Valorisations stratosphériques, chiffres d’affaires dopés par les confinements, politiques publiques en leur faveur, les Gafam et les BATX règnent en maîtres sur le monde du digital. Leurs successeurs sont également dans les starting-blocks. La concurrence pour les Européens, motivés à rattraper leur retard, promet d’être rude.

Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft ont changé le quotidien de milliards de personnes. Ces champions technologiques ne sont pas les seuls puisque sur un autre continent, l’Asie, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) règnent en maîtres sur le marché du digital depuis leurs bureaux chinois. Point de nuages à l’horizon pour ces mastodontes qui continuent malgré les efforts des Européens à creuser l’écart. Et la nouvelle génération au pays de l’Oncle Sam et au sein de l’empire du Milieu a également de quoi donner des cheveux blancs au Vieux Continent. Selon un rapport annuel de GP Bullhound sur le sujet, parmi les 26 entreprises de plus de 50 milliards de dollars de valorisation (appelées "les titans") – liste qui se chevauche en partie avec celle des Gafam –, 15 sont américaines et neuf viennent de Chine. Une seule est née en Europe : Adyen. L’UE peut et se doit de garder espoir mais l’état des lieux montre à quel point la concurrence est rude.

Un poids renforcé par la crise

La prédominance des géants du numérique américains et chinois a été renforcée par les confinements avant que la reprise ne leur donne un coup de pouce supplémentaire. En 2020, Facebook enregistrait un chiffre d’affaires de 84 milliards de dollars (+ 21 % par rapport à 2019). Pour sa part, Amazon faisait mieux avec 38 % grâce à des ventes atteignant 386 milliards de dollars. En tout, selon les données agrégées par The Guardian, la valorisation des Gafam représente plus d’un tiers de la valorisation des entreprises du S&P 500. Bien que moins connus dans nos contrées, les BATX sont de véritables poids lourds dans le monde sinophone. L’an dernier, le géant chinois du e-commerce Alibaba réalisait un chiffre d’affaires en hausse de 42 % à 72 milliards de dollars. L’année fut également belle pour le spécialiste de l’électronique Xiaomi qui, en 2020, annonçait une hausse de ses revenus de 20 % à 38 milliards d’euros. Et la réussite des mastodontes de la tech n’est pas qu’une question d’ancienneté sur leurs marchés, ni une mainmise qu’il serait impossible de déboulonner. GP Bullhound revient sur le cas de Pinduoduo, une plateforme de e-commerce chinoise née en 2015 dont la valorisation dépassait en 2020 les 72 milliards de dollars, lui permettant d’intégrer le club des titans.

Des gouvernements pro-tech

Cette réussite est notamment le fruit d’environnements propices au développement de pépites. Ce qui passe par de bonnes universités, une culture du numérique, de solides places financières mais également par une politique volontariste des pouvoirs publics, quand elle n’est pas protectionniste. Barack Obama, par exemple, ne s’est jamais caché de soutenir la Silicon Valley. Lorsque les Européens ont commencé à vouloir légiférer pour mieux encadrer les Gafam afin de protéger leur économie, le 44e président américain a déclaré que "si l’Europe tape sur Google et Facebook, c’est qu’elle ne peut pas nous concurrencer". Donald Trump, pour sa part, semblait se montrer beaucoup moins enclin à défendre les spécialistes du numérique avec qui il avait des désaccords sur des sujets comme l’immigration ou les droits de douanes. Dans les faits, la présidence de l’ex-star de la téléréalité a été favorable aux sociétés technologiques puisqu’elles ont bénéficié de la dynamique boursière ou encore de la réforme fiscale.

"Si l'Europe tape sur Google et Facebook, c'est parce qu'elle ne peut pas nous concurrencer" (Barack Obama)

Le cas de la Chine diffère quelque peu. Bien que la République populaire ait fait de la technologie l’un des fers de lance de sa croissance, les gouvernants serrent désormais la vis. Ils se sont lancés dans une vague réglementaire. Car, si les mastodontes de la tech servent l’économie, leur montée en puissance – parfois vertigineuse – fait peur à l’État. Or, Le parti doit être servi par le privé et non l’inverse. Ainsi Alibaba a-t-il annoncé en septembre dernier qu’il créerait un fonds de 13 milliards d’euros afin de soutenir les PME et d’augmenter les revenus des travailleurs pauvres du secteur numérique. Un peu plus tôt, en avril, Tencent s’engageait à verser 13 milliards d’euros, notamment au profit de l’éducation. De quoi, là encore, nourrir le terreau propice à la tech à travers une forme de cercle vertueux.

Lobbying en Europe

Les Européens, de leur côté, se montrent de plus en plus déterminés à faire émerger leurs propres géants. L’objectif ? Doper leur économie et gagner en souveraineté face à des titans qui agrègent les données sur les citoyens et les entreprises. Une étude publiée en août 2021 par Corporate Europe Observatory et LobbyControl révèle les montants dépensés par la Big Tech pour peser sur la législation européenne. Pas de doute, les Gafam assurent leurs arrières : Google se hisse en haut du tableau avec 5,75 millions d’euros, suivi par Facebook (5,5 millions), Microsoft (5,25), Apple (3,5) ou encore Huawei (3) et Amazon (2,75). "La puissance de feu croissante des lobbies des grandes entreprises technologiques et de l’industrie numérique dans son ensemble reflète le rôle énorme et croissant de ces secteurs dans la société", explique l’étude qui précise que la tech dépense davantage en la matière que la pharma, la finance, les énergies fossiles ou la chimie. Ce qui en dit long sur son poids dans le monde et les enjeux à venir.

Olivia Vignaud

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