Lancé en plein confinement par l’avocate Sophie Lapisardi et l’expert en design thinking Fabrice Mauléon, Lexclair dispense aux juristes des formations en legal design. Une démarche qui vise non seulement à faciliter l’accès à ses méthodes de travail, mais aussi à mieux intégrer le droit en entreprise.

L’essayer c’est l’adopter. La formule s’adapte particulièrement bien au langage juridique clair : ceux qui ont connu une expérience de legal design ont pu en percevoir les bénéfices. Ils sont nombreux à vouloir être initiés. C’est pour répondre aux sollicitations de ses confrères, des directeurs et directrices juridiques, que l’avocate Sophie Lapisardi a créé son centre de formation : Lexclair. Celle qui a élaboré sa propre méthode de langage clair en cinq ans au sein de son cabinet de spécialistes du droit public des affaires, Lapisardi Avocats, s’est associée avec celui qu’elle a rencontré tout au début de son apprentissage : le spécialiste du design thinking Fabrice Mauléon. Ensemble, ils ont conçu pour les juristes des modules de formation (quelle que soit leur structure d’exercice) à la pratique du langage juridique clair. La première édition s’est déroulée durant le confinement sous forme de webinar.

Réalisation d’une carte de l’empathie

La méthode agit un peu comme par magie : « Mon directeur général m'a indiqué qu'il avait parfaitement mémorisé notre dossier juridique sans aucun effort, puisqu'il n'avait passé que quelques minutes, la veille, à lire mon infographie », témoigne une nouvelle convertie. Sauf qu’en réalité, adapter les outils de travail au quotidien nécessite un effort intellectuel important. Travailler le texte en utilisant des mots justes, en supprimant les vocables à double ou triple sens, éviter les terminologies juridiques obscures, choisir de placer l’information principale en début de phrase, supprimer les références juridiques qui ne servent souvent que de béquilles… Les juristes rodés à ces techniques parviennent même à visualiser le travail de mise en image qui sera produit à partir du texte lors de sa rédaction. Sophie Lapisardi rappelle ses quatre objectifs : « Il faut que le lecteur trouve facilement l’information, qu’il ne relise aucune phrase, qu’il comprenne l’information et qu’il mémorise les messages clés. » Ambitieux, surtout lorsqu’on vise les consultations juridiques, les contrats ou les notes d’information relatives à une réglementation.

L’atelier découverte de trois heures est composé de 80 % de pratique. Il comprend la réalisation d’une carte de l’empathie « pour remettre l’interlocuteur au cœur du projet » et d’un test à partir d’un cas d’espèce. « La dernière étape est souvent violente pour le juriste habitué à avoir raison sans remise en cuase de son travail », avoue Sophie Lapisardi. Vient ensuite la réalisation d’infographies, d’images, de schémas à partir du texte adapté, le droit ne pouvant être délesté des mots, comme aime à le rappeler l’avocate. Et pour cela, l’intervention de Fabrice Mauléon est précieuse. L’ancien professeur de droit est un expert de la pensée design, de l’expérience utilisateur, de l’innovation digitale, de la « cartorisation » et… de la matière juridique.

Ensemble, le duo travaille à appliquer la raison d’être de Lexclair : la transmission des méthodes de travail à la communauté de juristes. Car, aux plus avancés, il dispense des ateliers immersion. L’utilisation de ce langage doit être accessible au plus grand nombre : « C’est le cours naturel des choses, le sens de l’histoire », réagit l’avocate déjà engagée auprès de ses confrères à travers l’ACE (le syndicat Avocats conseils d’entreprise). « Je ne vais plus pouvoir présenter de notes juridiques de 10 ou 20 pages sous peine de décevoir mes interlocuteurs, résume une directrice juridique convaincue lors d’une initiation par Lexclair. Adieu mes formules habituelles, "conformément à la loi...", "en application de...", les formules latines et les phrases à rallonge. Je les remplace par : empathie, canevas, langage clair et visualisation. » Une révolution !

Pascale D'Amore