Plus de 300 professionnels, essentiellement restaurateurs, nous font confiance pour résoudre les litiges relatifs à l’indemnisation de leur perte d’exploitation dans le cadre de la crise sanitaire Covid-19. Dans ces dossiers, la médiation est un outil efficace, apportant satisfaction aux deux parties. Retour d’expérience sur ce cas d’usage.

Par Guillaume Aksil et Manuel Meneghini, associés du cabinet Lincoln Avocats Conseil

Lorsqu’un assuré nous sollicite pour l’aider à résoudre un différend avec son assureur, c’est la plupart du temps avec l’idée d’aller croiser le fer devant les tribunaux. La médiation n’est que rarement abordée spontanément par nos clients. Au contraire, ils sont généralement surpris lorsqu’ils apprennent que c’est la première action que nous mènerons pour leur compte.

La résolution amiable n’est pas encore bien installée dans les esprits. Moins médiatique que les procès, elle souffre probablement d’un manque de visibilité. Le législateur s’emploie pourtant à favoriser le règlement extrajudiciaire des litiges depuis plusieurs décennies. Afin de désengorger les tribunaux et parce qu’il sait le dispositif efficace. La médiation est institutionnalisée dans le droit de la consommation, le droit de la santé, le droit de la famille... Et dans le domaine de l’assurance, le Médiateur de l’assurance, initialement chargé d’aider les particuliers à trouver des solutions amiables, a vu son champ d’action étendu aux contrats d’assurance professionnelle, depuis un accord entre Bercy et les assureurs en décembre dernier.

Outre ces institutions publiques, des médiateurs d’affaires exercent aussi leurs talents pour éteindre les conflits. Ce sont souvent d’anciens avocats d’affaires, des administrateurs judiciaires ou des juges consulaires, comme Yves Lelièvre, ancien président du tribunal de commerce de Nanterre. Rompus à la négociation, ils guident les parties vers la transaction qui saura les satisfaire afin d’éviter le passage devant le tribunal tout en garantissant l’accès au droit dans un cadre apaisé.

La médiation, la conciliation et plus généralement les modes amiables de règlements des conflits sont également régulièrement mis en avant par monsieur le vice-président du tribunal judiciaire de Paris, monsieur Fabrice Vert.

Souple et rapide : la médiation regorge d’atouts pour les assurés

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés à se faire indemniser par son assureur, ses revendications portent sur son droit à être indemnisée selon les garanties souscrites et sur le montant de l’indemnisation. Le facteur temps est un paramètre supplémentaire à ne pas négliger. Les restaurateurs contraints par la fermeture administrative, même s’ils bénéficient d’aides étatiques, sont nombreux à être en difficultés financières. 

Il ne s’agit donc plus seulement d’être indemnisé, mais d’être indemnisé rapidement.

"Sur la question des pertes d’exploitation, la quasi-unanimité des assureurs est dans le dialogue. Un seul a une position de principe négative"

Lorsque nous assignons les assureurs dans les litiges sur la perte d’exploitation, il faut patienter plusieurs mois avant d’obtenir un jugement de première instance (sans compter un éventuel appel de la décision). Alors qu’une médiation n’a pas vocation à durer. Elle se déroule selon un calendrier précis et il n’est pas rare de parvenir à la signature d’un protocole d’accord en trois ou quatre semaines, avec un décaissement effectif de l’indemnité en général dans les quinze jours de la signature du protocole.

Comme chacun le sait, pour réussir une médiation, les deux parties doivent être prêtes à négocier et à faire des concessions. Ici, nous jouons à plein notre rôle de conseil, pour guider nos clients vers des modalités et des montants que nous estimons raisonnablement acceptables, eut égard au contexte et aux usages afin d’aider le client dans sa prise de décision. Depuis un an et sur certains types de contrats, nous avons vu que certains restaurateurs étaient prêts à faire de fortes concessions.

L’indemnisation obtenue est bien souvent certes plus faible que si elle avait été imposée par un juge, mais c’est le prix à payer pour la rapidité et éviter l’aléa judiciaire.

Gardons également en tête que s’engager dans une résolution amiable n’implique pas de renoncer à la voie judiciaire. C’est se donner une première chance de réussir rapidement à résoudre le conflit.

Côté assureur : régler les litiges en toute discrétion 

De notre expérience de plus de dix ans dans le droit des assurances, nous pouvons affirmer que la médiation est un dispositif très apprécié. Tout particulièrement dans les litiges nés de la crise sanitaire.

Nous avons analysé 800 contrats d’assurance de restaurateurs, commerçants et industriels. Dans la plupart des cas, il n’y a rien à réclamer. Dans 25 % à 30 % des cas (selon les secteurs), la garantie perte d’exploitation est mobilisable. La rédaction du contrat manque parfois de clarté, ce qui en droit des assurances doit bénéficier aux assurés. C’est donc sans surprise que la quasi-unanimité des assureurs est dans le dialogue. Un seul a une position de principe négative.

Les protocoles d’accord comportent le plus souvent une clause de confidentialité. C’est un avantage de taille sur un sujet aussi sensible que les difficultés des entreprises nées de la crise sanitaire. En effet, les compagnies d’assurance tiennent des discours les plaçant dans la position d’un partenaire des professionnels. Le risque, certes difficile à appréhender, d’entacher sa réputation en portant les litiges devant les tribunaux vaut-il la peine d’être pris ? C’est le choix qu’a fait AXA en refusant catégoriquement d’indemniser les restaurateurs, invoquant une clause d’exclusion dans ses contrats. Au 3 mai 2021, nous avons recensé 115 jugements de tribunaux de commerce sur ces contrats. Ils se sont prononcés dans 78 % des cas en faveur des restaurateurs, avec une indemnisation moyenne de 82 000 euros. Avec plus de 15 000 restaurateurs couverts par ce contrat AXA en France, les enjeux économiques sont significatifs pour l’assureur… Mais quid de l’impact à plus long terme sur son image ?

S’engager dans la médiation en bonne intelligence, avec un assuré satisfait de l’accord obtenu, c’est permettre de garder de bonnes relations, d’éviter la rupture du contrat et de préserver sa réputation.

Les avocats friands de médiation ?

Pour de nombreux avocats dont nous avouons faire partie, la médiation a longtemps été un sujet pour lequel nous avions peu de considération. L’expérience nous a fait prendre conscience de sa valeur. La médiation, au-delà d’être un dispositif relativement normé, est aussi un état d’esprit. Ce n’est pas pour rien que nous avons choisi de nommer "Give Peace a Chance" la société que nous avons créée en 2018, et qui édite la plateforme indemnisation-assurance.com.

Il est souvent reproché aux avocats de vouloir à tout prix "faire du contentieux", mais rappelons que nous sommes aussi les victimes de la lenteur de la justice.

Tout avocat qui fait du contentieux au quotidien est le premier convaincu qu’il faut tout faire pour l’éviter.

Les dossiers qui durent longtemps ne sont ni les plus rentables ni ceux qui apportent le plus de satisfaction à nos clients. Parvenir à un protocole d’accord qui satisfait les deux parties a tout autant, si ce n’est plus, de saveur qu’une victoire arrachée en justice.

 

LES POINTS CLÉS

  • •  La tentative de médiation est une phase obligatoire avant le procès.
  • •  Les avocats sont des acteurs clés de la résolution amiable des litiges.
  • •  La médiation est un processus rapide, efficace et économique.
  • •  Quasiment tous les assureurs consentent à négocier avec leurs clients sur l’indemnisation de la perte d’exploitation, lorsque la garantie figure au contrat ou lorsque le contrat n’est pas clair.
  • •  En tant qu’avocats, nous sommes de fervents partisans de cette méthode de résolution des litiges, qui gagnerait à être mieux valorisée.

 

SUR LES AUTEURS

Guillaume Aksil et Manuel Meneghini, associés du cabinet Lincoln Avocats Conseil, interviennent en droit des assurances, auprès d’une clientèle essentiellement composée de professionnels. Ils ont fondé en 2019 la plateforme indemnisation-assurance.com qui accompagne la résolution des litiges entre les assurés et leurs compagnies d’assurance.