Entretien avec Daniel Benchimol, président et fondateur, Eurogiciel
Décideurs. Comment rester indépendant dans le monde à forte concentration des sociétés de services ?

Daniel Benchimol. Nous avons pu garder notre indépendance grâce à trois facteurs. Le premier est que nous avons eu une croissance maîtrisée dans le sens où nous avons pu supporter son financement. Le deuxième est que, avec une stratégie multiniche, nous n’avons pas besoin d’avoir 20 000 salariés en Inde. Enfin, le dernier facteur est que notre capital reste ouvert aux salariés présents au comex. Chaque année, nous réalisons un plan d’actions gratuites. Cela a aussi le mérite de fidéliser et motiver le management en l’impliquant plus quant à l’avenir de la société. Au final, nous sommes fiers de l’être, mais cela n’est pas un objectif en soi.

Décideurs. En terme de chiffre d’affaires, quel est votre objectif ?

D. B. Nous avons réalisé en 2011 un chiffre d’affaires de 63 millions d’euros. Notre objectif est d’atteindre les 100 millions d’euros d’ici à 2014 au plus tard. Nous souhaitons avant tout faire mieux que la moyenne de notre marché qui se situe aux alentours de 2,5 % de croissance par an. Nous sommes sur des secteurs à forte valeur ajoutée, ce qui nous permet de nous démarquer de nos concurrents. Les grands généralistes ont par exemple beaucoup plus souffert de la crise. Aujourd’hui, avec un positionnement multiniche, nous en sortons même renforcés.

Décideurs. Comment comptez-vous faire pour atteindre cet objectif ?

D. B. Nous poursuivrons la stratégie menée ces dernières années. Nous allons mêler croissance externe et organique. Ainsi, à court terme, nous n’excluons pas d’acheter d’autres sociétés. Toute acquisition doit nous permettre de pénétrer un nouveau marché en améliorant notre offre de service auprès de nos clients. Ce fut par exemple le cas avec le rachat d’Evosys, société spécialisée dans l’aéronautique. Nous avons alors pu compléter nos activités historiques dans l’aéronautique avec la création d’un pôle dédié au métier de l’ATC (air trafic control) et de l’ATM (air trafic management).

Décideurs. À l’international, quels sont vos projets ?

D. B. Dans des métiers globaux comme les nôtres, la dimension internationale est par définition essentielle. Au départ, nous avons développé notre présence en Europe afin d’accompagner nos clients là où ils se trouvent. Aujourd’hui, notre démarche a un peu changé. Nos filiales sont désormais de plus en plus indépendantes et travaillent avec leurs propres clients locaux. L’idée est bien sûr qu’il y ait des synergies fortes entre nos différents bureaux.

Nous avons également une filiale en Tunisie pour gérer certains projets low cost. Il est important de pouvoir proposer des services aux coûts moindres. Nos clients nous le demandent de plus en plus avec la crise. Les pays émergents constituent aujourd’hui une nouvelle étape dans notre développement à l’international.

Décideurs. Pour vous, quelle est la principale source d’inquiétude pour votre métier ?

D. B. Nous exerçons un métier de prestation intellectuelle qui est malheureusement très peu reconnu. On ne pense pas à nous en terme de valeur ajoutée. Pourtant, nous permettons d’améliorer l’organisation et la compétitivité de nombreuses entreprises. Avec la concurrence internationale et la crise, une pression de plus en plus forte se fait sentir sur les prix. Le tarif horaire d’un ingénieur peut parfois être inférieur à celui d’un plombier. Résultat, le métier n’attire plus et il est difficile de recruter de tels profils. Ces derniers délaissent le secteur industriel et préfèrent se spécialiser en conseil en stratégie ou en finance. À moyen terme, cela peut vraiment devenir problématique.

Décideurs. En tant que président d’une ETI, quelle est votre vision du management ?

D. B. Ayant débuté cette aventure en tant que petite structure, je base mes relations sur un mode collaboratif. Tout le monde est libre de proposer sa vision. Pour moi, c’est un moyen important pour assurer un bon échange entre les différentes équipes. Nous ne devons pas être cloisonnés. Bien sûr, travailler en mode collaboratif ne veut pas dire qu’il n’y a pas de hiérarchie. Elle existe de fait mais nous essayons de nous en servir le moins possible afin de favoriser la confiance au sein de mes équipes et entre les cadres dirigeants et les salariés.