Le report de 90 jours d’une nouvelle hausse des tarifs douaniers imposés par les États-Unis aux importations chinoises permet un apaisement de court terme de leurs relations. Mais l’intensité de la guerre commerciale qui fait rage entre les deux pays fait douter d’un véritable armistice.

Les États-Unis et la Chine sont parvenus, en marge du G20 qui s’est déroulé la semaine dernière en Argentine, à un accord provisoire sur l’épineuse question des tarifs douaniers, principale arme dans la guerre commerciale à laquelle se livrent les deux pays. Dimanche 2 décembre, Donald Trump annonçait qu’aucune nouvelle taxation des importations venues de l’empire du Milieu n’aurait lieu d’ici à début 2019.

La menace d’une nouvelle hausse des droits par les États-Unis planait sur cette fin d’année – et sur les relations entre les deux super-puissances économiques. Le président américain, Donald Trump, n’a jamais caché ni ses velléités de protectionnisme ni ses critiques envers la politique commerciale de la Chine et ses petits accommodements avec les règles de bonne conduite définies par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Salves douanières

Une première salve avait été tirée en janvier puis en septembre dernier avec l’application d’une taxe de 10% sur l’équivalent de 250 milliards de dollars d’exportations chinoises vers les Etats-Unis. En réponse, Pékin avait décidé de taxer pour 110 milliards d’exportations américaines vers son territoire.

Ces premières mesures, dont les effets économiques se sont déjà fait sentir sur l’économie chinoise et, dans une moindre mesure, américaine, pourraient être suivies de nouvelles : les États-Unis ont fait savoir qu’ils réfléchissaient à augmenter les droits existants de 10% à 25%. Une telle menace, réaffirmée par Donald Trump dans un entretien publié le 26 novembre dernier dans le Wall Street Journal, ne pouvait que refroidir les relations entre Pékin et Washington et laissait craindre un G20 sous tension. Pékin espérait quant à elle obtenir un report de ces mesures, au premier trimestre 2019.

Décidé à obtenir la « clémence » du président américain, Xi Jinping lui a donc donné quelques gages de bonne volonté, dont la réduction des taxes imposées aux automobiles américaines importées des Etats-Unis. Pour rééquilibrer la balance commerciale entre les deux pays, il s’est engagé à acheter un montant non spécifié de biens américains, agricoles comme manufacturés. Au passage, il a promis de lutter contre la production et l’exportation illégale vers les États-Unis de fentanyl, un puissant opioïde qui y fait des ravages.

Intérêts bien compris

Le délai du 1er mars 2019 accordé par le président américain à son homologue chinois est censé permettre aux deux pays de trouver un accord sur plusieurs points litigieux : les États-Unis espèrent ainsi que la Chine va revoir sa politique en matière de propriété intellectuelle et de transfert de technologies ; l’empire du Milieu, quant à lui, souhaite pouvoir continuer à exporter à son gré vers les consommateurs américains.

Les concessions de Xi Jinping vont permettre à la Chine de gagner un peu de temps. Les dernières données économiques laissent entrevoir un ralentissement sensible de la croissance chinoise, et une opposition frontale avec Washington sur la question des droits de douane tombe à un bien mauvais moment. Le président chinois a donc à la fois gagné un peu de temps et fait montre de sa bonne volonté, lui qui a repris l’antienne de la défense du libre-échange face à une politique américaine de plus en plus protectionniste.

Du côté américain, cet accord est présenté avec tous les atours d’une grande victoire diplomatique. Le président Trump a fait du « made in America » et de la lutte commerciale contre la Chine l’un de ses principaux chevaux de bataille. Toute avancée dans ce sens – même de façade – est une petite victoire sur le front intérieur et auprès de l’opinion publique. Reste à savoir si un rééquilibrage de la balance commerciale entre la Chine et les États-Unis est possible sur la longue durée. Les usines américaines peuvent difficilement concurrencer les bas coûts de leurs homologues chinois. Et elles sont de plus en plus régulièrement surpassées par la montée en gamme et technologique de l’empire du Milieu.

Une trêve, non pas un armistice

Donald Trump a profité de cette accalmie sur le front sino-américain pour changer de cible, en s’en prenant aux exportations européennes – et tout particulièrement de vin et d’automobiles – vers les États-Unis. Le dossier USA-UE est toujours ouvert, et si l’Union européenne a jusqu’à présent réussi à calmer les ardeurs protectionnistes de Trump, les régulières mises en garde venues de la Maison-Blanche font craindre de nouvelles discussions houleuses dans les mois à venir. C’est ce que rappelait le président américain dans l’interview accordée au Wall Street Journal : « Il ne s’agit pas simplement de la Chine. Il s’agit aussi des autres », à savoir l’Europe, le Mexique ou le Canada.

Certains secteurs européens espèrent cependant toujours profiter de la confrontation douanière entre la Chine et les États-Unis, et de l’augmentation des barrières douanières, en proposant des biens et des services moins chers – car moins taxés – aux deux combattants.

La reprise de cette guerre commerciale ne devrait cependant pas tarder, d’autant que, de part et d’autre, les enjeux dépassent le simple cadre commercial. Dès lundi, doutes et critiques fleurissaient dans les déclarations des officiels aussi bien chinois qu’américains. Malgré les déclarations fracassantes de Donald Trump sur Twitter, Pékin pourrait renâcler à baisser ses taxes sur les importations de véhicules américains. Quant aux achats massifs de produits estampillés « made in USA », le plus grand flou règne tant sur leur nature que sur leur montant. La guerre commerciale sino-américaine pourrait donc reprendre bien avant le 1er mars 2019.

Cécile Chevré