Plus vertueux sur le plan environnemental, plus avantageux sur le plan financier, les consommateurs ont massivement succombé aux sirènes du reconditionné. La vente de produits d’occasion connaît un boom incroyable compte tenu de l’évolution des intérêts des consommateurs pour la protection de l’environnement, la réduction des déchets, l’économie des ressources et la sobriété numérique. Cette tendance est reprise par de nombreuses marques qui profitent de cette situation pour créer des nouveaux besoins en ligne à partir de produits d’occasion.

Du point de vue législatif, de nouveaux textes s’inscrivent au cœur de ces problématiques environnementales : loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi Agec), loi n°2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, décret n° 2022-190 du 17 février 2022 relatif aux conditions d’utilisation des termes "reconditionné" et "produit reconditionné".

Produits reconditionnés et produits de seconde main : par opposition aux produits neufs, les produits d’occasion sont définis par l’article L.321-1 du Code de commerce comme étant "les biens qui, à un stade quelconque de la production ou de la distribution, sont entrés en la possession d'une personne pour son usage propre, par l'effet de tout acte à titre onéreux ou à titre gratuit, ou ont subi des altérations qui ne permettent pas leur mise en vente comme neufs". Parmi les produits d’occasion, une distinction peut être à notre sens opérée entre :

- d’une part les produits reconditionnés, récemment définis par le décret du 17 février 2022 comme étant des produits qui ont subi des tests portant sur toutes leurs fonctionnalités afin d’établir qu’ils répondent aux obligations légales de sécurité et à l’usage auquel le consommateur peut légitimement s’attendre, et le cas échéant, des produits qui ont subi une ou plusieurs interventions afin de lui restituer ses fonctionnalités (incluant la suppression de toutes les données enregistrées ou conservées précédemment par l’ancien utilisateur)1. Les mentions "état neuf", "comme neuf" ou "à neuf" ne peuvent être utilisées pour un produit reconditionné2. Les produits reconditionnés sont généralement des produits électroniques ou électriques ;

- d’autre part les produits de seconde main, qui pourraient regrouper les autres produits d’occasion, non reconditionnés, sans être des produits électriques ou électroniques, mais qui ont déjà été utilisés par un premier acheteur (par exemple, les vêtements d’occasion).

Il incombe au cybermarchand de bien informer les clients sur le type du produit d’occasion commercialisé en ligne. Site e-commerce vs plateforme : la commercialisation des produits d’occasion s’organise soit directement par l’e-commerçant qui va préalablement reprendre les produits auprès des clients et les commercialiser directement sur son site, soit procéder à la mise en relation des clients en vue de la vente et l’achat de produits d’occasion, par l’intermédiaire d’une plateforme. La différence entre ces deux modèles est majeure : l’éditeur de la plateforme ne sera qu’intermédiaire, opérateur de plateforme en ligne : ce dernier ne vendra pas les produits, et ne sera donc pas tenu aux obligations encadrant la vente en ligne3. À l’inverse, sur son site e-commerce, le cybermarchand sera tenu au strict respect de la législation encadrant la vente de produits à distance et le cas échéant aux spécificités relatives aux produits ­d’occasion.

"Pour vendre des produits d’occasion, un certain cadre juridique doit être respecté"

Les obligations du e-commerçant : la commercialisation de produits d’occasion à des clients consommateurs implique le respect de certaines obligations : obligation d’information précontractuelle4, affichage des prix et respect des principes encadrant les promotions et les soldes, obligation de délivrance5, droit de rétractation6, garantie légale de conformité7, médiateur de la consommation8… Le cybermarchand doit clairement indiquer aux clients que le produit n’est pas neuf mais qu’il s’agit d’un produit d’occasion. Les défauts apparents ainsi que sur les éventuelles interventions préalables ayant été réalisées sur le produit reconditionné doivent être précisés. Depuis le 1er janvier 2022, le régime de la garantie légale de conformité a été modifié 9 : désormais les clients consommateurs et non-professionnels ayant acheté des produits de seconde main ou des produits reconditionnés pourront invoquer la garantie légale de conformité pendant un an à l’égard du professionnel 10.

Le cas des supports d’enregistrement d’occasion. Lors de l’achat d’un appareil électronique (smartphone, tablette ou autre support avec une capacité de stockage) une part forfaitaire du prix d’achat est reversée aux créateurs, artistes, producteurs : la redevance pour copie privée. Le nouvel article L.311-4 du Code de la propriété intellectuelle encadre désormais la rémunération pour copie privée des supports d’enregistrement d’occasion et ceux intégrés dans un appareil d’occasion. La rémunération doit être spécifique et différenciée de celle établie pour les supports d’enregistrements neufs de même nature. Il est également précisé que la rémunération n’est pas due pour les supports d’enregistrement d’occasion ou intégrés dans un appareil d’occasion dont le reconditionnement a été effectué par certaines personnes morales de droit privé. Le montant de la rémunération qui sera défini par la commission prévue à l’article L.311-5 du Code de la propriété intellectuelle tiendra compte des différences de capacité d’enregistrement des supports, des usages et de la durée d’utilisation des appareils, étant précisé que le montant de la rémunération ne peut être modifié avant le 31 décembre 2022. L’acquéreur devra toujours être dûment informé du montant de la rémunération pour copie privée propre à chaque support d’enregistrement11. La protection des données à caractère personnel : certaines plateformes mettant en relation vendeurs et acheteurs de produits de seconde main font régulièrement l’objet de plaintes sur le fondement du non-respect du RGPD, et ce notamment en raison de l’obligation pour le vendeur d’envoyer une copie numérisée de sa carte d’identité afin de débloquer le montant des transactions effectuées par l’intermédiaire de la plateforme. Un groupe de travail a ainsi été constitué par la Cnil, ainsi les autorités de protection des données situées en Pologne et en Lituanie afin de contrôler les pratiques de la plateforme Vinted (base légale, les procédures et critères prévus pour bloquer un compte, les durées de conservation).

Pour vendre des produits d’occasion, un certain cadre juridique doit être respecté. Ces aspects doivent être pris en compte par tout e-commerçant préalablement à la mise en ligne de son site internet ou être contrôlés lors du déploiement de son activité sur le marché de l’occasion. La DGCCRF mène régulièrement des contrôles portant sur la conformité des sites internet. La Cnil et la DGCCRF ont également signé un protocole de coopération en vue notamment de réaliser des contrôles communs. Il convient donc à tout e-commerçant de s’assurer de la conformité de son site internet sur lequel il commercialise des produits reconditionnés ou des produits de seconde main, la conformité étant toujours facteur de confiance et de croissance.

Notes de bas de page

1 Art. L.122-21-1 R.122-4 Code de la consommation.

2 Art. L.122-5 Code de la consommation.

3 Art. L.111-7 et suiv. Code de la consommation.

4 Art. L.216-1 et suiv. Code de la consommation.

6 Art. L.221-18 et suiv. Code de la consommation.

7 Art. L.217-3 et suiv. Code de la consommation.

8 Art. L.611-1 Code de la consommation.

9 Ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques.

10 Art. L.217-7 Code de la consommation

11 Art. L.311-4-1 et R.311-9 CPI

Sur les auteurs

Avocat fondateur du cabinet Haas Avocats, Maître Gérard Haas, est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et en droit des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il intervient auprès de nombreuses entreprises sur les sujets de transformation digitale, d’IA, RGPD, place de marché, cyber-risques et cybercriminalité

Collaboratrice du pôle IT au sein du cabinet Haas Avocats depuis 2016, Maître Rachel Ruimy, avocat à la Cour, est chef du pôle e-commerce. Elle intervient notamment dans les missions de mise en conformité de sites et de plateformes en ligne (audit, architecture contractuelle) et accompagne les e-commerçants dans le cadre des contrôles menés par la DGCCRF.