Revenus sur le devant de la scène en 2020, alors que les marchés étaient chahutés, les produits structurés ne sont pas la panacée, loin de là à en croire Guillaume Lucchini. Le président de Scala Patrimoine alerte sur un pari risqué, pas toujours payant et souvent très gourmand en frais.

Décideurs. L’engouement autour des produits structurés vous paraît-il justifié ?

Guillaume Lucchini. Oui, mais il faut être précis dans les termes ! Les produits structurés ont toujours été vendus comme un moyen d’investir sur les marchés en intégrant une barrière de protection pour limiter la perte en capital. Aujourd’hui encore, ils sont présentés par ceux qui les commercialisent comme une alternative aux fonds euros dont la rémunération est aujourd’hui proche de zéro. Or, c’est un abus de langage de parler de capital protégé dans le cadre d’un produit structuré. En effet, la protection n’est garantie que jusqu’à un certain seuil défini par avance à -30 %, -40 % ou -50 % de l’indice de référence. De plus, elle n’opère que sur une échéance longue puisqu’il faut compter a minima huit ans de durée de placement pour que cette protection s’applique. Ces précisions ont une importance cruciale. Cela étant dit, dans une conjoncture de marchés volatiles ou baissiers, les produits structurés peuvent incarner des produits sécurisants, typiquement recherchés par les personnes averses au risque. L’engouement pour ce type de produits en 2020 était donc assez compréhensible. 

La réussite ou l’échec d’un investissement sur un produit structuré dépend-il en grande partie du market timing ?

Bien sûr ! Le moment est clé dans la réussite de ce type de placement. En revanche, je ne pense pas qu’une période agitée soit le meilleur moment pour investir dans un produit structuré. Par exemple, il n’y avait pas tellement d’intérêt à investir en avril 2020 en prenant un coupon de 6 % ou 7 %, alors que les marchés avaient déjà beaucoup baissé. En effet, dans ce contexte, si le produit ressort positivement, on peut espérer obtenir une rentabilité de 20 % ou de 30 % si on était resté sur les marchés. Dans ce cas, l’intérêt est plus psychologique que financier : l’investisseur se rassure en se disant détenir un produit dont le capital est protégé en partie. Or, à l’époque, la probabilité pour que les marchés s’effondrent davantage et durablement était très mince ! Les épargnants optent très souvent pour des produits structurés lorsque les marchés sont chahutés. Mais ce n’est pas dans ces périodes que la prime de risque du placement est la plus intéressante. Certes, le produit structuré est ainsi amorti mais la plus-value qu’ils auraient pu réaliser autrement, en basculant d’un placement des produits de taux vers des investissements en action par exemple, aurait été bien plus importante. De plus, quand les marchés sont hauts, la problématique du rappel est centrale. Une forte baisse peut engendrer pour le client une période de blocage de son argent plus ou moins importante.

"C’est un abus de langage de parler de capital protégé dans le cadre d’un produit structuré"

Le produit structuré est un peu le mouton à cinq pattes : ceux qui y recourent veulent investir sur les marchés tout en protégeant leur capital. Ce sont pourtant deux notions antinomiques. Selon moi, mieux vaut privilégier les marchés financiers avec une vraie gestion active.

Il faut également reconnaître qu’au-delà de leur forte illiquidité, les produits structurés ne brillent pas par leur transparence. Les politiques tarifaires appliquées sur ces placements se caractérisent en effet par une grande opacité. À dire vrai, c’est une manne financière significative pour ceux qui les commercialisent, sous couvert d’une pseudo garantie du capital.

Anticipez-vous une augmentation des défaillances sur les produits structurés au cours des prochains mois ?

Ce qui est certain, c’est que les émetteurs ne sont pas toujours de bonne qualité. Or, les produits structurés sont des placements complexes, nécessitant une grande expertise. Certains CGP recourent à des mandataires qui ne sont pas forcément bien formés à ces sujets et s’avancent rapidement sur des rendements de 8 % garantis. Il y aura donc nécessairement de la casse dans un futur proche. Des questions peuvent aussi se poser en cas de décès du souscripteur puisque le produit sera alors liquidé à sa valeur à la date du décès, sans notion de protection du capital. 

"Les produits structurés ne brillent pas par leur transparence"

Quels conseils donneriez-vous aux épargnants qui s’intéresseraient aux produits structurés ?

Tout d’abord, il faut se rapprocher d’un CGP indépendant, capable de concevoir un produit structuré sur mesure. Son indépendance lui interdisant de recevoir la moindre rétrocommission, il ne facturera à l’épargnant qu’un honoraire correspondant à la préparation du dossier et du produit. De plus, il faut veiller à la diversification de son portefeuille et garder en tête qu’il s’agit d’un actif risqué. Les produits structurés ne doivent pas représenter plus de 10 % à 15 % du total de ses actifs. Enfin, attention à ne pas se laisser séduire par un seul "effet marketing".

Propos recueillis par Sybille Vié