Les marqueurs économiques de la profession d’avocat étaient une nouvelle fois en hausse, le marché de la prestation juridique florissant, les cabinets ayant déterminé le nombre d’avocats adéquat pour leur positionnement. C’était sans compter sur la crise sanitaire qui a rebattu les cartes.

Quel était l’état du marché de la prestation juridique avant la crise sanitaire ? Grâce aux données récoltées dans notre enquête annuelle, il est possible de dresser une image fidèle de la santé financière des cabinets d’avocats d’affaires en 2019, une année qui va servir de référentiel pour évaluer l’an prochain l’ampleur des dégâts causés par deux événements majeurs. D’abord le blocage des tribunaux fin 2019 en raison de la fronde contre la réforme du système de retraite. Puis la mise à l’arrêt d’un grand nombre d’activités pour la préservation de notre système de santé occupé à lutter contre le coronavirus.

Une dynamique générale remarquable

Les chiffres en premier lieu. L’édition 2020 du Décideurs 100 montre la poursuite de la croissance des niveaux de productivité : le chiffre d’affaires par avocat en 2019 (+5,6 % entre 2018 et 2019 et +12,4 % sur dix ans) et le chiffre d’affaires par associé (+6,6 % entre 2018 et 2019 et +14,8 % sur dix ans). Le total du chiffre d’affaires des 100 premiers cabinets est lui aussi en hausse (+5 % sur un an et +21,7 % sur dix ans). Ces derniers ont continué leur travail de rationalisation que l’on décèle par la légère baisse du nombre d’avocats tout statut confondu (-0,2 % par rapport à 2018) et d’associés en particulier (-1,7 %), au bénéfice des plus productifs d’entre eux.

En second lieu, l’actualité du monde des avocats d’affaires a été riche en opérations d’envergure. Les créations de nouvelles structures (voir Les faits marquants du Décideurs 100 page 29) ont été aussi nombreuses que l’an passé. Des mouvements entiers d’avocats ont même eu lieu, comme l’arrivée en décembre 2019 chez Lamartine Conseil de 8 associés en provenance d’Axten : Julie Degenève, Sophie Gsell, Lionel Hanachowicz, Rémi Hanachowicz, Clyve Monfredo, Benoît Philippe, Maryline Pic-Dehongher et Lionel Weller, accompagnés de leurs collaborateurs. Au même moment, BCLP frappait fort lui aussi en accueillant une partie de l’équipe de Franklin, 21 avocats au total dont 7 associés : Henry Ranchon, Laurent Schittenhelm, Christine Daric, Olivier Mesmin, David Blondel, Olivier Borenstejn et Jean-Pierre Delvigne. De son côté, Franklin lançait la reconstruction de son équipe entamée en septembre grâce à l’intégration très remarquée de l’ancien ministre Michel Sapin. Les arrivées se sont succédé depuis lors.

L’opération la plus importante par le nombre d’avocats concernés s’est produite quelques mois plus tôt lorsque le réseau d’audit KPMG a ouvert sa branche juridique en attirant une centaine de professionnels de chez Fidal. La création de KPMG Avocats a réussi à faire vaciller le paquebot français qui, depuis, a retrouvé sa droiture grâce au renouvellement de sa stratégie et à la multiplication d’intégrations d’équipes comme celle du cabinet Fourgoux-Djavadi & Associés, spécialiste du droit économique, ou EdP en droit de l’environnement.

L’année 2019 a aussi été celle de fusion de cabinets indépendants comme Voltaire et MGG Legal (annoncée début janvier 2020) ou Lerins BCW avec Valoris Avocats. La boutique de Sylvain Staub en IP/IT a quant à elle rejoint DS Avocats, permettant ainsi au français de coupler sa prestation juridique avec un outil digital de mise en conformité au RGPD, Data Legal Drive. L’un des événements marquants s’est produit depuis Paris en direction de l’Afrique : l’ancien associé phare et managing partner d’Orrick Rambaud Martel, Pascal Agboyibor, est à l’origine du premier cabinet d’avocats dédié au continent, Asafo & Co, qu’il a cofondé en juin 2019 avec des anciens d’Orrick mais aussi d’autres maisons comme Dentons ou McDermott en France et en Côte d’Ivoire. Depuis, la structure ne cesse de grandir et de s’implanter dans de nouvelles villes au Maroc, au Nigeria, au Kenya… La dynamique générale était remarquable, jamais le marché des avocats n’avait été aussi florissant. Jusqu’à ce que tout ne bascule.

Plan d’urgence

Le 8 janvier 2020, les avocats en grève retirent leurs robes durant le discours à Caen de la Garde des Sceaux Nicole Belloubet, qui se retrouve rapidement entourée d’une marée de tissu noir. La défense du régime autonome de retraite de la profession d’avocat restera un élément de blocage jusqu’à la déclaration de confinement du gouvernement. S’en est suivi la suspension brutale du fonctionnement des tribunaux judiciaires, laissant les avocats sans juge, et la mise à l’arrêt de nombreuses activités commerciales et industrielles. Rapidement, le Conseil national des barreaux lance une consultation auprès des 60 000 avocats de France afin d’évaluer l’impact de la crise sur leur activité. Le constat est alarmant : l’institution estime que 28 000 d’entre eux quitteront la profession dans un avenir proche (retraite anticipée, fermeture de leur cabinet, intégration en entreprise ou changement de métier).

Depuis cette annonce, le barreau de Paris a débloqué 15 millions d’euros pour venir en aide aux confrères et consœurs en difficulté. Un engagement aux côtés de la profession qui se poursuit sur un autre terrain, celui de la défense du secret professionnel. Certains des plus éminents pénalistes ont été victimes de la collecte de "fadettes", ces factures de téléphones mentionnant les appels entrants et sortants. Plusieurs d’entre eux ont été géolocalisés. Ces éléments ont été révélés par Le Point le 25 juin dernier, qui a examiné les actions menées par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (Oclciff) mandaté par le Parquet national financier dans le dossier du financement libyen de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Le bâtonnier Olivier Cousi lance une action judiciaire afin de faire reconnaître l’atteinte au secret professionnel des avocats lors de la consultation de fadettes. Le PNF s’est attiré les foudres de l’opinion publique, notamment depuis les déclarations de son ancienne patronne Éliane Houlette devant l’Assemblée nationale avouant avoir fait l’objet de pressions dans le dossier Fillon. La magistrate a laissé entendre que le temps judiciaire avait été accéléré pour rendre impossible la poursuite de la campagne du candidat LR. Des procureurs également pointés du doigt lorsque, de leur seule volonté, l’avocat représentant du bâtonnier de Paris Vincent Nioré est renvoyé en audience disciplinaire du conseil de l’ordre pour ses propos tenus lors d’une perquisition. L’affaire Nioré cristallise à elle toute seule le besoin incessant, en France, de la défense de la défense.

Pascale D'Amore

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