Obnubilées par le sacro-saint statut de licorne, les start-up souhaitent lever toujours plus d'argent... au risque de créer une bulle. Pour les principales concernées, l’enjeu est alors de sortir de cette spirale au bon moment.

Valorisée 3,8 milliards d’euros en 2014, Uber en vaut désormais 70, soit une hausse de 1 689 % en moins de trois ans ! La plus grande des licornes n’en finit pas d’affoler les compteurs. Mais elle n’est pas la seule. Sur la même période, Xiaomi, le constructeur d’électronique chinois, Didi Chuxing, le concurrent asiatique d'Uber, et Airbnb ont levé respectivement 38 milliards, 29,5 milliards et 27,5 milliards de dollars. Aujourd’hui, dix-huit licornes sont déjà valorisées à plus de six milliards de dollars. Plus impressionnant encore, le nombre de « petites » licornes, valorisées entre un et trois milliards de dollars, est passé de 122 à 157 en seulement un an. Au total, ces start-up hors norme lèvent environ 100 milliards de dollars par an.

Le soleil brille toujours plus haut

Des sommes astronomiques qui fait craindre la formation d’une bulle autour des licornes. Mary Jo White, l’ancienne présidente de la Securities and Exchange Commission, n’a pas hésité à monter au créneau pour indiquer le risque d’une dérive inflationniste, allant jusqu’à se référer à l’éclatement de la bulle internet de2001. Frédéric Mazzella, président et fondateur de Blablacar, l’une des plus prometteuses licornes françaises, n’en demeure pas moins lucide : « La valorisation est une ombre, tout dépend d’où est le soleil. » Pour le moment, le soleil brille toujours très haut. Les grands fonds continuent d’investir massivement : tout d'abord parce qu’ils en ont les moyens – les liquidités à placer atteignant des sommets. D’autre part, ils savent qu'une valorisation élevée facilite le développement de l’entreprise en attirant les meilleurs salariés et en offrant une visibilité auprès du grand public. Lever beaucoup d’argent est l’élément indispensable pour créer un cercle vertueux.  

Si cette bulle explose, ce ne sera donc pas en raison d'une revente massive de titres, les licornes étant en effet mieux protégées par rapport à ce type de scénario : les fonds sont des investisseurs de long terme. Le risque de volatilité se révèle donc beaucoup moins important. Mais la question d’une juste valorisation se posera néanmoins au moment de la sortie, qu’elle se fasse par une cession à un industriel ou une introduction en Bourse – les récents échecs d’introduction en Bourse de Solar Direct ou Deezer en témoignent – mais aussi pour d’éventuelles levées de fonds successives. Il est difficile pour une licorne de maintenir les intérêts des premiers actionnaires. Et certains fonds, comme l’américain Fidelity, ont déjà dû procéder à d’importantes dépréciations d’actifs.

Ce paramètre de la sortie est même crucial. L’important est d’avoir le bon timing. Au vu du marché actuel, entrepreneurs et investisseurs estiment qu’ils peuvent encore attendre pour maximiser la valorisation et tirer le profit le plus élevé. Cela n’est bien sûr pas sans risque. L'exemple de Snapchat reste le plus parlant : après avoir hésité à s’introduire dès 2014 pour une valorisation de 1,5 milliard de dollars, la start-up a finalement décidé d’attendre. Bien lui en a pris, trois ans plus tard, elle faisait une entrée fracassante sur le New York Stock Exchange en levant 3,4 milliards de dollars pour une valorisation totale de 17 milliards de dollars. Le lendemain, son cours s’envolait de 44 % et la valorisation atteignait 31 milliards de dollars. Pourtant, cinq mois plus tard, le charme était rompu : sa valorisation avait fondu de douze milliards de dollars. Uber qui réfléchit à une introduction en Bourse pour 2019 devrait retenir la leçon : la magie des licornes n’est pas éternelle.

V. P.

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