Édito - À quelques jours de la mobilisation de la profession, la situation entre les avocats et leurs confrères élus de la majorité s’envenime. L’illustration avec le cas Laëtitia Avia.

Les avocats en appellent aux avocats. Dans une lettre ouverte à Laetitia Avia, députée LREM, les leaders des instances représentatives de la profession demandent à leur consœur de convaincre les élus ayant voté le projet de loi de réforme de la justice présenté par Nicole Belloubet de retourner leur veste. Après avoir été reçus par la Chancellerie, organisé des débats publics, être descendus dans la rue, avoir bloqué les tribunaux et sollicité l’intervention du président de la République, les avocats en appellent à la confraternité. Laetitia Avia est invitée par le Conseil national des barreaux à utiliser les réseaux sociaux – dont elle maîtrise les rouages – et à envoyer des messages types qu’il a rédigés. Exemple : « Monsieur/Madame le/la député(e)/sénateur/sénatrice [insérer nom du profil du député], vous avez voté pour le #PLJustice : êtes-vous donc favorable à l’éloignement des justiciables et des tribunaux ? » Une liste des comptes twitter des destinataires est même mise à sa disposition. Depuis le 17 décembre, date de cette initiative, aucun tweet n’est parti du compte de Laetitia Avia, du moins pas formulé selon les indications du CNB. La trentenaire reste au contraire droite dans ses bottes, en fière porteuse du projet de loi défendu par la majorité. Ainsi, le 19 décembre : « 23h45 : nous terminons l’examen du #PJLJustice par le vote des dispositions sur l’organisation territoriale pour une organisation plus lisible, plus accessible, conçue au plus près des territoires. #DirectAN », accompagné d’une infographie démêlant le vrai du faux dans les interprétations des mesures contenues dans le texte. 

Sur Twitter, Laetitia Avia est invitée par le Conseil national des barreaux à envoyer des messages types qu’il a rédigés

Résultat de ce combat digital : les avocats manifesteront de nouveau le 15 janvier, date de la seconde lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale. La colère est partagée partout en France, chaque barreau organisant son propre rassemblement des robes noires afin d’exprimer son rejet de mesures comme l’expérimentation de la cour criminelle départementale, la généralisation de la vidéoconférence aux audiences pénales, le recours aux interceptions par voie de communication électronique, à la géolocalisation et à l’enquête sous pseudonyme, etc. Ces revendications unissent le barreau français, des avocats isolés à ceux ayant tissé des liens avec leurs confrères sur tout le territoire, souvent dans l’objectif d’adapter leur métier aux besoins de leurs clients (lire le dossier pages 24 et suivantes). Des exemples de réussite qui prouvent une fois encore que les avocats savent se doter d’une vision stratégique.

Pascale D'Amore