Explicitement visé par l’adoption de la taxe Gafa, Amazon a choisi de riposter. En prévoyant de répercuter le coût du nouvel impôt sur les vendeurs français utilisant sa plateforme, le géant américain du e-commerce annonce la couleur. Une attitude qui pourrait bien faire des émules.

L’annonce du vote de la taxe Gafa le 11 juillet par la France avait suscité une levée de boucliers de la part des firmes du numérique concernées. Une inquiétude largement relayée par Donald Trump qui voit dans l’instauration de ce nouvel impôt un risque de discrimination de certains groupes américains du secteur comme Google, Apple, Facebook, Amazon, Instagram ou Airbnb notamment. Pour trancher cette question, le président a annoncé qu’une investigation était en cours outre-Atlantique. Ni le locataire de la Maison-Blanche ni les firmes visées n’auront pourtant attendu les conclusions de cette enquête pour riposter.

Les vendeurs français pénalisés

Parmi la trentaine de groupes qui devront dorénavant s’acquitter d’un impôt, non pas sur le chiffre d’affaires, mais sur le bénéfice réalisé sur le territoire français, c’est Amazon France qui a dégainé le plus vite. Dans un communiqué, la filiale française dirigée par Frédéric Duval annonce son intention de transférer cette nouvelle charge fiscale sur ses vendeurs à compter du 1er octobre. « À la suite de l'instauration en France d'une nouvelle taxe sur les services numériques, […] nous serons contraints d'ajuster les taux de nos frais de ventes sur Amazon.fr », est-il précisé. Concrètement, les vendeurs hexagonaux se verront donc appliquer une hausse de 3 % des commissions qui leur sont prélevées afin d’absorber le manque à gagner que représente pour le groupe l’instauration de la fameuse taxe.

« Pas d’autre choix »

Pour justifier cette décision, c’est un argument purement commercial qu’avance Amazon. Opérant dans « le secteur très concurrentiel et à faible marge du commerce de détail » et réalisant par ailleurs de nombreux investissements, le groupe affirme n’avoir « pas d’autre choix que de répercuter [cette taxe sur les entreprises avec lesquelles il travaille] ». Une attitude qui place de facto les sociétés françaises utilisant les services de la plateforme en position de désavantage concurrentiel vis-à-vis de leurs homologues étrangères.

Reste à espérer que la décision d’Amazon ne fera pas d’émules.

La décision d’Amazon France est un coup dur pour le gouvernement. Il sera en effet difficile de justifier cette hausse des prix imposée indirectement aux entreprises hexagonales alors même que l’objectif de la taxe Gafa demeure de parvenir à plus de justice fiscale. Il n’est d’ailleurs pas impossible que les sociétés françaises décident à leur tour de répercuter la hausse de prix sur les consommateurs. Reste donc à espérer que la décision d’Amazon ne fera pas d’émules.

Tensions diplomatiques et représailles commerciales 

Une chose est sure, la contre-attaque d’Amazon ne va pas apaiser les relations diplomatiques déjà tendues entre l’Hexagone et les États-Unis sur le sujet. Depuis le vote de la taxe Gafa, Donald Trump laisse planer le doute quant à l’adoption de sanctions commerciales à l’encontre de la France. Après avoir moqué la « bêtise » d’Emmanuel Macron en référence à l’adoption définitive du nouvel impôt, le président américain distille des menaces à peine voilées. À en croire ses dernières déclarations, c’est le vin français qui serait dans son viseur. Confronté à cette situation critique, le gouvernement français s’efforce de rester stoïque et assure le service après-vente rappelant le bien-fondé de sa taxe alors que les géants du Web payent 14 points d’impôts de moins que les autres entreprises. Une posture légitime qui pourrait cependant devenir particulièrement difficile à tenir si d’autres firmes emboîtaient le pas à Amazon. Le bras de fer entre Washington et Paris ne fait que commencer.

Sybille Vié