En un an (entre juillet 2020 et juin 2021), le nombre de créations de nouvelles boutiques d’avocats a bondi, s’élevant à 65 contre 24 l’année précédente. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène inédit.

Les créations de cabinets n’ont jamais été aussi nombreuses que lors de cette période si particulière qui court de la fin du premier confinement à la veille de l’été 2021. Chaque année, ce chiffre s’élève autour de 20. Ils étaient 16 en 2018, 24 en 2020, le marché a connu un pic en 2019 avec 30 ouvertures de boutiques, mais cela était exceptionnel. Cette année, parmi les avocats qui se sont décidés ou qui ont été incités à changer de maison, beaucoup ont sauté le pas en fondant leur propre structure. Quels sont les éléments remarquables de ce constat ?

Cristalliser les tensions entre partners

Tout d’abord, le nombre d’avocats qui étaient déjà associés dans leur précédente maison est important. Il s’élève à 27,7 % des nouvelles boutiques cette année. Cette proportion n’est pas inhabituelle, il est fréquent qu’un tiers environ des nouvelles structures soient fondées par des associés. Mais en valeur absolue, le nombre s’élève à 18 : soit autant d’enseignes récemment créées par des avocats expérimentés qui ont décidé d’exercer selon leurs propres règles. L’année 2020 a vu la naissance de cabinets ouverts par des avocats particulièrement reconnus sur le marché. Les créations de Dammann Avocat en restructuring, Audit Duprey Fekl en contentieux des affaires, Fréget Glaser & Associés en droit économique ou encore de Gaillard Banifatemi Shelbaya Disputes, Sarrailhé Intlaw et Mayer Greenberg en arbitrage ne sont pas passées inaperçues.

Cette tendance fait écho au constat réalisé en fin d’année dernière : la crise sanitaire et les conditions de travail imposées par le gouvernement ont cristallisé les tensions entre partners, qui sont allés jusqu’à la rupture. Les difficultés financières entraînées par la fermeture des tribunaux et les retards de paiements des honoraires ont mis à mal les trésoreries fragiles. Le besoin de solidarité, d’éthique et de flexibilité a parfois primé sur l’attrait de la rémunération.

Les associations se font et se défont

Ensuite, en regardant à la loupe le positionnement de ces nouveaux cabinets, il est étonnant aussi de constater que la plupart des matières du droit des affaires sont représentées, là où, chaque année, c’en est une qui l’emporte largement : en fonction du contexte économique, il s’agit du corporate/M&A, du contentieux, de l’IP/IT, du droit social… Cette année les demandes des entreprises ont été reléguées au second plan en raison du caractère inédit de leur situation économique, les avocats ayant décidé de s’exprimer. Ainsi retrouve-t-on aussi bien des boutiques de droit immobilier, de droit public, de PI et de droit social que de transactionnel, de restructuring et de droit pénal. Enfin, la proportion de femmes à la tête de ces structures est remarquable : 43 d’entre elles sont fondées entièrement ou en partie par des avocates. Cela représente les deux tiers des créations de cabinets.

Reste à garder à l’esprit que le marché des avocats d’affaires est très mouvant. Profession viscéralement indépendante et fondée sur la relation intuitus personae avec les clients, les associations se font et se défont à un rythme soutenu. Aucun chiffre n’est avancé quant au nombre de structures qui fêtent leur 10 ou leurs 20 ans d’existence, mais une chose est sûre : parmi les enseignes fraîchement créées entre l’été 2020 et l’été 2021, beaucoup ne survivront pas à l’évolution naturelle de l’exercice du métier.

Pascale D'Amore

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