Le premier semestre 2020 fut très agité pour les sociétés de gestion immobilières. La période de confinement ayant eu des conséquences sur l'activité de leurs locataires, leur collecte mais aussi leurs projets d'acquisition. Jean-Marc Peter, directeur général du groupe Sofidy se confie sur cette période si singulière.

Décideurs. Les mesures de confinement prises par le gouvernement et la mise à l’arrêt de l’économie ont agi comme un révélateur de la qualité des relations entre sociétés de gestion immobilières et locataires. Comment Sofidy s’est-il adapté à cette situation ?

Jean-Marc Peter. Historiquement, nous avons fait le choix d’avoir une relation directe avec nos locataires. Soixante de nos collaborateurs sont ainsi chargés de l’asset et du property management. Nous ne faisons donc pas appel à des sous-traitants. Cette organisation est un atout en période de crise car elle permet d’adapter nos décisions à chaque situation. Les échanges ont été très fluides et constructifs avec les TPE/ PME. Les discussions furent plus difficiles avec les grandes enseignes nationales. Si le report des loyers a été systématisé par décisions étatiques pour certains secteurs d’activités, nous avons eu très peu d’annulations de loyers. Dans cette période, il est important que les intérêts des locataires et ceux des associés soient alignés. Si nous avions décidé d’accorder, par principe, des franchises de loyers aux locataires, cela serait revenu à prendre l’argent directement dans la poche de nos épargnants.

Qu’en est-il de vos projets d’acquisition ?

Les SCPI sont des organismes vivants. Elles collectent de l’argent, investissent et gèrent des actifs immobiliers. Il était essentiel lors des premières mesures de confinement de définir une position stratégique et de s’y tenir. Nous avons donc décidé de lever le stylo et de geler nos acquisitions pour conserver nos liquidités. Tant et si bien que nos quinze fonds comptent à ce jour près de 500 millions d’euros de cash destinés à être investis.

"Les discussions furent difficiles avec les grandes enseignes nationales" 

Anticipez-vous une baisse significative des rendements de vos SCPI ?

Nous avons réalisé un travail de modélisation prenant en compte des hypothèses pessimistes. Sur 2020 et 2021, les résultats sont rassurants. Dans le pire des scénarios, le taux de distribution moyen sur valeur de marché (TDVM) baisserait de 10 % par rapport à 2019. Pour notre SCPI investi en immobilier tertiaire de bureau, Efimmo, le TDVM passerait ainsi de 4,97 % à 4,50 %. Mais le pire n’est à ce jour pas l’hypothèse la plus probable. L’immobilier est un actif utile sur le plan économique. Celui-ci n’a ponctuellement pas été utilisé au cours du confinement. Cette situation n’a duré que deux mois et seule une partie de nos locataires ont dû fermer leurs locaux. Preuve en est, nos taux de recouvrement sont actuellement très bons.

Quelles ont été les incidences de cette période sur votre collecte ?

La collecte s’est maintenue à un très bon niveau au cours du premier trimestre. Et puis le Covid-19 a fait son apparition. Beaucoup de prophètes autoproclamés pensent que les bureaux et les commerces vont disparaître. Les crises sont simplement des révélateurs ou accélérateurs de tendances. Le e-commerce et le télétravail existaient déjà avant le Covid-19. Ils continueront à se développer, mais sans précipitation. Les entreprises auront toujours besoin d’un lieu pour que les collaborateurs puissent se retrouver, partager et s’investir dans des projets communs. Les bureaux constituent aussi un rempart contre l’isolement et favorisent la créativité. Le risque immobilier n’a d’ailleurs jamais été aussi bien rémunéré. Cette classe d’actifs affiche un spread attractif de près de 400 points de base. La reprise est aussi encourageante. Les restaurants et cafés à Paris sont par exemple bien fréquentés.

"Dans le pire des scénarios, le taux de distribution moyen sur valeur de marché (TDVM) baisserait de 10 % par rapport à 2019" 

Pensez-vous que les sociétés de gestion immobilière seront amenées à puiser dans leur report à nouveau pour soutenir leurs performances en 2020 ?

C’est fait pour cela. Le report à nouveau permet à une SCPI de mettre de l’argent de côté, de se constituer des réserves afin de faire face aux aléas locatifs. La crise épidémique que nous vivons me semble être le candidat idéal pour utiliser ce levier, surtout si les sociétés de gestion ne parviennent pas à récupérer l’ensemble de leurs loyers. Nous serons nous-mêmes peut être amenés à l’utiliser.

Portées par l’excellente dynamique du marché immobilier au cours de la dernière décennie, les SCPI avaient très largement revalorisé le prix de leurs parts. Faut-il désormais s’attendre à ce qu’elles fassent chemin arrière, que la valeur de leurs parts soient dévaluées ?

Je ne le pense pas. Les SCPI synthétisent une performance de l’immobilier avec un lissage des rendements et des valeurs. Dans la mesure où les SCPI évaluent leur patrimoine chaque année, le lissage est plus naturel que pour les foncières cotées qui font ce travail entre deux à quatre fois par an. Un grand nombre de SCPI n’ont d’ailleurs pas augmenté le prix de leurs parts après avoir reçu leur expertise de 2019 en tout début d’année. La correction de valeur attendue pourrait en conséquence se traduire par une non-valorisation du prix des parts. L’épidémie de Covid-19 ne devrait pas affecter outre mesure les actifs de qualité. La période que nous vivons va, à mon avis, rebâtir l’échelle de risque entre les actifs neufs bien placés et les autres. Chez Sofidy, nous ne transigeons jamais sur l’emplacement des biens dont nous faisons l’acquisition. Nos investissements se concentrent en effet sur les centres-villes de métropoles européennes. Je n’anticipe pas une baisse violente des prix. Les SCPI sont des véhicules adaptés pour traverser les cycles. Elles investissent chaque année, avec une grande régularité, ce qui leur permet d’acheter à tous les moments du cycle et donc de ne jamais se tromper.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)