Il y a un mois, le 16 février 2022, les deux textes visant à renforcer la protection des lanceurs d’alerte déposés par Sylvain Waserman trouvaient une conclusion heureuse dans les deux chambres du Parlement. Le Conseil constitutionnel vient d’en valider l’essentiel des dispositions, exception faite de l’amendement qui prévoyait de sanctionner par une amende civile les plaintes abusives destinées à faire taire les lanceurs d’alerte.

D’un côté, la loi organique renforçant le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte. De l’autre, la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte. C’est sur ces deux propositions de loi, adoptées le 16 février dernier, que le Conseil constitutionnel a dû se prononcer, dans deux décisions parues le 17 mars 2022. Déposés par le député Sylvain Waserman en juillet 2021, ces deux textes viennent transposer la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des lanceurs d’alerte. Sylvain Waserman, dans les derniers instants de la navette parlementaire, s’était dit très satisfait des textes votés : "Le dialogue nous a poussés dans nos retranchements, pour élaborer un texte plus juste, plus solide." 

Loi organique conforme

Le Conseil constitutionnel juge conforme la proposition de loi organique relative au renforcement du rôle du Défenseur des droits. Avec une réserve : le texte prévoit qu'un adjoint chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte soit placé auprès du Défenseur des droits sur proposition de ce dernier et après validation de la proposition par le Premier ministre – conformément à l’article 11 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. Ces dispositions “assurent l’indépendance du Défenseur des droits”, juge le Conseil constitutionnel. Mais, poursuit-il, “cette indépendance implique que le Premier ministre mette également fin aux fonctions de l'adjoint chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte sur la proposition du Défenseur des droits”.

Retoquage sur les procédures baillons

Le projet de texte améliorant la protection des lanceurs d'alerte, lui, a été en partie censuré pour des questions de procédure. La disposition censurée ? Un amendement introduit en première lecture qui visait à lutter contre les procédures baillons – les procédures engagées par les entreprises contre une ONG ou un individu pour le dissuader de s’exprimer. La disposition prévoyait concrètement de modifier l’article 392-1 du Code de procédure pénale pour permettre au tribunal constitutionnel, en cas de relaxe du lanceur d’alerte, de condamner la partie civile à une amende civile lorsque les juges estiment qu’ils ont été saisis d’une plainte abusive ou dilatoire. Pour le Conseil constitutionnel, cet amendement introduit en première lecture ne présente pas de lien, même indirect, avec l’article de la proposition de loi initiale qui évoque les représailles et procédures bâillons ni, plus largement, avec l’ensemble du texte. Les Sages condamnent donc ce cavalier législatif qui, s’il avait été envisagé pendant l’ébauche de la proposition de loi, aurait sans doute pu participer à renforcer la protection des lanceurs d’alerte. Les deux lois ont été publiées dans le Journal officiel du 22 mars.

Anaëlle Demolin et Olivia Fuentes