Pour les médias traditionnels, l’heure est plus que jamais à la concentration qui apparaît comme le seul moyen de faire face à l’offensive de Netflix et consorts. La fusion entre Televisa et Univision en est une nouvelle preuve.

Lorsque SoftBank et Google participent à une opération financière, les observateurs s’attendent "à du lourd" voire à du "très lourd". Et force est de constater que la fusion entre le mexicain Televisa et l’américain Univision annonce un chambardement dans le petit milieu de la télé, des séries et du streaming sur le continent américain. Peu connues sur le Vieux Continent, les deux sociétés sont pourtant tentaculaires. Avec 31 chaînes de télévision, dont 4 en clair, et la plateforme de streaming Blim, Televisa est le premier producteur de contenu vidéo en espagnol. De l’autre côté du Rio Grande, Univision jouit également d’une belle cote. Dédiée à la communauté latino-américaine, la firme possède 60 chaînes locales. Avec 80 % de taux de pénétration dans les foyers hispanophones du pays de l’Oncle Sam, Univision est le quatrième groupe de TV des États-Unis derrière Fox, ABC, NBC mais à égalité avec CBS. Dans un communiqué commun publié en avril 2021, les deux nouveaux mariés annoncent les modalités de leur union : "Televisa recevra 4,8 milliards de dollars, devenant l’actionnaire majoritaire de la nouvelle compagnie avec 45 % des actions." La direction de la nouvelle entité baptisée Televisa-Univision revient à Wade Davis, actuel CEO du groupe américain.

Les deux acteurs avaient besoin l’un de l’autre et travaillaient déjà étroitement ensemble puisqu’Univision achetait à Televisa les droits de diffusion de nombreuses Telenovelas. Mais chacun dans leur coin, ils couraient, malgré leur taille, le risque d’être démodé par la nouvelle manière de consommer des vidéos. Comme le souligne le Los Angeles Times, "Televisa luttait difficilement pour s’adapter à l’ère du streaming, ayant perdu une part de son audience au profit de Netflix". Mais aussi de Disney+ ou d’Amazon Prime. En attendant l’émergence de nouveaux acteurs…

Televisa a perdu une partie de son audience au profit de Netflix. Il fallait réagir.

Un marché prometteur

Avec cette fusion, le nouveau groupe cherche à se faire une place au soleil dans l’univers du streaming latino qui est promis à une forte croissance dans les années à venir. Le marché mexicain, à lui seul, est évalué à 881 millions de dollars en 2020 et est estimé à 1,4 milliard à l’horizon 2024. Outre 130 millions de Mexicains, il faut compter sur 62 millions d’Américains hispanophones. Une véritable martingale, d’autant plus alléchante que le marché est moins mature et saturé que celui en langue anglaise. Pour le moment, selon le cabinet The Competitive Intelligence Unit (CIU), Netflix mène largement la danse avec 76 % des parts du marché, loin devant le numéro deux Amazon Prime (8,5 %). Mais aucun acteur n’a développé une offre spécialement conçue pour ce segment de la population. Parmi les projets, la création d’une chaîne de VOD qui mettrait à l’honneur des créations locales, tout en centralisant les offres des deux acteurs.

Soutien du gouvernement mexicain

Une entreprise mexicaine en position de force face à un candidat gringo ? Évidemment, cette opération est vue d’un très bon œil par le président Andrés Manuel López Obrador qui s’est fendu d’un communiqué se félicitant d’un deal qui "fait prévaloir les investissements mexicains". Les députés de sa majorité de gauche envisagent même un projet de loi visant à instaurer une taxe de 7 % sur les plateformes étrangères, y compris celles qui disposent d’une filiale au Mexique. Pas de quoi effrayer Netflix qui, pour garder sa place de leader, a annoncé un plan d’investissement de 300 millions de dollars pour soutenir la production locale et a installé une antenne à Mexico.

LJ