Investir dans BioNTech avant la pandémie rapporte gros. Ce n'est pas Thomas Strüngmann qui dira le contraire. Le vaccin anti-covid développé par la firme allemande l'a rendu, avec son frère jumeau Andreas, multimilliardaire.

C’est en vendant Hexal en 2005 que les frères Strüngmann ont intégré le cercle fermé des milliardaires. Mais c’est grâce à leur investissement précoce dans BioNTech qu’ils ont été propulsés dans les hautes sphères de la richesse mondiale, au moment où la firme de biotechnologie allemande, en partenariat avec Pfizer et le chinois Fosun, a lancé un vaccin contre la Covid-19. Aujourd’hui pesant chacun près de 19 milliards d’euros, les serial entrepreneurs investissent plus que jamais dans la santé, la pharmacie et la biotechnologie.

De père en fils

On ne peut réellement dissocier Thomas d’Andreas. Nés en Allemagne en 1950, les frères jumeaux passent leur adolescence à Tegernsee, petite ville bavaroise nichée au bord du lac du même nom. Leur père, Dr. Ernst Strüngmann, est ophtalmologiste et fonde en 1956 la société Durachemie. Initialement, l'entreprise développait des produits ophtalmologiques avant d’étendre ses activités au marché des médicaments génériques en 1969.

Après un doctorat en économie, Thomas gravit les échelons dans l'entreprise pharmaceutique Schering-Plough à New York. Andreas devient quant à lui médecin. En 1979, ils sont appelés par leur père pour faire équipe dans l'entreprise familiale. Thomas en devient le PDG. Après l’avoir développée suffisamment, Thomas revend Durachemie en 1986 à la société américaine Cyanamid Lederle pour 100 millions de marks (équivalent à 41 millions de dollars de l’époque), premier jalon d’une série fructueuse.

Du générique au coup de génie

Les frères fondent alors Hexal AG à Munich, qui devient en quelques années l'une des plus grandes sociétés de médicaments génériques au monde. Avec Hexal, ils achètent le producteur de génériques en difficulté Eon Labs, le redressent et en introduisent une partie en Bourse. Thomas Strüngmann expliquera dans une interview : 'Notre force est la rapidité et la flexibilité. Pendant que les gros éléphants prennent leurs décisions, nous avons déjà agi."

"Pendant que les gros éléphants prennent leurs décisions, nous avons déjà agi"

En 2005, les activités du groupe Hexal s’étendent dans plus de trente pays, avec sept mille employés et un chiffre d'affaires de plus de 1,7 milliard d'euros. C’est également l’année de la mort du père. Coïncidence ou non - l’histoire voudrait que non - Thomas vend Hexal cette même année à la société pharmaceutique suisse Novartis pour 5,65 milliards d’euros.

D’entrepreneur à investisseur en série

Les jumeaux se convertissent alors en investisseurs. En structurant désormais leur patrimoine au sein de la société d’investissement Santo Holding, et du family office Athos Service, ils placent leurs billes dans des sociétés pharmaceutiques, principalement allemandes et souvent liées au traitement du cancer. On notera la subtilité des noms Santo et Athos, combinaisons variées de "Strüngmann Andreas Thomas".

La plus importante de leur participation sera un apport de 150 millions d’euros dans une entreprise de biotechnologie basée en Allemagne, BioNTech. À l’époque, en 2008, ce n’est qu’un pari sur l’avenir et le fruit d’une vision acérée des jumeaux sur le secteur de la santé. BioNTech n’est autre que le cerveau derrière le vaccin Pfizer contre la Covid-19. Fin 2019 la société est introduite au Nasdaq. Son cours augmente de 1 500 % en dix-huit mois. Grâce à leur part de 46 % dans l'entreprise, les milliards tombent.

Il serait tentant de penser que tout leur a réussi. Mais leurs paris n'ont pas tous été payants. 4SC AG, une entreprise allemande de médicaments anticancéreux dont les Strüngmann sont actionnaires majoritaires, voit son cours boursier baisser d’année en année. D’autres investissements n’ont pas encore porté leurs fruits, médicaux ou financiers. Néanmoins, "pour nous, il ne s'agit pas principalement de retour sur investissement", a déclaré Thomas dans une interview au Handelsblatt. Il s'agit "avant tout de générer des innovations médicales hautement efficaces".

Marc Munier