Fondée en 1997, puis reprise par Jean Baptiste Delabare et Sébastien Lalevée début 2009, Financière Arbevel est une des plus belles réussites dans le paysage des sociétés de gestion indépendantes françaises. La structure gère aujourd’hui 1,6 milliard d’euros réparti à parts égales entre fonds ouverts et véhicules dédiés. Son directeur général, Sébastien Lalevée revient sur le leitmotiv qui anime l’activité de ses équipes.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter les éléments qui ont fait de Financière Arbevel ce qu’elle est aujourd’hui ?

Sébastien Lalevée. Nous avons repris une société de gestion qui n’avait pas vocation à croître. Lors de notre prise de gestion effective en mars 2009, deux fonds existaient qui n’avaient pas de réelle présence commerciale. Après plus de dix ans passés ensemble chez Citi Group sur l’analyse sell-side, nous étions convaincus de la capacité à créer de la valeur des small et mid caps sur le long terme du fait de la raréfaction de la couverture sur ce segment. Nous souhaitions nous positionner comme spécialiste du stock-picking sur les valeurs françaises en nous appuyant sur les deux activités historiques de la maison que sont la gestion d’actifs et la gestion sous mandat. Avec l’idée d’être une « maison de recherche » faisant de la gestion, nous avons, au départ, construit l’encours par performance plus que par collecte. Cela nous a permis de nous faire une place et d’être rentable exercice après exercice. Nous avons ensuite souhaité mieux structurer la société en l’installant sur de solides fondations à faire croître. En 2012, nous avons passé le seuil des 100 millions d’euros d’encours, et nos fonds étaient parmi les premiers de leurs catégories. Depuis lors, nous avons naturellement développé la gamme suivant nos domaines d’expertise tout en poursuivant le renforcement de la société via des recrutements à haute valeur ajoutée.

Comment entendez-vous vous démarquer de vos homologues ?

Nous avons récemment lancé un fonds de private equity baptisé « Arbevel Life Science Crossover I », qui présente un focus pré-IPO. Nous continuons de nous appuyer sur notre compétence en matière de biotech-medtech. Parmi les éléments de différenciation notables, Financière Arbevel a été sélectionnée par le fonds souverain norvégien pour investir sur la France via un mandat. De plus, nous combinons pleinement notre biais de recherche à celui de notre activité de gestion sous mandat qui compte plus de 400 millions d’euros d’encours. Enfin, nous avons décidé, dès 2010, d’ouvrir le capital aux salariés, qui détiennent à ce jour un quart de la société.

« Nous souhaitions nous positionner comme spécialiste du stock-picking sur les valeurs françaises »

Quelle est votre perception de la consolidation actuelle du secteur ?

Elle est logique. Les exigences réglementaires augmentent ce qui impose des investissements et du CAPEX permanent. On observe un squizz de marge en plus d’une baisse de rémunération de l’acte de gestion. La concentration est cohérente dans l’environnement actuel. Ensuite, il y aura une segmentation du marché dans laquelle se détacheront les mastodontes de l’industrie. Il faudra choisir son camp entre la gestion indicielle et la gestion active. Certaines sociétés de gestion ont des structures de coût qui ne sont pas adaptées aux marges réduites. Le surplus de marge sera difficile à re-créer, puisque ce dernier était fondé sur des bases qui n’étaient pas saines.

On constate donc une consolidation, mais pas que…

En effet, on observe des build-up de sociétés bien connues du marché français. Néanmoins, il faut différencier les schémas de LBO des rapprochements plus basiques. En outre, il est certain que le ticket minimum augmente, quelle que soit la consolidation ou build-up. Enfin, je suis convaincu que des histoires entrepreneuriales continueront de voir le jour.

Comment implémentez-vous les critères ESG dans votre processus de gestion ?

Le stock-picking oblige à sélectionner les valeurs selon des critères ESG. Nous l’avons toujours fait naturellement, mais nous ne l’avons pas marketé ou établi formellement. Actuellement nous nous livrons à un travail assez fouillé de concentration de données. Il sera décliné sur l’ensemble de la gestion. L’idée n’est pas d’avoir une approche binaire ou manichéenne mais d’être une société de gestion agile travaillant à des fins utiles.

« L’idée n’est pas d’avoir une approche binaire ou manichéenne mais d’être une société de gestion agile travaillant à des fins utiles »

Comment une société de gestion peut-elle participer à l’amélioration de l’écosystème ?

Contribuer au développement des écosystèmes, c’est ce que nous tâchons de faire depuis la création de l’entreprise. Nous sommes, entre autres, partenaires de L’Echappée volée ou de TEDx Paris. Nous intégrons dans nos analyses stratégiques la compréhension des enjeux sociétaux et économiques. Il est important de participer à la transformation du monde, notamment en tant que stock picker. L’essentiel est de rester autant que possible dans un cadre intellectuel, ce qui implique de pouvoir expliquer les différentes situations, bonnes ou mauvaises, à nos partenaires.

Selon vous, quelle évolution de l’industrie est à surveiller pour l’avenir ?

Typiquement, Mifid II a entrainé une baisse générale des frais de courtage des sociétés de gestion auprès de leurs brokers. Nous n’y avons pas touché. Notre modèle de recherche nous permet d’internaliser cette pratique. Néanmoins les brokers sont une nécessité pour notre secteur d’activité, ce sont eux qui suivent les entreprises, et si leur nombre venait à baisser, il y aurait un problème de liquidités. Maintenir les frais de courtage c’est participer aussi à la préservation de notre propre écosystème, et nous saluons nos homologues qui font de même.

Propos recueillis par Yacine Kadri