Parts Holding Europe (AutoDistribution), groupe européen spécialiste de la distribution indépendante de pièces détachées automobiles, a remarquablement passé la crise sanitaire. Christophe Gouthière, son directeur général finances, revient sur le développement de son entreprise, ses motivations ainsi que sa stratégie de réussite.

Décideurs. Vous arrivez à la tête des finances d’AutoDistribution (PHE) en 2010, juste après la mise sous mandat ad hoc du groupe. Quelles ont été vos premières missions ?  

Christophe Gouthière. J’ai été recruté par le fonds d’investissement qui avait repris le contrôle post-restructuration. Dans un premier temps, je n’ai pas eu de sujets très financiers à gérer. L’intérêt important pour moi était de mobiliser l’ensemble de l’équipe sur toutes les priorités opérationnelles. Entre 2010 et 2014, pour redonner des fondamentaux solides à l’entreprise, nous nous sommes concentrés sur tous les leviers d’amélioration de la profitabilité, de clarification des modèles.  

Nous nous sommes largement préoccupés de la logistique, essentielle à notre secteur. Notre métier consiste à disposer de la bonne pièce au bon moment pour la vendre au garagiste. Ainsi, nous avons mis en place des circuits d’approvisionnement très performants, constitués de plateformes qui regroupent la plupart de nos références et de nos entrepôts et sites régionaux, au nombre d’environ 300 en France. Puis, nous avons travaillé sur une meilleure efficacité de notre organisation, tout en gardant un effectif constant. L’ensemble de ce plan s’est traduit par une amélioration significative de l’Ebitda.  

Enfin, reconsidérer la situation financière de l’entreprise passait également par l’amélioration du besoin en fonds de roulement. Là encore, nous avons travaillé sur tous les leviers, en particulier l’encaissements clients et les niveaux de stocks adaptés à notre stratégie de disponibilités produits. À partir de 2014, nous atteignions la phase suivante, celle de l’expansion et de la mise en œuvre d’acquisitions à l’international pour y parvenir.  

En 2019, vous reprenez Oscaro.com alors en grande difficulté, comment cette transaction et sa restructuration se sont-elles déroulées? Quels constats en ressort-il ?  

Oscaro.com est – et a toujours été – le leader de la vente de pièces détachées en ligne. Le fondateur a créé cette activité en France, d’une manière absolument incroyable. Objectivement, en 2010 et 2011, ce modèle faisait vraiment du tort aux distributeurs B2B de l’époque. Quand nous avons repris cette société, elle était en très grandes difficultés financières mais dans une bonne situation commerciale, opérationnelle et logistique. 

Les principales difficultés résultaient de sa gestion. Un plan de redressement a été mené. Dès l’acquisition fin 2018, nous nous sommes concentrés sur la clarification de l’offre, la structure de coûts et de prix, de manière à générer, de nouveau, une bonne rentabilité de l’activité. En outre, nous avons préféré limiter la croissance du chiffre d’affaires afin de nous concentrer sur un chiffre d’affaires rentable. Il a fallu également travailler sur le transport. Ainsi, la société, qui était en perte nette en 2018, est redevenue profitable en 2019, et s’est consolidée en 2020.  

En tant que plateforme de commandes en ligne, Oscaro.com a globalement moins pâti de la crise sanitaire que notre business B2B. Toutefois, le site a été pénalisé par des difficultés d’acheminement et de livraison des pièces liées aux arrêts d’activité des transporteurs. Mais, aujourd’hui, notre niveau d’activité est revenu à la normale. Nous poursuivons donc notre plan de redressement, qui continuera avec les mêmes perspectives en 2021.  

Parts Holding Europe a connu une chute de 8,5  % de son chiffre d’affaires au premier semestre 2020. AutoDistribution a subi un recul plutôt modéré de son activité. Comment l’expliquez-vous ? Quelle a été votre stratégie  pour retrouver le niveau d’avant crise ?  

Cette année, jusqu’à la mi-mars, nous connaissions une croissance organique très forte, entre 4 % et 5 %, surperformant un marché plutôt stagnant, autour d’1,5 %. C’était une très belle croissance. Puis, avec la crise, entre le 15 et le 31 mars, nous avons encaissé une chute de 80 % de notre chiffre d’affaires.  

"Fin mai, l’activité était revenue au niveau de l’année dernière."

Notre stratégie a été de maintenir notre activité pendant le confinement, contrairement à la plupart de nos concurrents. Nous sommes une entreprise citoyenne, nécessaire aux déplacements de la première ligne. Il y avait un réel besoin de réparations et de pièces disponibles pour tous les services publics tels que les soignants, les services d’urgence (pompiers, polices…) mais également pour la deuxième ligne, telle que les services de transports routiers ou les salariés qui travaillaient dans les entreprises encore en fonctionnement. Malgré une baisse au début, nous sommes repassés en avril et mai à plus de 50 % de notre chiffre d’affaires, par rapport à l’année précédente. Fin mai, l’activité était ainsi revenue au niveau de l’année dernière. Nous poursuivons notre croissance du chiffre d’affaires supérieure à celle du secteur et avons gagné des parts de marché et des nouveaux clients.  

Ainsi, il ressort qu’une société saine sur ses fondamentaux et robuste, même si elle connaît forcément un creux pendant la crise, peut repartir après comme auparavant. Cela a été notre cas et nous restons confiants pour la fin de l’année.  

Un nouveau refinancement de la dette a été réalisé par votre entreprise, à la fin du premier semestre. Comment celui-ci s’est-il mis en place ?  

Le dernier financement date de juillet dernier. Nous avons levé 300 millions d’euros pour rallonger la maturité de notre dette à plus long terme et ainsi sécuriser notre structure financière pour l’avenir. L’objectif consiste à repousser les échéances de la dette, jusqu’à 2025, et utiliser les revenus générés par notre activité, pour poursuivre notre plan de développement. Ce n’est qu’une première tranche et pour refinancer l’ensemble de la dette, nous serons sans doute amenés à lancer de nouvelles tranches.   

En quoi consiste ce plan de développement ?  

Notre projet est toujours le même. Celui d’être le leader européen du secteur face aux américains. Désormais, nous faisons 1,9 milliard de chiffre d’affaires annuel. L’idée est d’étendre notre expansion géographique aux pays limitrophes de la France. Déjà présent en Belgique, en Italie, aux Pays bas et en Espagne, l’idée est d’une part, de renforcer le maillage de PHE dans les marchés où nous sommes déjà présents, tels qu’en Italie par exemple, et d’autre part, à poursuivre l’expansion sur d’autres marchés. Ainsi, c’est grâce à l’acquisition d’un distributeur en Catalogne que nous sommes entrés en Espagne en 2019. Désormais, pour devenir d’ici à 5 ans environ le leader espagnol, nous souhaitons poursuivre le rachat des distributeurs membres du réseau. Concernant le B2C, nous avons la même volonté d’extension territoriale.  

Propos recueillis par Agathe Giraud