Rares sont les cabinets d’avocats français à s’être installés en Chine. Simon Associés fait partie de ce petit cercle grâce à la présence dans le pays de son associée Lara Boursier et à son alliance avec la firme locale aux 10 000 avocats Yingke. Retour sur une stratégie gagnante.

Décideurs Juridiques. Depuis le début de la crise, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de la France notamment grâce à la vente de produits médicaux. Cela a-t-il eu un impact sur vote activité ?

Lara Boursier. Oui, la France et la Chine sont des partenaires commerciaux historiques, l’augmentation des échanges entraîne une recrudescence de sujets juridiques et litiges, réglés par la voie judiciaire ou de l’arbitrage, parfois sur des opérations ou des projets situés dans des zones reculées de la Chine. À cela s’ajoute la suspension de nombreux deals locaux et internationaux au moment du confinement. La Chine, en étant l’unique économie majeure à enregistrer un taux de croissance positif cette année, reste une opportunité de développement pour les entreprises étrangères innovantes qui s’inscrivent dans le quatorzième plan quinquennal du dix-neuvième Comité central. Ce sont aujourd’hui de nouveaux projets d’installation ou de partenariat qui naissent et sur lesquels nous travaillons.

Et pour cela, l’intégration à la culture chinoise est fondamentale…

Plus que jamais. Nous avons déjà notre propre équipe biculturelle et nous avons la chance de travailler chaque jour avec des avocats chinois et ce sont eux qui sont plébiscités sur nos dossiers en plus de notre propre savoir-faire.

Comment Simon Associés est-il parvenu à s’implanter en Chine ?

Par persévérance et intégration. La Chine interdit l’inscription d’avocats étrangers aux barreaux locaux. Il ne nous est pas possible de conseiller en droit chinois. Cependant, nous avions besoin d’être présents sur place pour accompagner notre clientèle d’entrepreneurs et d’investisseurs il y a quinze ans déjà. Nous avons fait le choix d’une implantation aux côtés d’un cabinet local disposant des ressources et d’un déploiement territorial et partageant nos valeurs et notre vision de développement. Yingke, c’est plus de 10 000 avocats dans 91 villes, ce qui en fait le cabinet numéro un au monde en effectif.

Comment se traduit cette alliance ?

Grâce à cette alliance avec Yingke, nous travaillons de manière très efficace en étant intégrés sur place à Pékin au sein de leur département international qui réunit une trentaine d’avocats à Pékin et plus de 300 personnes consacrées à l’international au sein du groupe. Ils ont développé un service de réponse juridique en une heure partout dans le monde. Et ça marche ! Alors que nous étions installés il y a peu de temps encore dans la périphérie de Pékin, nous avons déménagé dans la tour principale du centre-ville, des locaux tout neufs qui favorisent la collaboration notamment grâce aux nouvelles technologies. Tous les matins, je suis accueillie par un robot qui, le soir, s’occupe de vider nos poubelles. C’est un autre monde !

Quel est votre statut en Chine ?

Installée dans le pays depuis plus de neuf ans, j’exerce en qualité d’associée du cabinet Simon depuis Pékin avec mon équipe de collaborateurs franco-chinoise basée en France et en Chine. Je suis inscrite au barreau de Paris exerçant principalement en Chine et au barreau local en tant qu’avocate étrangère. Mon activité est portée par Yingke, c’est-à-dire que mon équipe est intégrée dans leurs équipes au sein des locaux et nous bénéficions des mêmes conditions de travail qu’un avocat chinois.

Comment s’organise votre activité ?

Nous travaillons sur des dossiers en Chine pour lesquels nous pouvons solliciter nos partenaires de Yingke, implantés dans les 91 bureaux locaux, en fonction de leur savoir-faire et du secteur d’activité. Et grâce à la présence de Yingke aux États-Unis (la firme a plusieurs bureaux), nous intervenons quel que soit le fuseau horaire.

Nous intervenons aussi auprès d’une clientèle chinoise lorsqu’elle a besoin de notre savoir-faire en droit français, en nous appuyant sur les équipes Simon Associés complémentaires multispécialités, 200 avocats déployés dans une vingtaine de villes au sein de nos territoires.   

Comment décririez-vous votre rôle auprès de votre clientèle ?

Traditionnellement, nous faisons le "go-between" entre nos clients français et chinois, une position d’autant plus stratégique que la Chine se dote de plus en plus d’un arsenal juridique enrichi et complexe. Les entrepreneurs étrangers ont besoin de conseils qui comprennent leur problématique et qui maîtrisent le mandarin, l’environnement des affaires en Chine et qui connaissent la culture chinoise. La situation idéale est celle d’un accompagnement dès leur installation sur place, mais nous intervenons aussi lorsque la relation commerciale se dégrade. Et ce, parfois jusqu’à la fermeture. Il vaut mieux parfois affronter les désagréments d’une fermeture, dont l’encadrement législatif a d’ailleurs été assoupli, afin de préserver la réputation de l’entreprise.

Qu’en est-il de votre clientèle locale ?

Grâce à l’alliance Simon-Yingke, nous intervenons de plus en plus sur des dossiers 100 % chinois. Le mandarin est la langue des contrats commerciaux et du contentieux en Chine. Il vaut mieux le maîtriser plutôt que de procéder à des traductions sources d’interprétation.

Enfin, sur l’axe de développement de la Chine à l’international, nous accompagnons les entreprises chinoises dans leurs projets d’investissement en France, en Europe ou encore en Afrique, notamment sur des opérations d’acquisition, de restructuration ou de financement. Pour cela, nous nous appuyons également sur le savoir-faire de Simon Associés, notre réseau et notre capacité à mettre en relation les acteurs du M&A international grâce notamment à des outils innovants.

Finalement, qu’est-ce qui vous distingue des autres cabinets étrangers présents en Chine ?

Vis-à-vis de nos concurrents français, notre atout est notre partenariat avec Yingke puisque cela nous permet d’accompagner nos clients français en toute sécurité et de développer notre clientèle chinoise, nous avons les ressources pour les accompagner. Nous avons créé le Yingke-Simon China Center en 2017 consacré à ce développement. Pour ce qui est des cabinets américains, ils sont malmenés depuis quelque temps car touchés par le contexte politique. Et leurs homologues anglais ne font plus partie de l’Europe, ce qui nous favorise. Finalement, en misant sur notre connaissance du terrain en France et en Chine associé à notre éthique et notre déontologie, nous avons des opportunités de développement en Chine !

Propos recueillis par Pascale D'Amore