Créer une marque d’avocat reconnue dans une capitale n’est pas à la portée de tous les cabinets. La dupliquer par la constitution d’un maillage régional ou national l’est encore moins. Dotés d’une vision précise du service juridique aux entreprises et d’une faculté à fédérer, certains y sont parvenus. Tour d’horizon des modèles de réussite sur fond de leadership.

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Selon les dernières statistiques officielles disponibles, le nombre d’avocats exerçant en France s’élève à quasiment 67 000. Avec plus de 28 000 hommes et femmes de robe inscrits à son barreau, Paris en réunit environ 40 %. Dans ce contexte, le Conseil national des barreaux (CNB) n’a pas manqué de remarquer que la densité de la profession variait selon les régions : 97 avocats pour 100 000 habitants en moyenne, 1 200 dans la capitale. Le constat est sans appel : les avocats se concentrent au sein du barreau parisien qui, souvent, ne s’aventure pas au-delà du périphérique, voire du triangle d’or. Parmi les 50 premiers cabinets en chiffre d’affaires (classement réalisé par Décideurs Juridiques, juillet-août 2018), seuls 15 ont des bureaux en province, et 6 sont originaires d’une capitale régionale. 

D’un barreau d’affaires parisiano-centré à un véritable maillage
territorial

Autre chiffre emblématique relevé cette fois par la Chancellerie : le nombre de bureaux secondaires ouverts dans le ressort des barreaux par des avocats non inscrits à ces barreaux a augmenté de 48 % entre 2008 et 2018, passant de 861 à 1 277. Est-ce à dire que le ­paysage national des cabinets d’avocats change, le barreau d’affaires parisiano-centré laissant place à un véritable maillage national ? Certainement, si l’on suit certains cabinets dont la stratégie récente s’est concentrée sur l’ouverture de bureaux dans les principales villes de France. Et ce n’est pas étonnant dans la mesure où les marchés juridiques les plus matures ont montré l’importance d’une présence nationale étendue.

Parmi les 50 premiers cabinets en chiffre d’affaires, seuls 15 ont des bureaux en province, et 6 sont originaires d’une capitale régionale

En Allemagne, par exemple, toute structure cherchant à s’imposer doit le faire par la multiplication d’antennes dans la capitale de chaque land. Le pays étant constitutionnellement fédéraliste, les avocats ont besoin d’être proches de leurs clients. Les États-Unis, qui servent, par leur maturité, de référence aux acteurs du droit, constituent également un bon exemple de stratégie nationale performante. Avant d’envisager une politique de conquête à l’international, les law firms commencent souvent par s’assurer une présence sur leur territoire. C’est ainsi que le célèbre cabinet de niche en contentieux et arbitrage Quinn Emanuel a commencé son expansion. Seuls les bureaux de Houston et ­Seattle ont ouvert après son expansion à l’intérieur des frontières du pays. Fondé en 1858, King & Spalding n’a eu besoin d’assurer une présence en Europe (à Londres plus exactement) que dans les années 2000 après avoir traversé les États-Unis d’Ouest en Est. C’est le cas également ­d’Orrick Herrington & Sutcliffe qui, créé en 1836 dans le Maryland par un descendant d’une famille française, a attendu de réunir une dizaine de bureaux sur le sol américain avant de s’expatrier en 1998, pour Londres dans un premier temps puis Paris quatre ans plus tard. S’assurer d’un solide positionnement local est une préoccupation partagée par les plus importants cabinets américains.

Des atouts régionaux

Et cela devient également le souci de certaines structures françaises, attirées par les perspectives de croissance de leur activité partout en France. Les capitales régionales ont chacune leurs atouts pour attirer les avocats d’affaires grâce à leur tissu économique parfois segmenté et souvent florissant. Nantes est le siège de nombreuses sociétés de services informatiques, de biotechnologies, d’activités financières ou industrielles (aéronautique, agroalimentaire, matériaux-mécanique, etc.). Les atouts de la région lyonnaise résident à la fois dans la richesse de son tissu économique (présence de sièges de multinationales, diversité des secteurs d’activité et de la taille des entreprises) et dans sa proximité avec la Suisse et le nord industriel de l’Italie. La ligne Nice-Marseille-Aix est intéressante aussi bien pour la galaxie de PME qui ont besoin de tisser des liens commerciaux dans le bassin méditerranéen que pour l’accompagnement des professionnels du tourisme et du transport. Entre Montpellier et Toulouse, la multiplication des sociétés innovantes fait croître le besoin en conseil juridique en droit des sociétés, en droit de l’informatique, des brevets, du e-commerce, etc., à destination des entreprises spécialisées dans le biomédical, les technologies ou encore l’informatique. Bordeaux, de son côté, demeure le centre d’exportation viticole du monde et la cible des investisseurs étrangers. Autrement dit, les grandes villes françaises sont demandeuses d’avocats « business oriented » qui exercent non pas seuls mais dans un collectif full service.

« On adore l’autonomie mais on déteste l’indépendance »

Pourtant, sur le marché hexagonal, seuls quelques cabinets d’avocats ont eu, dès leur origine, une stratégie d’implantation nationale. En tête, ceux qui se sont adossés à des cabinets d’audit internationaux  à l’instar de Mazars Société d’Avocats, EY Société d’Avocats, PWC Société d’Avocats et Taj Société d’Avocats (membre du réseau Deloitte) qui ont respectivement 38, 16, 8 et 5 bureaux régionaux. Curieusement, ce sont les petites structures d’origine française qui totalisent le plus grand nombre d’antennes. Un seul avocat travaille parfois aux côtés de plusieurs experts-comptables installés dans de petites villes, tous ayant comme stratégie d’offrir un service de proximité aux entreprises, et ce, partout en France. « Nous sommes petits chez les gros et gros chez les petits, explique l’associée dirigeante de TGS France Avocats Laurence Verney. Nous avons une culture particulière centrée sur une idée phare: on adore l’autonomie mais on déteste l’indépendance! » ­Autrement dit, là où les experts-comptables du réseau sont présents, les avocats du groupe peuvent l’être aussi. Né à Angers, Saje a pris le nom de TGS France Avocats en novembre 2017 à l’occasion de l’ouverture de son pôle international. Ses avocats sont présents dans des villes comme Challans, la Roche-sur-Yon, Laval, Mérignac, Rochefort-sur-Mer, etc., et dans d’autres agglomérations de plus grande taille comme Tours, Lille ou Nantes. Les avocats représentent 10 % de l’effectif total du cabinet tandis que les experts-comptables atteignent les 50 %.

Les choix des dirigeants de Simon Associés sont simples : faire aussi bien en province qu’à Paris, diminuer ainsi les coûts de structure et alléger d’autant la facture pour les clients

Fonctionnant au sein d’un réseau d’experts de la finance, de l’ingénierie et des projets publics, BG2A Avocats réunit, quant à lui, six bureaux dans l’Hexagone. Même modèle chez Oratio, une marque qui remonte à 1970 et qui s’appelait alors Société juridique du Val de Loire. Liée au cabinet d’expertise comptable Strego, elle affiche un développement économique qui suit celui des structures d’audit. « Pour ouvrir un nouveau bureau, on met toutes les chances de notre côté en proposant à un collaborateur senior de constituer son activité là où Strego est déjà présent », explique Gilles Camphort, qui dirigeait l’équipe nantaise avant de prendre les rênes du cabinet tout entier. Une démarche qui a porté ses fruits à La Rochelle ou à ­Saumure grâce à une analyse du marché local et à un partage des coûts de structure. Là aussi, les avocats représentent une part mineure de l’effectif et du chiffre d’affaires, 15 % environ. « Ce positionnement ne nous empêche pas de nous développer de façon autonome », nuance l’associé dirigeant, qui cite Nantes comme exemple, l’antenne ayant  plus de 50 % de clientèle propre. À tel point qu’Oratio n’a pas hésité à fusionner avec un cabinet dédié au contentieux, Exaequo Avocats, en 2015, pour acquérir une culture qui lui faisait défaut, celle du palais.

Fidal fait figure d’exception

Sur cette photo de famille, Fidal fait figure d’exception, et cela à deux titres. Tout d’abord, bien qu’il réunisse tous les critères pour être rangé aux côtés de ses confrères affiliés à un réseau d’audit (partenariat avec KPMG, avocats salariés, présence nationale, etc.), le cabinet d’avocats est indépendant. La structure est même parvenue à faire de sa marque d’avocat une vraie valeur ajoutée indépendamment de tout partenariat avec une profession du chiffre, ne s’appuyant sur KPMG que pour son activité internationale. Ensuite, Fidal possède le plus grand nombre de positions régionales, 88 au total (un chiffre qui peut évoluer à tout moment en fonction des opportunités), dans toute la France, excepté la Corse et les DOM-TOM. Ce maillage territorial très dense est d’ailleurs encadré par des directeurs régionaux de plus en plus jeunes, une logique de changement de génération guidée depuis Paris par Yves de Sevin et Régis Lassabe.

« Le droit du travail s’applique en étant près des entreprises »

Un autre type de structures a très tôt compris l’intérêt d’un maillage territorial : celles qui font uniquement du droit social. « Le droit du travail s’applique en étant près des entreprises », analyse Pascal Lagoutte, managing partner de Capstan. Autrement dit, il est nécessaire qu’elles aient un conseil juridique à leurs côtés quotidiennement. Et pour garantir l’uniformisation de la politique salariale d’une entreprise nationale, Capstan assure le partage des connaissances des avocats, de leur production intellectuelle et de leurs meilleures solutions juridiques grâce à l’utilisation par tous ses bureaux d’un logiciel unique. « Nos avocats qui négocient par exemple la création d’un comité social et économique pour une entreprise du textile à Lyon font part de leur travail dans tout le cabinet », explique Pascal Lagoutte. De quoi échanger sur les difficultés rencontrées, la stratégie mise en place, son amélioration… ­Barthélémy Avocats, son concurrent direct dans cette niche, poursuit la même politique et déploie un maillage territorial global avec ses 18 bureaux. C’est le cas aussi de Fromont Briens, présent à Lyon et Paris, ou des plus jeunes Caravage Avocats, entre Paris et Bordeaux, et Majorelle Avocats, entre Paris et Nantes. De son côté, Vaughan Avocats, présent dans la capitale mais aussi à Toulouse, Sophia Antipolis, Rennes et Versailles, est un cabinet d’affaires au spectre de compétences plus large mais surtout reconnu pour son expertise en droit social.

Du full service couplé à une présence régionale

Quelques rares cabinets d’avocats, comme Racine et Simon Associés, ont aussi fait le pari d’un positionnement full service couplé à une importante présence régionale. Leurs stratégies sont proches. Le premier a changé de nom au moment de son rapprochement avec le centre de Bordeaux en 2000, abandonnant celui de ­Cavalié & ­Associés. Déjà à l’époque, l’objectif était ambitieux : « Nous faisions majoritairement du contentieux et nous développions notre clientèle de grands groupes, se souvient Valérie Ledoux, aujourd’hui comanaging partner de Racine. Nous souhaitions connaître les pratiques locales avec l’objectif d’offrir un service de qualité à Paris et en région. » Son choix s’arrête alors sur la boutique de Thierry Buraud, et, fort du succès de l’intégration de cette équipe, Racine reproduit l’expérience à Lyon puis s’étend à Marseille, Nantes et Strasbourg. Aujourd’hui, les trois bureaux historiques sont réunis dans une Selarl (société d’exercice libéral à responsabilité limitée), les autres intégrés par le jeu de participations. « Chaque centre est autonome pour la gestion de ses équipes, que ce soit pour la facturation ou pour la rémunération de ses collaborateurs et associés », précise Valérie Ledoux. Le directoire est là pour que les équipes régionales travaillent ensemble et réfléchissent à l’évolution de leur profession.

Faire en province aussi bien qu’à Paris

Simon Associés a lui aussi ses bureaux historiques. Paris bien sûr, mais aussi Montpellier (la terre natale des deux frères fondateurs du cabinet, Jean-Charles et François-Luc Simon) et Nantes. Les autres centres de Simon Avocats (le cabinet s’appelle Simon Associés et le réseau Simon ­Avocats) ne sont pas des bureaux « en propre » mais sont intégrés dans le cabinet par l’effet de participations au capital. Assis sur une compétence reconnue en droit de la distribution et de la franchise, Simon Associés n’en est pas une. Les choix de ses dirigeants sont simples : faire aussi bien en province qu’à Paris, diminuer ainsi les coûts de structure et alléger d’autant la facture pour les clients. Ces derniers, à l’origine principalement des distributeurs, des compagnies d’assurance ou des banques, peuvent, pour leur développement en province, compter sur des avocats présents sur place et s’assurer de la force d’un réseau national. L’expertise des dossiers internationaux ou transactionnels se duplique donc en région. Les deux bureaux intégrés que sont Montpellier et Nantes ont, en plus, chacun leurs particularités : le premier est tourné vers le secteur viticole jusqu’à Marseille ou Toulouse, et vers les medtechs et la transformation digitale. Le second, de son côté, conseille, entre autres, une clientèle industrielle et des sociétés ouvertes sur l’international. Les autres équipes que sont Caen, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Marseille, Rouen, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulouse, Saint-Denis de La Réunion, Fort-de-France et bientôt Nice sont des membres du réseau et ont parfois, elles aussi, des expertises singulières (comme Caen en droit du sport). Le fondateur évalue le nombre de dossiers inter­bureaux à une quarantaine chaque année.

« La clé de la réussite d’un maillage régional réside, bien sûr, dans l’intuitu personae des associés mais surtout une gestion patrimoniale sans faille »,  Roland Dana, DHC

C’est une stratégie que tente d’adopter le cabinet de niche en droit public des affaires Adden. Née à Paris en 2004, la structure est dirigée par des avocats qui ont, depuis le début de leur association, le souhait d’être présents en région afin de tisser des liens avec les collectivités locales notamment. Cette politique a ensuite été menée selon les opportunités qui se sont présentées, à Bordeaux pour commencer puis Marseille, Lyon, Nantes et Nice. Une politique singulière doublée d’« une organisation originale, explique Jean-Joseph Giudicelli, l’associé de Marseille. Si je rentre un client dont le siège social est à Bordeaux, le dossier sera traité par les associés bordelais. Je continuerai à travailler sur le dossier mais plutôt comme relecteur. »

Un simple fax à Paris

Pour qu’un réseau régional reste animé, quelles que soient les modalités de sa constitution, une forte dose de décentralisation est nécessaire. Chaque équipe doit pouvoir gérer en toute indépendance son organisation, de la gestion des locaux et des ressources humaines à la rémunération des collaborateurs et au développement de ses dossiers. Les questions pratiques ne peuvent pas être tranchées à distance. En revanche, l’animation de ce maillage d’équipes doit être assurée par une instance ou une personne dédiée. C’est la raison pour laquelle Simon Avocats a fait le choix d’une secrétaire générale dont l’expérience au sein d’une chambre de commerce ­permet d’avoir une vue d’ensemble sur les besoins de chacun et les opportunités d’échanges. « Nous avons consacré beaucoup de temps à la constitution et à la consolidation de ce maillage territorial entre 2014 et 2017, se souvient Jean-Charles Simon. Aujourd’hui, nous avons recruté une secrétaire générale dont la mission est d’animer ce réseau et de fédérer les avocats autour d’un esprit d’équipe pour avancer sur des sujets cruciaux de la profession » comme le développement commercial, la communication, la relation avec les juristes d’entreprise ou encore la transformation digitale des avocats. « Sa mission est de faire en sorte que les membres de notre réseau trouvent ce qu’ils sont venus y chercher. Pour cela, elle doit être capable de fédérer autour de projets communs et d’élaborer une vision d’avenir », explique Jean-Charles Simon. Une réunion mensuelle entre tous les bureaux consolide leur collaboration.

Racine a quant à lui fait le choix d’un directoire national : « Nous voulions que chaque centre soit autonome financièrement, explique Jean-Philippe Lorizon, qui en est membre. Composé d’au moins un membre par centre, notre directoire se réunit tous les deux mois pour faire le point sur l’activité de chacun, convenir de la stratégie et de la communication globales et structurer la collaboration. Par exemple, nous avons travaillé récemment sur la meilleure façon de partager des clients présents dans plusieurs centres. »

Un cabinet national né à Paris ne prend pas toutes ses décisions depuis la capitale. S’il est certain que la stratégie globale de Fidal, par exemple, se détermine depuis la Ville lumière grâce au directoire, chaque direction régionale en applique les grandes lignes selon ses contraintes. Un cabinet qui s’étend en région comme Cornet Vincent Ségurel (CVS) n’en oublie pas pour autant son héritage et sa culture. Né sous sa forme actuelle à Nantes en 1972 après la fusion de conseils juridiques et d’avocats, CVS s’est d’abord établi discrètement à Paris, où le cabinet n’a, aujourd’hui, plus rien à envier à ses concurrents parisiens grâce à ses 50 avocats. Il s’est ensuite installé à Rennes, Lille et Bordeaux. Ayant réussi à transmettre ses valeurs sur quatre générations, le cabinet réunit 170 professionnels au total. « Notre stratégie est de proposer un service similaire à celui de notre bureau de Nantes dans toutes les capitales régionales, explique l’associé Jean-François Puget. Il n’était pas question de mettre un simple fax à Paris mais nous ne souhaitons pas non plus être présents dans de toutes petites villes. » Cornet Vincent Ségurel cherche sans cesse l’équilibre entre le haut de gamme et la discrétion, « afin de nous adresser à une clientèle de dirigeants d’entreprise plus à l’aise sur le boulevard Pereire que sur les Champs Élysées », complète l’associé nantais Christian Naux. Comprendre aussi « moins inquiet quant au montant des honoraires ». « Et ce d’autant plus qu’il n’est pas dégradant pour un patron du CAC 40 de descendre l’avenue de la Grande Armée », poursuit-il, illustrant ainsi le positionnement du cabinet. 

Lyon, deuxième pôle économique

D’autres cabinets originaires de province sont parvenus à s’imposer à Paris malgré la forte concentration d’avocats d’affaires dans la capitale. C’est le cas des structures de niche en droit social Barthélémy Avocats et Fromont Briens mais aussi des lyonnais Lamy Lexel, Axten, Aklea, Fiducial Legal by Lamy ou encore Delsol Avocats. Ce dernier, qui vient de passer le cap des 100 associés et collaborateurs, a même constitué un groupe parisien plus important qu’à Lyon à force d’investir sur son renforcement depuis plus de dix ans. « Nous nous sommes longtemps concentrés sur le développement de notre activité à Paris, explique l’associé dirigeant Amaury Nardone. Maintenant que nous y sommes bien implantés, nous allons renforcer les effectifs à Lyon. » La capitale des Gaules, située entre les Alpes, la Suisse et l’Italie, et fortement concentrée en sièges de groupes industriels internationaux des secteurs de la chimie, du textile, de la santé ou encore des équipements sportifs, est aussi la seule ville de province à accueillir un cabinet anglo-saxon : Bird & Bird. L’associé à la tête de l’équipe retrace dans les grandes lignes l’histoire de sa présence dans le deuxième pôle économique de France : « En 2006, nous cherchions depuis très longtemps déjà un expert des brevets, se souvient David Malcoiffe, et nous l’avons trouvé à Lyon: Yves Bizollon. Cet avocat lyonnais et ses collaborateurs y ont donc installé la marque localement.» Dès lors, Bird & Bird a capitalisé sur ce bureau proche d’un tissu économique dense et se différencie localement par son positionnement international. Un pari réussi puisque, de trois avocats dédiés aux brevets en 2008, Bird & Bird Lyon est passé à un groupe d’une quarantaine de professionnels full service. « Leur niveau de rentabilité est globalement équivalent aux associés parisiens, souligne David Malcoiffe à propos de l’équilibre entre les niveaux de productivité et les modes de rémunération entre les bureaux. Nous ajustons aussi les calculs en tenant compte des coûts de structure », détaille-t-il.

Des niveaux différents de profitabilité

Les écarts de prix des prestations juridiques entre Paris et la province sont à la fois un obstacle et un atout. Mais là où réside la difficulté, c’est dans le maintien d’un esprit collectif entre des groupes éloignés par la distance et aux niveaux de profitabilité différents. Les taux horaires des avocats de province étant inférieurs à ceux de leurs confrères parisiens, les cabinets nationaux doivent s’assurer de l’homogénéité des rémunérations des associés. Bien souvent, comme les coûts de structure en région sont également moins élevés que ceux liés à l’immobilier dans la capitale, les ajustements sont réalisables facilement. Surtout, certains cabinets profitent de la présence d’avocats en province pour faire baisser le montant de la facture de leurs clients tout en leur délivrant un service équivalent. « La clé de la réussite d’un maillage régional réside, bien sûr, dans l’intuitu personae des associés mais surtout une gestion patrimoniale sans faille », analyse le chasseur de têtes spécialiste du segment juridique Roland Dana. Un constat partagé par Jean-François Puget chez Cornet Vincent Ségurel à Paris : « Nous sommes des entrepreneurs habitués à investir mais sans vivre au-dessus de nos moyens. Chaque investissement est évalué au regard de notre capacité financière globale », détaille-t-il.

« Notre stratégie? Être présents partout où nos clients à fort potentiel se trouvent », Nuno de Ayala Boaventura, Steering Legal

Ce qui pose plus de problèmes, c’est la création d’un bureau parisien pour les cabinets nés en région. Certains y sont parvenus, comme Cornet Vincent Ségurel, Delsol Avocats ou Barthélémy Avocats, mais au prix d’investissements lourds en temps et en argent. TGS France Avocats vient tout juste d’installer une équipe à Paris : « Nous débutons avec deux avocats travaillant de concert avec les autres expertises du groupe, explique Laurence Verney. Notre développement géographique est motivé par le besoin de proximité avec les clients afin d’atteindre une taille suffisamment importante pour continuer à réinvestir, notamment en R&D. »

D’une simple adresse à une stratégie internationale

L’avantage d’une présence à Paris pour un cabinet régional est indéniable. Pour l’adresse, bien sûr, afin de gagner en crédibilité auprès des grands comptes et de pouvoir envisager de se positionner sur des dossiers internationaux. Gilles Camphort, chez Oratio, a fait ce constat dès l’ouverture de l’antenne parisienne en 2010 : « Nous avions un bureau de représentation avec un seul avocat, se souvient le managing partner. Nous nous sommes alors demandé si nous devions investir là où les clients ne nous attendaient pas, jusqu’au moment où nous avons adhéré au réseau international Baker Tilly en 2017. » Afin d’adopter cette posture de cabinet qui sait gérer des deals transfrontaliers, l’avocat travaille aujourd’hui au renforcement de l’équipe et vise une quarantaine de professionnels sur place.

Le raisonnement est le même dans un cabinet comme Steering Legal (autrefois Arago) dont la guideline « la force de la proximité, la puissance d’un cabinet international » traduit la volonté de ses dirigeants d’être proches des entreprises de province en les accompagnant dans leurs développements à l’étranger. « Notre stratégie? Être présents partout où nos clients à fort potentiel se trouvent », explique l’associé Nuno de Ayala Boaventura. Raison pour laquelle Steering Legal a posé sa plaque aussi bien à Paris, Marseille, Angers, Tours et Clermont-Ferrand qu’à Dubai et Fujaïrah au Moyen-Orient, à Rio de Janeiro, São Paulo et Porto Alegre au Brésil et Niamey et Abidjan sur le continent africain. La structure, unique par son positionnement, tisse également sa toile en Asie par la signature de partenariats.

Ensuite, pour les structures indépendantes qui souhaitent accompagner leurs clients au-delà de leur zone d’intervention, la solution du réseau de cabinets d’avocats peut s’avérer adoptée. Chacun avec leurs particularités, ils poursuivent deux objectifs différents, parfois couplés : le partage de dossiers grâce aux compétences complémentaires de ses membres et la formation continue des professionnels. Intégrer l’une de ces marques nationales ou régionales est beaucoup moins contraignant qu’intégrer un cabinet par association ou prise de participation. Du niveau d’engagement structurel dépendra ensuite le retour sur investissement.

Pascale D'Amore

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