Comme beaucoup d’entreprises du retail, l’entreprise de prêt-à-porter Grain de Malice affronte une forte concurrence et un avenir bien incertain pour le secteur de l’habillement. Pourtant elle réussit à se redresser et à innover, y compris malgré la crise sanitaire. Nicolas Guffroy, son leader finance, nous explique les enjeux auxquels le retail, dont Grain de Malice, est confronté.

Décideurs. Grain de Malice, l’enseigne de prêt-à-porter, était en grande difficulté. Quelles ont été les raisons de cette situation économique ?

Nicolas Guffroy. L’entreprise a une histoire complexe. Elle a changé d’enseigne plusieurs fois, ce qui n’a pas facilité certaines décisions. Ensuite, elle est allée très vite sur des marchés étrangers où elle n’avait ni poids ni notoriété. Ce qui a engendré plus de coûts à l’international que de revenus. Plutôt que d’être efficace sur son marché d’origine, elle s’est dispersée. De plus, le réseau des magasins n’était pas tenu, pas performant avec, par voie de conséquence, des indicateurs économiques mauvais.

Fin 2016, un plan de sauvegarde de l’emploi et de restructuration a été déclenché. Pourtant, Grain de Malice réussit à mener un redressement rapide sur un marché extrêmement compétitif, comment cela s’est-il passé ?

Une restructuration présente deux volets. D’un côté, il y a la performance économique et de l’autre, le repositionnement marketing, tous deux, capitaux. En arrivant peu après, en 2017, j’ai vécu deux moments forts : l’exécution du plan et le traumatisme des équipes. Un PSE n’est jamais anecdotique. Il faut rassurer les employés, leur redonner confiance, surtout dans le cadre d’une entreprise dont le management s’est libéré. C’est le cabinet Prospheres, avec Philippe Favre et Pierre-Henri Besse, qui a repris la direction générale de la société et mené la restructuration. Ils ont commencé par fermer des magasins non rentables et supprimer des postes jugés non nécessaires ou en doublon. En réduisant ces coûts, le résultat s’est amélioré très rapidement.

Ensuite, le recentrage sur la cliente a été essentiel. Nous nous sommes positionnés plus clairement et fermement vers une femme active de plus de 45 ans, un segment de marché où la compétition reste moindre et où la clientèle est plutôt stable et fidèle. Aussi, malgré un plan social assez lourd,  les équipes en interne ont adhéré à l’intervention, correctement réalisée, de Prospheres. À partir du moment où les salariés sont remobilisés, tout se passe bien. Dès 2018, nous retrouvions des résultats positifs. À croissance comparable, nous étions alors à 8 %, surperformant un marché qui avoisinait une croissance nulle.

Une certaine crainte touche l’avenir du retail. Comment la percevez-vous ?

La situation est délicate, car des acteurs qui ne distribuaient qu’en e-commerce, montent maintenant des chaînes de magasins et adopte une stratégie omnicanal. Les commandes sur Internet ne peuvent pas répondre à tous les besoins et une partie des consommateurs ne sont toujours pas prêts à délaisser les établissements physiques. Toutefois, nous notons une forte augmentation sur le Web qui prend de l’ampleur et une baisse des fréquentations du réseau physique. C’est là qu’un important problème émerge. Celui de notre structure de coûts. Le retail doit investir dans le Net, ce qui engendre des dépenses, tout en continuant à payer les baux élevés des points de vente, qui ne s’ajustent pas à la baisse d’affluence. Il faut développer notre structure Web, la rendre attractive alors même qu’il n’est pas facile de commander de l’habillement sur Internet. Nous devons trouver le moyen de déclencher l’achat de vêtements sur le net, trouver des solutions et des services innovants.

La forte concurrence est-elle en cause ?

Le retail a toujours été fortement soumis à la concurrence et cela ne va pas s’arranger. À l’avenir, il faudra donner du sens pour nos clients. C’est déjà une réelle tendance sociétale. Ils n’ont plus envie de consommer n’importe quoi ou n’importe comment. Le secteur du textile est particulièrement visé car une partie de la marchandise peut venir de loin. Nous faisons très attention aux usines avec lesquelles nous travaillons, pour offrir des matières nobles, plus naturelles, tout en n’excédant pas les dépenses pour rester sur des prix raisonnables. Si une enseigne revendique une qualité des produits, il faut s’y mettre réellement, sinon elle sera éjectée du marché.

Aujourd’hui, quels sont vos objectifs ou votre stratégie ?

Notre plan de développement est ancré sur l’ouverture de magasins en affiliation et sur la croissance du Net, les deux principales sources de notre chiffre d’affaires. Malgré la situation sanitaire, notre parc de points de vente affiliés se porte bien, il n’y a eu aucune défaillance et nous continuons à en ouvrir d’autres, au nombre d’une dizaine pour cette année. Plus de 15 sont prévus l’année prochaine. Ainsi, nous nous inscrivons dans une dynamique de croissance. Mais, nous devons être très vigilants en matière d’achats auprès de nos fournisseurs, pour posséder le bon produit quand il le faut et bien gérer nos affiliés, le réseau d’établissements et le e-commerce, tout en restant agile et habile. Il ne suffit pas de détenir une stratégie, il faut également savoir l’exécuter bien et vite.

Propos recueillis par Agathe Giraud

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