Les mesures de confinement décidées pour lutter contre la crise sanitaire du Covid-19 ont provoqué l’arrêt temporaire d’une grande partie de l’activité économique et plongé l’économie mondiale dans une profonde crise. Pour soutenir l’économie, des mesures ont été adoptées par le gouvernement sur le fondement de la Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 dite « d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 », qui a consenti au gouvernement des pouvoirs extraordinaires sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire afin notamment de faciliter l’adoption de mesures d’urgence économique. En raison de la prorogation du confinement généralisé jusqu’au 11 mai 2020, le gouvernent s’est engagé à prolonger l’effet des mesures et à les renforcer pour celles qui concernent les commerces faisant l’objet d’une fermeture jusqu’à nouvel ordre (restaurants, bars, hôtels, etc.).

Les principales mesures sont ci-après détaillées, à l’exception des aides financières dont le bénéfice est réservé aux petites entreprises (TPE), aux indépendants, aux micro-entrepreneurs et aux professions libérales. Une attention particulière sera portée sur le sort des entreprises sous LBO, qui doivent faire face, dans ce contexte de crise, au remboursement de l’endettement bancaire contracté pour financer l’acquisition du groupe par un holding d’acquisition détenu par un fonds d’investissement, associés aux dirigeants et managers clé du groupe.

Un dispositif favorisant le recours à l’emprunt bancaire sous certaines conditions  

Afin de permettre aux entreprises de faire face à leurs échéances dans ce contexte de crise, le gouvernement a mis en place des mesures pour faciliter le recours à l’emprunt bancaire par les entreprises.

Le prêt bancaire garanti par l’Etat

Pour inciter les banques à consentir des facilités de trésorerie à leur client, l’Etat a accepté de garantir les prêts consentis jusqu’au 31 décembre 2020 aux entreprises pour faire face à leur besoin de trésorerie causé par la crise sanitaire du Covid-19, dans la limite d’un montant de 300 milliards d’euros (« PGE »). Toutes les entreprises, quelle que soit leur forme, peuvent bénéficier du PGE dans la limite d’un montant maximum de trois mois de chiffre d’affaires ou de deux années de la masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019. Seuls sont expressément exclus du dispositif les sociétés dont l’activité est la gestion d’un patrimoine immobilier, les établissements de crédit et les sociétés de financement.

Le dispositif n’est pas conditionné à des critères économiques d’éligibilité et laissé à la discrétion des banques. En pratique, les banques sont réticentes à accorder de tels prêts, compte tenu du risque résiduel dont elles ont la charge dans la mesure où la garantie porte sur 70% à 90% du montant du prêt en fonction de la taille de l’entreprise et de l’absence de rémunération. Les banques auraient recours à la définition européenne d’une entreprise en difficulté pour exclure le bénéfice du PGE lorsqu’au cours des deux exercices précédents (i) le ratio emprunts/capitaux propres est supérieur à 7,5 et (ii) le ratio de couverture des intérêts, calculé sur la base de l’EBITDA, est inférieur à 1,0

La référence à cette notion économique exclut de plein droit le bénéfice du PGE au holding d’acquisition d’un groupe de sociétés sous LBO. Néanmoins, rien n’empêche l’octroi du PGE à une filiale opérationnelle, si cette dernière réunit les critères et sous réserve d’obtenir l’accord du pool bancaire dans la mesure où cet emprunt constitue une dérogation aux contrats de financement.

Afin de contrôler l’accès au PGE, le gouvernement a ajouté de nouvelles conditions d’éligibilité : (i) le respect des échéances de paiement des dettes fournisseurs, (ii) l’engagement de ne pas distribuer de dividendes aux actionnaires en 2020 et (iii) l’engagement de ne pas procéder à un rachat d’actions au cours de l'année 2020. Ces conditions additionnelles concernent exclusivement les grandes entreprises qui, lors du dernier exercice clos, (i) emploient au moins 5 000 salariés ou (ii) ont réalisé un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 1,5 milliard d’euros en France. Ces conditions ont pour objet de moraliser l’octroi du PGE. Les groupes sous LBO pourront y avoir recours sans changer leur schéma de fonctionnement dans la mesure où (i) les distributions de dividendes intragroupes ne sont pas exclues, et ce d’autant s’ils permettent d’éviter à la société mère d’être en cas de défaut au titre de la documentation de financement et (ii) les engagements de rachat contractés avant le 27 mars 2020 ne sont pas interdits.

Ainsi, l’octroi du PGE permettra à son bénéficiaire de disposer d’une avance de trésorerie avec un report d’amortissement pendant la première année pour surmonter la crise. Le remboursement du PGE interviendra au plus tard dans un délai de 5 ans.

Les prêts consentis par BPI France

Dans le cadre du plan de relance et de soutien d'urgence aux entreprises, BPI France, avec ses partenaires (Régions, banques), proposent des prêts de soutien à la trésorerie. Les prêts sont consentis, sans garantie ni sûretés, et dédiés aux TPE, PME, ETI en difficulté avec la crise sanitaire COVID-19. Plusieurs formules sont proposées :

  • le prêt Rebond de 10.000 à 300.000 euros, bonifié sur une durée de 7 ans avec 2 ans de différé
  • Le prêt Atout, jusqu’à 5 million d’euros pour les PME,  et jusqu'à 15 millions d’euros pour les ETI, octroyé sur une durée de 3 à 5 ans avec un différé d’amortissement

Les conditions de cumul avec le PGE sont encore floues, il semblerait qu’il ne soit pas possible de cumuler un prêt BPI avec le PGE.

Des mesures de report ou rééchelonnement des charges récurrentes des entreprises

Face aux difficultés engendrées par la crise du Covid-19, le gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs pour alléger temporairement, les charges récurrentes des entreprises, consistant en la possibilité de solliciter un report ou rééchelonnement, sans frais ni pénalités, sous réserve de réunir les conditions applicables à chaque dispositif, des charges suivantes :

  • les échéances d’impôts directs (pour une durée de 3 mois) ; pour les situations les plus difficiles, les entreprises peuvent également demander une remise gracieuse, sous certaines conditions de leurs impôts directs et un remboursement anticipé des crédits d’impôt et de TVA. Le report ne s’applique pas à la TVA
  • les cotisations salariales et patronales (pour une durée de 3 mois)
  • les échéances des crédits d’entreprises (pour une durée de 6 mois)
  • les loyers commerciaux et les factures d’eau, de gaz et d’électricité (pour une durée de 6 mois)

Le report des échéances fiscales et sociales est également conditionné au respect, par les grandes entreprises, de l’engagement de ne pas distribuer de dividendes et de ne pas procéder à un rachat d’actions au cours de l'année 2020 sous les réserves ci-avant exposées.

Ces mesures permettent de suspendre temporairement les effets de la crise en reportant certaines charges et l’exécution de certaines obligations contractuelles. Cette situation soulève des interrogations sur la capacité pour les entreprises de payer les sommes dont le paiement a été reporté à l’issue de cette période dite « suspension ». Les entreprises seront-elles en mesure d’exécuter leurs obligations immédiatement après la levée de ces mesures exceptionnelles ? Cette question est difficile à appréhender à ce stade, et ce d’autant que l’INSEE indique qu’il est désormais peu probable que la sortie du confinement s’accompagne d’un retour immédiat de l’activité économique.

A l’expiration des mesures exceptionnelles, les entreprises pourront sur le fondement du droit commun, solliciter des délais de paiement ou un rééchelonnement du paiement des sommes dues au juge dans la limite d’un délai de 2 ans, conformément à l’Article 1343-5 du Code civil.

Le recours à ce dispositif pose la question du respect des covenants bancaires dans les sociétés sous LBO. Des autorisations au cas par cas seront consenties pour s’accorder sur les mesures à adopter afin de préserver l’activité des sociétés et sa capacité à faire face à ses obligations au titre des emprunts bancaires.

Par ailleurs, le gouvernement a appelé les entreprises à un sursaut de solidarité nationale, en incitant les grandes entreprises à respecter les délais de paiement et à les réduire dans la mesure du possible à 30 jours afin que ceux qui sont en manque de trésorerie puissent bénéficier du soutien de ceux qui en ont et ainsi ne pas rompre la chaine des paiements. Ces recommandations sont à la libre appréciation de chaque partenaire économique et sans force contraignante mais les entreprises concernées pourraient être exclues du bénéfice du PGE (cf. paragraphe 1.1) et du report des charges sociales et fiscales. En cas de difficultés dans l’exécution, le dialogue et la négociation doivent être privilégiés. Le gouvernement a prévu la possibilité d’avoir recours au médiateur des entreprises pour faciliter l’obtention d’un accord.

Un accompagnement favorisant la poursuite de l’activité

 

L’assurance-crédit garantie par l’Etat

Afin de maintenir les couvertures d’assurance-crédit des entreprises, l’Etat consent sa garantie, dans la limite d’un montant maximum de 10 milliards d’euros, à la Caisse Centrale de Réassurance « CCR » afin que cette dernière propose des assurances crédits aux entreprises opérant en France, pour couvrir les catastrophes naturelles et les risques non assurables.

Le dispositif est valable jusqu’au 31 décembre 2020 et portera exclusivement sur le marché intérieur.

Cette mesure a pour objectif de préserver la continuité des échanges et de protéger les acteurs économiques contre les risques encourus au titre de l'exécution du contrat ou de son paiement.

Ce dispositif permettra ainsi d’éviter des cas de défaut des sociétés sous LBO lesquelles s’engagent usuellement à souscrire et maintenir en vigueur des assurances pour des montants et des couvertures de risques et de responsabilités conformes aux pratiques généralement admises dans leurs domaines d’activité.

La poursuite des relations contractuelles

Dans ce contexte où les inexécutions contractuelles sont susceptibles de se multiplier, le gouvernement a adopté des mesures afin de paralyser les résiliations de contrats pour inexécution contractuelle ou l’application des dispositifs de sanctions (astreinte, clause pénale) à compter du prononcé de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 mars 2020, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Ces mesures ont notamment pour but d’encourager le dialogue entre le créancier et l’entreprise en difficulté afin notamment de négocier des remises de dettes.

Dans ces circonstances, certaines entreprises pourraient envisager de consentir à leurs partenaires économiques des abandons de créances avec, le cas échéant, une clause de retour à meilleure fortune afin de les soutenir le temps nécessaires pour surmonter la crise tout en conservant la possibilité de recouvrer leur créance si leur situation financière s’améliore. Afin de sécuriser juridiquement et fiscalement le recours à ce mécanisme, l’entreprise qui consent l’abandon de créance devra justifier d’un intérêt (i.e. préserver une chaîne de production) et soumettre la décision au respect de la procédure des conventions réglementées. Pour le cas particulier des sociétés sous LBO, ces décisions devront être préalablement autorisées par l’organe de contrôle des organes de gestion et, le cas échéant, par le pool bancaire, dans la mesure où ces opérations ne s’inscrivent pas dans le cours normal des affaires et doivent être, dans la plupart des cas, autorisées.    

Ces mesures s’inscrivent dans la volonté soutenue par le gouvernement de favoriser les négociations entre les cocontractants et les procédures préventives.

Le gouvernement a élaboré une série de mesures pour faire face dans l’immédiat à la situation économique des sociétés dont l’activité a été mise à l’arrêt en raison du confinement. Ces mesures sont temporaires et devront s’accompagner d’autres dispositions pour soutenir une activité fragilisée par une reprise d’activité, qui pourrait ne pas être immédiate. Dans ce contexte, un renforcement des fonds propres des entreprises pourraient être envisagé. Les investisseurs et partenaires économiques joueront un rôle décisif pour aider les entreprises à surmonter la crise.

[1] Définition issue des communications de la Commission Européenne  du 31 juillet 2014 et du secrétariat des affaires européennes du 5 février 2019 relatives aux « Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté́ autres que les établissements financiers » applicable aux grandes entreprises (plus de 250 salariés, un CA supérieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan excédant 43 millions d’euros).

[2] Décret n° 2020-397 du 4 avril 2020.

[3] Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (Article 4).

[4] L’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 « portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire » dispose que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Par Audrey Magny, Avocat Counsel, Hoche Avocats