Didier Migaud a été nommé à la tête de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, le 30 janvier 2020. Il revient pour Décideurs sur le déroulement de sa prise de fonction et préconise des réformes afin de permettre à l’institution d’améliorer la confiance existant entre responsables publics et citoyens.

Décideurs. Vous avez été nommé président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en janvier 2020. Comment s’est passée votre prise de fonction ? Quelles sont vos priorités ?

Lors de ma prise de fonction, j’ai pu mesurer le travail réalisé par mon prédécesseur, Jean-Louis Nadal et par le collège de la Haute Autorité. Les nouvelles exigences relatives à la probité des responsables publics sont aujourd’hui solidement ancrées dans les esprits. Je souhaite continuer à promouvoir une transparence utile en renforçant la prévention, l’accompagnement et les moyens de contrôle.

L’actualité française est en ce moment riche en affaires. Avez-vous néanmoins constaté une évolution positive de l’état de la moralisation de la vie publique depuis la création de la Haute Autorité en 2013 ?

La Haute Autorité a contribué à l’amélioration de la confiance entre les citoyens et l’État à travers ses missions notamment de contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts des plus hauts responsables publics. Les élus se sont approprié les obligations de transparence et dans la majorité des cas, les obligations déclaratives sont correctement respectées.

Les maires des communes de plus de 20 000 habitants élus cette année ont jusqu'à fin août pour remettre à la HATVP leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts. Comment vous êtes-vous organisés en interne pour effectuer les contrôles ?

Il faut d’abord rappeler que la Haute Autorité mène ses contrôles dans un processus continu de dialogue et de conseil, dans le respect d’une stricte confidentialité. Elle s’attache également à distinguer parmi d’éventuelles erreurs celles susceptibles de constituer des manquements délibérés.

S’agissant des contrôles, nous vérifions en premier lieu que les délais de dépôt de déclaration sont respectés. À défaut, nous engageons la procédure d’injonction prévue par la loi et celle-ci peut conduire à une saisine des autorités judiciaires en cas de refus.  

"Le dispositif d’encadrement du lobbying nous semble restrictif et complexe..."

Ensuite, nous examinons les déclarations de situation patrimoniale déposées par les élus avant leur prise de fonction afin de prévenir des risques de conflits d’intérêts. Un second contrôle est effectué à la fin de leur mandat dans le but de détecter un éventuel enrichissement illicite. Pour ce faire, la Haute Autorité bénéficie d’un accès direct à quatre bases de données de l’administration fiscale. Elle peut également requérir des responsables publics toute précision quant à leurs déclarations, mais elle doit solliciter l’administration fiscale pour obtenir par exemple des informations détenues par les établissements bancaires. La Haute Autorité ne dispose pas d’un droit de communication autonome auprès des administrations et des banques dans le cadre de ses missions de contrôle.

Que pensez-vous de la nouvelle loi du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique qui renforce les missions de la HATVP, sans toutefois lui conférer un pouvoir de sanctions ?

Les nouvelles responsabilités de la Haute Autorité portent essentiellement sur les problématiques de transparence liées aux emplois stratégiques ou sensibles des responsables et agents publics. Cela concerne plus de quinze mille personnes parmi lesquelles des membres de cabinets ministériels, des directeurs d’administration centrale ou encore des directeurs généraux des services de région, département et commune. Concernant le contrôle déontologique des autres fonctionnaires qui ne sont pas directement visés par la nouvelle loi, la saisine de la Haute Autorité reste facultative et subsidiaire. En cas de non-respect de leurs obligations, les contrevenants s’exposent à des sanctions disciplinaires qu’il appartient à l’administration de faire appliquer car la Haute Autorité ne dispose pas de pouvoir de sanction propre, contrairement à d’autres autorités administratives indépendantes. C’est d’ailleurs sur ce point fondamental que nous préconisons des réformes afin de nous permettre d’infliger des amendes et apporter une réponse graduée aux différents manquements constatés.

Depuis le 30 avril 2018, les représentants d'intérêts issus d'un très grand nombre d'organismes sont tenus de déclarer leurs activités de lobbying et de s'enregistrer auprès de la HATVP. Que pensez-vous de ce dispositif ? Quel en est le but ?

Ce dispositif est encore récent et perfectible, mais son existence marque un progrès considérable dans la promotion de l’intégrité de la vie publique. Le lobbying est une réalité ancienne. Il est important de pouvoir l’encadrer et le réguler, afin qu’il s’exerce en toute transparence. Le rôle de la Haute Autorité qui gère ce répertoire est de rendre visibles et traçables les activités des représentants d’intérêts ainsi que leurs relations avec les responsables publics. Et nous constatons une appropriation progressive de cette démarche par les lobbyistes dont plus de deux mille sont inscrits à ce jour. Plus que la quantité, la qualité des informations déclarées est primordiale. Les échanges et les premiers contrôles effectués ont d’ailleurs permis d’améliorer les renseignements fournis.

"... mais son existence marque un progrès considérable dans la promotion de l'intégrité de la vie publique" 

Avant son départ, votre prédécesseur a particulièrement insisté sur le renforcement du contrôle du lobbying. Que pensez-vous de l'état actuel du dispositif ? Avez-vous des préconisations à faire en vue de son amélioration ?

Le décret d’application de la loi Sapin 2 en matière d’encadrement du lobbying nous semble restrictif et complexe. Il pourrait être amélioré sur deux points principalement : l’élargissement de la définition des lobbyistes et la simplification du dispositif. Par exemple la loi prévoit qu’un rendez-vous avec un responsable public n’est pris en compte que s’il est sollicité par un représentant d’intérêt. Cela peut apparaître insuffisant. De même, le critère de dix actions de lobbying par an, pour déterminer une activité de lobbying régulière, devrait être comptabilisé au niveau de la personne morale plutôt qu’au niveau de la personne physique.

Propos recueillis par Yannick Tayoro

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