Par Nicolas Delannoy, responsable AT/MP. Atequacy
La réforme de la tarification accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP), entrée en vigueur de façon progressive à partir de 2012, avait pour objectif de rendre celle-ci plus simple et plus lisible. Deux ans après, le constat est implacable : les cotisations versées par les entreprises au titre des AT/MP continuent à augmenter de façon inexorable.

Jusqu’à 2012, le coût des risques professionnels était répercuté, au centime d’euro près, sur le calcul des cotisations. Ainsi, chaque euro exposé par l’Assurance Maladie au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, qu’il s’agisse de frais de pharmacie, de frais d’hospitalisation ou d’indemnités journalières, était très exactement repris pour calculer le taux de cotisation AT/MP de l’entreprise.

Une réalité bien éloignée des ambitions initiales

Depuis 2012, les coûts réels laissent progressivement la place à une grille établie par la CNAMTS fixant annuellement des coûts forfaitaires pour les sinistres, en fonction de leur durée d’arrêt et des secteurs d’activité des employeurs. Après la décision de réformer ainsi le système de tarification, l’Assurance Maladie a multiplié les opérations de communication auprès des entreprises, en partie pour présenter de façon pédagogique le nouveau dispositif, mais surtout pour en assurer la promotion : le nouveau système serait plus lisible, permettrait de prévoir rapidement l’impact futur de chaque sinistre et serait le fidèle reflet de la sinistralité réelle de l’entreprise. Déjà, Atequacy avait mené des études sur de nombreux cas clients, qui indiquaient que le simple passage des coûts réels à un mode forfaitisé entraînait, à périmètre égal, une hausse des cotisations de 5 à 10?%. Il nous semblait donc que les promesses fortes faites aux entreprises ne seraient vraisemblablement pas tenues. Dans les faits, à l’aube de sa troisième année, la réforme n’a pas convaincu. En effet, la transparence souhaitée n’est toujours pas au rendez-vous : en l’absence de communication précise de la Caisse Nationale, il est difficile de comprendre comment les coûts forfaitaires sont établis et réévalués chaque année. En définitive, bien qu’évoluant fondamentalement, le nouveau mode de tarification des risques professionnels conserve tous les travers que l’Assurance Maladie reprochait à l’ancien système. Et le bilan ne s’arrête pas là : la réforme a également entraîné une augmentation conséquente des cotisations AT/MP.

En 2014, la quasi-totalité des secteurs d’activité touchés par l’augmentation des taux AT/MP
Après les fortes augmentations constatées lors de la publication de l’arrêté ministériel du 19 décembre 2012 fixant les coûts forfaitaires des sinistres professionnels pour l’année 2013, les entreprises françaises espéraient que les montants revus pour 2014 seraient plus cléments… mais c’est peine perdue. Pour la troisième année consécutive, les coûts forfaitaires des indemnités temporaires et des capitaux représentatifs de rente, établis selon la moyenne nationale de leur secteur d’activité, démontrent le souhait de l’Assurance Maladie de faire participer les entreprises françaises au financement de la branche. Rétrospectivement, les chiffres annoncés pour l’année 2013 avaient laissé un goût amer aux entrepreneurs français, avec une augmentation de 92 valeurs sur 100 par rapport à celles applicables pour la tarification 2012. Pour 2014, le constat est en tout point identique : 92 valeurs augmentent alors que seulement 7 font l’objet d’une révision à la baisse. Et ces quelques révisions à la baisse ne permettent pas de compenser les hausses constatées : la majorité d’entre elles n’excèdent pas 1?% alors que les hausses peuvent culminer jusqu’à 20?%. Ainsi, les entreprises relevant du CTN G «?Commerces non alimentaires?» bénéficient d’une baisse de 5 € du montant forfaitaire pour la tranche 91 à 150 jours d’arrêt de travail (de 8 316 € à 8 311 €) alors que le montant forfaitaire d’une rente d’incapacité permanente partielle (IPP) d’au moins 40?% augmente de 27 269 € (de 370 648 € à 397 917 €). La seule baisse significative concerne les entreprises du BTP qui voient le coût d’une rente abaissé de 151 399 € à 138 275 €… mais uniquement pour leurs personnels relevant des activités de bureau. Les coûts des rentes relatifs au gros œuvre et au second œuvre augmentent respectivement de 5?% et 4?%. Si l’Assurance Maladie garantissait, lors de la mise en place de cette tarification forfaitaire, que celle-ci n’aurait aucune incidence sur la variation des taux de cotisation, force est de constater que nous sommes loin du compte.

Une tendance qui dure
Entre les montants retenus pour les taux 2012 et ceux notifiés pour 2014, l’augmentation moyenne des montants forfaitaires est de l’ordre de 5?%, ce qui n’est pas sans incidence sur le calcul des cotisations AT/MP. Le constat est sans appel : sur cette même période, les moyennes de chaque tranche forfaitaire, toutes activités confondues, n’ont cessé d’augmenter, ces réévaluations allant de 2?% à 12?% selon le nombre de jours retenus. L’étude de l’évolution des coûts forfaitaires des AT/MP entre?2012 et?2014, révèle que les augmentations les plus conséquentes concernent les tranches forfaitaires les plus onéreuses pour les entreprises.
Le système forfaitaire amène déjà par nature un principe de mutualisation des coûts au sein d’une même tranche, mais les revalorisations permanentes des coûts forfaitaires pénalisent toujours plus les entreprises concernées par les sinistres dans les parties basses des tranches. Ainsi, un sinistre relativement courant entraînant 5 mois d’arrêt coûte autant qu’un sinistre entraînant un arrêt de plusieurs années : la volonté de l’Assurance Maladie de permettre aux entreprises de valoriser leurs efforts en matière de prévention pour la santé et la sécurité de leurs salariés n’est plus qu’un mirage.

Un bilan particulièrement décevant pour les entreprises
Après trois années de mise en œuvre, la tarification forfaitaire n’a pas permis aux entreprises une meilleure maîtrise du coût des AT/MP ; la combinaison des nouvelles règles de calcul implique une indiscutable augmentation du coût des risques professionnels depuis leur mise en œuvre, jusqu’à aujourd’hui. La réévaluation annuelle des montants de chaque tranche forfaitaire, la majoration de ces montants en prévision de l’apparition d’hypothétiques rechutes, l’application rétroactive des montants publiés sur les années antérieures ou l’impact en une seule fois des sinistres, qui n’autorise plus un lissage sur plusieurs années, sont autant d’éléments permettant d’affirmer que le coût des sinistres professionnels va continuer à augmenter, mais également de s’interroger sur l’objectif réel de la réforme de la tarification des risques professionnels.