Attirés par un processus de gestion innovant – stock picking couplé à un suivi de l’environnement macroéconomique – et des performances qui ne laissent pas indifférent, nous avons souhaité en savoir plus sur Eleva Capital. Eric Bendahan, son président et fondateur, nous a donc ouvert ses portes pour nous présenter sa philosophie d’investissement. Entretien.

Décideurs. Pouvez-vous revenir sur les différents piliers sur lesquels repose votre philosophie d’investissement ?

Éric Bendahan. Ces piliers font coexister les analyses « croissance » et « value ».

Le premier socle concerne les sociétés familiales, entrepreneuriales ou issues de fondation. Elles disposent d’un avantage compétitif tiré d’une réflexion axée sur le long terme, d’une moindre volatilité dans l’allocation de leurs ressources clés (R&D, Digitalisation …) mais aussi d’une grande stabilité de leurs équipes managériales. Celles-ci restent en moyenne 14 ans à la tête de l’entreprise, contre moins de 5 ans pour les autres sociétés.

Notre grille d’analyse nous conduit également à privilégier les entreprises innovantes dans des secteurs d’activité matures. Cette valeur ajoutée peut se faire par les prix, la distribution ou l’innovation. Nous visons alors les sociétés dont les titres sont faiblement valorisés. Ces actions « value » étant victimes de leur appartenance à des secteurs peu appréciés par le marché.

Nous allons par ailleurs regarder des sociétés sur lesquelles vont s’opérer des changements importants et que l’on estime pertinents : une nouvelle équipe managériale, un changement de direction stratégique. Ceux-ci pouvant agir comme un catalyseur pour la création de valeurs futures.

Si vous êtes des investisseurs en actions, vous suivez aussi de près les messages délivrés par le marché du crédit. Quels sont les apports de cette grille de lecture ?

Ils portent un regard très pointu sur les bilans et les cash-flows des entreprises. Nous prêtons ainsi une attention particulière aux titres faisant l’objet d’une divergence d’opinion entre les analystes crédit et action. Une opinion plus favorable de l’analyse crédit peut nous permettre de déceler une nouvelle opportunité d’investissement. L’inverse est aussi vrai, en termes de gestion du risque. Le marché crédit peut, en effet, refléter avant les marchés actions une détérioration de la valeur.

"Une opinion plus favorable de l’analyse crédit peut nous permettre de déceler une nouvelle opportunité d’investissement"

Vous aimez investir sur des entreprises détenues par des familles ou des fondations, en raison notamment de la stabilité du management. Mais ces sociétés ne sont-elles pas trop dépendantes de la vision d’un seul homme, le plus souvent le fondateur ?

Il y a toujours des risques afférents aux sociétés familiales. Cela fait partie de nos due diligences de bien les identifier et de les comprendre. Au sein de notre portefeuille, une grande partie de ces sociétés compte une famille à leur capital et une équipe de direction différente. En pratique, la famille contrôle le conseil d’administration et s’assure que la stratégie fonctionne bien. Les sociétés familiales font aussi des erreurs mais leurs avantages compensent – en moyenne – très largement les écueils et les soucis de corporate gouvernance potentiels, comme le prouve leur performance sur le long terme, en moyenne de + 3 % par an par rapport à leur indice de référence.

Les grands stock-pickers à succès français refusent, par conviction, d’investir en fonction de considérations macroéconomiques, ce qui n’est pas votre cas. Comment votre outil de prévision macroéconomique influence-t-il votre gestion ?

On ne peut - à notre sens - se priver d’une analyse de l’environnement macroéconomique lorsque l’on souhaite investir sur des sociétés dont l’activité est cyclique. Cette approche est d’autant plus importante que l’entreprise est confrontée à une inflexion de tendance. Celles-ci ne vont pas subir les conséquences d’une détérioration ou profiter d’une amélioration du cycle économique tout de suite. Or, c’est durant ce laps de temps qu’un gérant risque de perdre une partie de la performance du titre. Nous avons donc développé des outils jouant le rôle d’indicateurs avancés. Une détérioration des données macroéconomiques nous pousserait par exemple à être plus méfiant vis-à-vis des sociétés cycliques, et à avoir une préférence pour des valeurs plus de croissance.

Cette double analyse ne conduit-elle pas à créer trop d’arbitrages dans vos fonds ? La performance ne devient-elle pas dépendante de mouvements réalisés à court terme ?

Ces changements nous permettent de protéger le portefeuille dans les années difficiles pour le stock picking et vont donc dans l’intérêt de nos porteurs de parts. Si en 2018 nous avions gardé le même portefeuille qu’en fin d’année 2017, celui-ci aurait une performance de 8 % inférieure à celle effective car il aurait été davantage axé sur les valeurs cycliques. Notre outil nous offre un meilleur équilibre de performance dans la durée en complétant notre vue opportuniste.

"On ne peut se priver d’une analyse macroéconomique lorsque l’on souhaite investir sur des sociétés dont l’activité est cyclique"

Votre analyse crédit a une certaine importance dans la gestion de ce fonds. Ce savoir-faire ne vous donne-t-il pas envie de développer un fonds – ou une gamme de fonds – obligataire ?

C’est un sujet sur lequel nous sommes en train de travailler. Ce projet répond à deux objectifs : compléter notre gamme action et nous permettre d’enrichir nos réflexions macroéconomiques. Nous souhaitons pour cela faire venir une équipe qui développerait une approche de gestion assez opportuniste, sans contrainte.

Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ?

Notre but est de continuer à diversifier notre gamme. On veut le faire pas à pas, de façon mesurée. Cela ne fait pas sens, à notre échelle, d’avoir une gamme de fonds aboutie. Nous souhaitons identifier les segments de marchés sur lesquels on peut apporter une véritable valeur ajoutée.

Dix pour cent des bénéfices avant bonus d’Eleva Capital sont reversés à L’UNICEF via votre fondation. Pourquoi avoir choisi cette association ? Comment vos collaborateurs sont-ils impliqués dans ce projet ?

Cette démarche nous tient particulièrement à cœur. L’UNICEF nous donne la possibilité de choisir nous-mêmes les causes que l’on souhaite soutenir. Nous pouvons ainsi aiguiller les dons de la fondation sur des projets où l’on pense avoir un impact important. L’ensemble des collaborateurs y participent. Récemment notre fondation a ainsi apporté son soutien à des projets développés au Libéria et en Tanzanie.

Propos recueillis par Aurélien Florin