurs. Trois ans plus tard, elle était estimée à 1,5 milliard d’euros et comptait près d’une centaine de collaborateurs.

Pourquoi alors avoir quitté un groupe florissant pour vous lancer dans une nouvelle aventure ?

J’ai eu envie de repartir de zéro pour reproduire ailleurs la même chose. Un choix qui a pu surprendre à l’époque. C’est là que j’ai rencontré Bernard Gilly, directeur général et cofondateur de GenSight Biologics, qui réfléchissait à une série B et qui nourrissait des ambitions de cotation. J’ai embarqué dans le projet en préparant l’introduction en Bourse sur Euronext dans un contexte économique difficile. Depuis, nous avons un rythme d’environ un tour de table par an.

"Ma mission est de se donner les moyens de continuer"

Quelles sont les difficultés inhérentes au métier de DAF en évoluant dans le secteur de la biotech ?

Les difficultés résident dans les années post-IPO et avant l’approbation d’un premier produit lorsque le financement va être difficile à obtenir. Il faut compter environ dix ans pour développer un médicament pour lequel on estime une probabilité de succès d’environ 10 % ; la rentabilité prend donc beaucoup de temps. De nombreux fonds d’amorçage puis de VC permettent de réaliser les premières levées jusqu’à la série B mais par la suite, les investisseurs se font plus rares car ils visent uniquement les sociétés rentables. Aux États-Unis, il y a beaucoup de fonds de croissance spécialisés dans la santé, capables de prendre ces risques avec les entrepreneurs, en Europe nettement moins.

Ainsi, le métier de CFO dans une biotech est atypique. Ma mission est de se donner les moyens de continuer l’an prochain en trouvant des financements et en pilotant la consommation de cash. Nous finançons la société d’une année sur l’autre, rarement au-delà de dix-huit mois d’horizon. L’environnement est donc à la fois anxiogène et passionnant, à condition d’aimer l’adrénaline.

Au-delà du financement, quels sont vos défis au quotidien ?

Du fait de la taille de la structure, environ 50 personnes, nous formons un binôme avec la direction générale. Outre la finance, le DAF va gérer la communication, les relations avec les investisseurs, le juridique, l’IT, les RH, etc. Il faut donc avoir envie de sortir de sa zone d’expertise. L’avantage est de ne jamais s’ennuyer et de ne pas connaître de journée type. Cela implique également d’être en première ligne du fait d’une structure managériale très horizontale qui permet de monter rapidement en compétences.

Et au-delà de votre métier ?

La boxe anglaise me permet d’évacuer le stress, j’y retrouve les mêmes notions de dépassement de soi que dans mon métier. Tout est possible tant que la cloche n’a pas sonné. Je fais également de la voile, une passion que je partage avec Bernard Gilly. Comme le portable ne passe pas en pleine mer, c’est aussi la meilleure excuse pour vraiment déconnecter. Et bien sûr, mes trois enfants, qui ont entre 2 et 7 ans. Un challenge de plus.

PARCOURS

  • 2008 : diplômé d’ESG Finance et de Neoma Business School
  • 2007 : débute chez EY
  • 2008 : d’abord chez Ipsen (Senior Financial Analyst, puis chez UK Operations Controller)
  • 2012 : rejoint PregLem comme Business Controller Northern Europe
  • 2012 : arrivée chez DBV Technologies en tant que Vice President of Finance
  • 2014 : participe à la cotation de DBV Technologies au Nasdaq
  • 2015 : devient le CFO de GenSight Biologics
  • 2016 : mène l’IPO de GenSight Biologics sur Euronext Paris

Propos recueillis par Béatrice Constans