Avec une fortune avoisinant les 5 milliards d’euros, Ariane de Rothschild est désormais seule à la tête du groupe Edmond de Rothschild, après la mort soudaine de son mari Benjamin en janvier 2021, seul héritier d’une des branches de la galaxie Rothschild.

Il serait tentant de crier ô héritière ! Ô parachutage ! de s’émouvoir des milliards de francs suisses revenant de droit à une femme qui n’est pas du sérail, et de mépriser d’un air railleur une énième "femme de". Ariane de Rothschild n’a pas à rougir de sa vie, de ses choix et de ses engagements. En attendant, elle supervise près de 160 milliards d’euros d’actifs de son QG de Genève.

De l’importance des origines

Née Ariane Élisabeth Langner en 1965 à San Salvador, elle est fille d’un cadre allemand et d’une Alsacienne. Au gré des affectations de son père, elle passe une grande partie de son enfance et de son adolescence entre l’Amérique du Sud et l’Afrique, notamment à Kinshasa, capitale du Zaïre, aujourd’hui la République démocratique du Congo. Des études à Sciences Po, puis à l’Université de Pace à New York lui ouvrent les portes du trading floor de la Société générale dans la ville qui ne dort jamais. En 1992 elle rejoint AIG Trading, filiale de l’assureur américain à Paris, avant d’intégrer Edmond de Rothschild. Elle rencontre alors Benjamin de Rothschild, descendant de la lignée parisienne fondée par James de Rothschild au début du XIXe siècle. Ils se marient en 1999. Puis la désormais baronne se consacrera à l’éducation de ses quatre filles : Alice, Ève, Olivia et Noémie.

Transformer dans la continuité

De fil en aiguille, Ariane de Rothschild accède, en 2015, à la présidence du comité exécutif et devient la première femme à exercer cette fonction dans l’histoire de la banque privée. C’est le début d’une transformation en profondeur, de dépoussiérage et de sang neuf, qui ne sont évidemment pas du goût de tous, surtout lorsqu’il est question d’égalité homme-femme.

"Ma légitimité dépend de ma capacité à obtenir des résultats"

L'objectif est de créer un groupe bancaire solide et unifié. Feu Benjamin avait l’habitude de déléguer, pour se consacrer à la chasse, à la voile et aux circuits automobiles... Ariane a les mains dans le cambouis. Elle n’hésite pas à partir au front sur l’usage du nom Rothschild, notamment par une branche cousine gérée par David de Rothschild, et dont l’entité associée n’est autre que Rothschild & Co, où Emmanuel Macron a œuvré entre 2008 et 2012. En 2019 elle retire le groupe Edmond de Rothschild de la Bourse, mettant fin à 32 ans de fluctuations et fait de la Suisse son siège social auquel reportent les autres entités. Dans une interview aux Échos, elle déclare : "J’ai travaillé dans des salles de trading quand j’étais plus jeune. J’y ai appris une chose : ma légitimité dépend de ma capacité à délivrer des résultats."

Des valeurs et des convictions

Concordia, integritas, industria, la devise des Rothschild résonne d’autant plus fort lorsque c’est Ariane qui porte ces valeurs d’unité, d’harmonie, d’intégrité, de créativité et d’innovation. "Être Rothschild, c’est savoir que rien n’est acquis et que tout est à entreprendre… Avec passion." confie-telle à Erik Orsenna pour Les Échos. Passion qu’elle consume avec Edmond de Rothschild Héritage, la branche art de vivre du groupe. Hôtels de luxe, vignobles français et étrangers, ferme, fromagerie… Au Château de Malengin, la cuvée Ève est élevée à 50 % en amphores. Anticonformiste et déterminée, Ariane poursuit également avec détermination son engagement à travers les activités philanthropiques des Fondations Edmond de Rothschild.

Marc Munier