Par Florence Lafforgue, managing director. Accenture
Grâce à leur implication, qui a permis à leur entreprise de traverser la dernière crise économique sans trop de dommages, l’influence des directeurs financiers s’est étendue bien au-delà de la fonction finance. En effet, les responsables financiers d’aujourd’hui ont vocation à jouer un rôle majeur dans le processus de décision stratégique qui permet à une entreprise de se transformer.

Parmi les différents clichés à l’œuvre au sein de la fonction finance, peu sont aussi dépassés que celui du comptable qui ergote pour des «?queues de cerises?». Il suffit d’examiner brièvement le cadre de travail actuel des directeurs financiers pour comprendre pourquoi.

Une influence croissante
Prenons par exemple le fabricant d’outils Black & Decker, dont le directeur financier mène actuellement une transformation profonde du processus de pilotage de la performance. Il a changé le processus de prévisions pour l’appuyer sur les moteurs des ventes plutôt que sur les tendances financières. De plus, en adoptant une approche multidimensionnelle de l’analyse de performance et en exploitant au maximum la puissance de l’analyse prédictive, la société s’organise désormais autour de processus plus efficaces et plus transparents. Cet exercice a mis en avant les compétences du directeur financier en matière de gestion du changement dans ce projet complexe, qui suppose l’harmonisation de quelque 90 ERP distincts.
Parmi les bénéfices attendus pour la société : une diversification du portefeuille d’activités et une hausse du chiffre d’affaires d’environ 30?% d’ici à cinq ans. On est loin des «?queues de cerises?». Jusqu’à une période récente, les responsables financiers ne jouaient qu’un rôle limité dans la prise de décisions stratégiques, et étaient peu impliqués dans les phases de transformation de leur entreprise. Certes, on attendait d’eux qu’ils assument les conséquences financières de la stratégie décidée par la direction générale, mais la plupart exerçaient une influence limitée au périmètre de la fonction finance.
Or, ce n’est plus le cas. La crise a placé les directeurs financiers en première ligne. Pour surmonter ces défis, les sociétés devaient exiger les compétences les plus efficaces en matière de baisse des coûts. Et nombre de directeurs financiers se sont ainsi avérés excellents dans la course méthodique à l’optimisation des processus. De fait, leur réussite a permis aux entreprises de renflouer leur trésorerie et de dégager de confortables bénéfices.
Des réussites qui ont contribué à améliorer le statut des directeurs financiers et à accroître leur influence au sein de l’entreprise. Accenture et Oracle ont récemment interrogé plus de 900 responsables financiers – un échantillon représentatif englobant de multiples secteurs d’activité – 71?% ont répondu qu’ils disposaient aujourd’hui d’une influence stratégique nettement supérieure à ce qu’elle était trois ans plus tôt ; près des deux tiers (65?%) ont déclaré exercer une influence accrue sur l’élaboration et la mise en place de la stratégie de l’entreprise et près de la moitié (47?%) ont indiqué que leur influence sur les mesures de transformation de l’entreprise était devenue plus importante.

Acteurs de la transformation de l’entreprise
Après s’être distingués comme des précurseurs au sein de leur propre fonction pendant la crise, les directeurs financiers les plus efficaces profitent aujourd’hui de la revalorisation de leur statut pour se positionner comme les champions de la transformation de leur entreprise.
Le directeur financier de la société de services pétroliers Baker Hughes, à l’origine du plan de restructuration financière «?One Baker Hughes?», a initié un projet conçu pour homogénéiser la finance, mais aussi les fonctions de planification et d’élaboration budgétaire, à l’échelle du groupe. À ce jour, le programme a permis d’économiser 50?millions de dollars de coûts salariaux annuels, et de réduire les frais financiers de 35?%. Plus significatif peut-être, cette opération a fait du directeur financier un acteur de poids au sein de l’équipe dirigeante, avec une vision précise sur les domaines d’activité les plus rentables sur lesquels investir en priorité.
Citons également l’exemple du laboratoire pharmaceutique spécialisé en dermatologie Galderma, qui a considérablement amélioré la fiabilité de ses prévisions et étendu l’horizon de la projection financière, en intégrant dans une approche de bout en bout les fonctions ventes, production, R&D et marketing dans le processus de planification financier et opérationnel.

Catalyseurs du changement
Partout dans le monde, l’influence des directeurs financiers est indéniablement en hausse. De fait, des compétences financières deviennent une condition préalable essentielle à l’exercice des fonctions dirigeantes d’une société.
Des études menées récemment font ressortir une très forte croissance des recrutements de directeurs généraux dotés d’une expérience préalable en gestion financière : aujourd’hui, leur part atteint 23,5?% contre 13,2?% seulement en 2012. D’ailleurs, les derniers exemples en date de directeurs financiers devenus directeurs généraux de très grandes entreprises – parmi lesquelles Siemens et Burger King – confortent l’impression que les directeurs financiers ont leur place assurée au sein de l’équipe dirigeante.
Le défi futur du directeur financier sera de piloter la croissance du chiffre d’affaires, et non plus la seule rentabilité, ce qui exigera une approche de transformation stratégique plus audacieuse et moins hostile au risque que celle souvent pratiquée.
En outre, en tirant parti d’une analyse approfondie des données pour obtenir les renseignements pointus dont ils ont besoin pour identifier les vecteurs de croissance réellement rentables, et en jouant un rôle central dans la mise en place des structures de services intégrées de l’entreprise qui leur conféreront la dextérité nécessaire pour saisir ses opportunités de croissance, cette nouvelle génération de dirigeants est en train de démontrer sa valeur en tant que catalyseurs de changements structurels radicaux.